Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Schöffer (Nicolas) (suite)

En 1956, Schöffer présente au théâtre Sarah-Bernhardt, à Paris, Cysp I, une « sculpture cybernétique » qui se meut et se déplace de façon autonome en fonction des informations qui lui ont été données. En 1959, à partir des effets dynamiques de la lumière, il aboutit à une structuration du temps et théorise le « chronodynamisme ». Le temps comme matériau nécessite une reconversion des formes de l’art, une nouvelle approche : les retards microtemporels entre la perception rétinienne et la perception par le cerveau doivent être exploités par l’« artiste-créateur » (Microtemps exposés à la galerie Denise René, à Paris, en 1966).

En 1961, la Tour spatiodynamique et cybernétique de Liège, haute de 52 m, composée de soixante-six miroirs tournants et cent vingt projecteurs multicolores, constitue, avec un spectacle audio-visuel donné sur la façade du Palais des congrès, le premier essai d’une synthèse d’architecture, d’urbanisme, de sculpture, de projections colorées mobiles et de musique. En 1963, l’artiste présente la maquette de la Tour Lumière Cybernétique, alors destinée au carrefour de la Défense à l’ouest de Paris, haute de 307 m et prévue pour réagir à des informations de tous ordres (par exemple au trafic urbain).

Selon Schöffer, la soumission de la technologie aux intérêts culturels, à travers un art socialisé, libérera l’homme de ses contraintes. L’artiste considère la conquête à la fois physique et théorique de l’espace comme l’aspiration première de l’homme actuel ; l’action énergétique du spatiodynamisme déterminera les comportements psychologiques collectifs et individuels. L’art se situe dans le prospectif ; la programmation engendre la sélection, puis la combinaison des interactions les plus adéquates, la cybernétique permettant de ne plus revenir aux formes artistiques du passé, dont la saturation avait permis jusqu’alors aux seules « sciences technologiques » de triompher. La valeur réelle d’une société se mesure pour Schöffer dans son « futur artistique ».

C’est à partir de 1961 qu’il se penche sur l’architecture et l’urbanisme à proprement parler en synthétisant ses idées dans la Ville cybernétique (qui donnera son titre à un ouvrage publié en 1969). La monumentalité intimement associée à l’esthétique entraîne dans ses projets une dissociation des fonctions : « cités de travail → contacts → concentration → contraction → verticalité ; cités de repos → déconcentration → décontraction → horizontalité » — la fonction loisir oscillant entre ces deux pôles. Schöffer poursuit ce travail théorique dans la Nouvelle charte de la ville, publié en 1974.

M. W.

 G. Habasque et J. Cassou, Nicolas Schöffer (Éd. du Griffon, Neuchâtel, et Vincent Fréal, 1963).

Schönberg (Arnold)

Compositeur d’origine autrichienne (Vienne 1874 - Los Angeles 1951).


Compositeur et pédagogue, il est le chef et l’initiateur de l’école de Vienne*. Sa vie a été marquée par de nombreux paradoxes. Presque autodidacte, il fut un grand technicien de l’écriture musicale. Musicien maudit, il connut la célébrité. Respectueux du passé, il mit en pièces le système tonal. Il évolua plus rapidement, peut-être, qu’aucun autre musicien, mais ses dernières œuvres s’efforcèrent de retrouver les premières. Et, parmi ses continuateurs, ceux qui lui devaient le plus furent amenés, comme Pierre Boulez*, à le renier ouvertement.


La vie

Il naît à Vienne le 13 septembre 1874. De bonne heure orphelin, il vient à la musique en autodidacte. Des leçons de violon qu’il prend tout enfant et, plus tard, quelques cours de contrepoint : ce sera là tout son bagage académique. Il s’impose cependant, par l’étude des partitions, une solide formation musicale. Ses œuvres de jeunesse — la Nuit transfigurée, op. 4 (1899) et les premières pages des imposants Gurrelieder, qu’il ne devait achever qu’en 1911 — témoignent d’une technique d’écriture très sûre et d’une connaissance profonde du langage de son temps.

En 1901, Schönberg épouse Mathilde von Zemlinsky. Le jeune ménage s’installe à Berlin : Schönberg devient chef d’orchestre au Buntes Theater. Tandis qu’il compose le poème symphonique Pelléas et Mélisande (1902-03), il lui faut, pour vivre, orchestrer des opérettes, besogne qu’il devra assumer longtemps encore. Il est de retour à Vienne en 1903 ; sa situation matérielle restant précaire, il participe, d’ailleurs en vain, à des concours musicaux dotés de prix. Il entreprend, aux écoles Schwarzwald, puis à l’académie de Vienne, une carrière de professeur qu’il poursuivra toute sa vie. Son enseignement se révélera fécond : parmi ses élèves figureront Alban Berg* et Anton von Webern*.

Au seuil de la trentaine, l’activité créatrice de Schönberg est intense. Il compose le Premier Quatuor en « ré » mineur, op. 7 (1904-05), la Symphonie de chambre, op. 9 (1906), le Deuxième Quatuor en « fa » dièse mineur, op. 10 (1907-08), qui préparent les premiers chefs-d’œuvre : le Livre des Jardins suspendus, quinze mélodies sur des poèmes de Stefan George (1908-09), les Cinq Pièces pour orchestre, op. 16 (1909), le monodrame Erwartung (Attente) [1909], qui sera monté à Prague en 1924, année de la première représentation à Vienne du drame lyrique Die glückliche Hand (la Main heureuse) [1908-1913].

En 1911, alors qu’il rédige son Traité d’harmonie, Schönberg est nommé, grâce à l’influence de son ami Richard Strauss*, professeur au conservatoire Stern de Berlin. Sa musique commence à être connue à l’étranger ; il est invité à conduire ses œuvres à Amsterdam, à Londres, à Saint-Pétersbourg (1912). Il compose Pierrot lunaire (1912), qui le rendra célèbre.

Après Pierrot lunaire, Schönberg entre dans une longue période de réflexion. Il abandonne une symphonie, dont certains éléments seront utilisés dans l’oratorio l’Échelle de Jacob (1915-1917), lui-même inachevé. Pendant la Première Guerre mondiale, Schönberg est mobilisé une première fois en 1915-16, une seconde fois au cours de l’été 1917. Vers la fin de la guerre, il s’installe aux environs de Vienne ; il enseigne de nouveau aux écoles Schwarzwald (1917-1920) et fonde l’Association d’exécutions privées d’œuvres musicales.