Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Schleswig-Holstein (suite)

La restructuration des exploitations vise à abaisser les prix de revient. Le problème est de lutter contre la concurrence néerlandaise, qui est moins handicapée à l’égard du marché de la Ruhr que ne l’est le Schleswig-Holstein, du fait des distances plus réduites. À la suite de la tempête catastrophique qui a ravagé la région de Hambourg en 1962, les autorités ont établi un plan général de renforcement des digues et de protection des côtes (Küstenplan) ; 350 000 ha de terres basses doivent être protégés définitivement en 1978.

L’économie a subi d’importantes transformations depuis quelques décennies. La population, qui n’était que de 865 000 habitants en 1871, était passée à 1,58 million en 1939. Mais le partage de l’Allemagne après 1945 a amené plus de 700 000 personnes ; sur une population de 2,5 millions d’habitants (1971), les réfugiés expulsés constituent une part importante. Pour donner du travail à cette masse, l’industrialisation a été poussée. Jadis, l’industrie était principalement localisée dans les ports. Kiel (272 000 hab.), qui doit son importance à la création de son port militaire en 1871, a dû se reconvertir. Capitale du Land, la ville présente de nombreuses industries technologiquement avancées. Son port renferme un des chantiers navals les plus importants de la R. F. A. La « Kieler Woche » continue la tradition des régates de l’époque où la marine était soutenue par le pouvoir politique et où l’empereur accordait son patronage aux régates. L’université permet à la ville de disposer d’un pouvoir d’attraction que ne possède pas Lübeck, devenu ville frontalière depuis 1945. Cette dernière, jadis reine des villes de la Hanse, essaie de renouer avec un passé prestigieux.

L’industrie, sans le bâtiment, emploie près de 40 p. 100 de la population active du Land. Ce pourcentage est en forte augmentation par rapport à l’avant-guerre. Cependant, le Land passe pour être encore profondément marqué par son passé rural.

F. R.


L’histoire du Schleswig et du Holstein

La région intermédiaire — au-delà de l’Elbe — entre la grande plaine de l’Europe du Nord et le monde scandinave a été une zone d’interpénétration et d’affrontement. Peuplée de Frisons, de Danois, de Germains, elle entre dans l’histoire, à partir du xie s., sous les vocables de Schleswig (ou, en danois « Slesvig ») et de Holstein, deux unités politiques liées entre elles à partir du xive s. et au Danemark à partir du xve s. (1460). Après cette date, et durant cinq siècles, le roi de Danemark a gouverné « les duchés » non pas en tant que roi, mais en tant que duc, avec l’obligation de respecter le fonctionnement de leurs institutions particulières, au centre desquelles la chevalerie (noblesse) jouait un grand rôle, dans les « états » et à côté d’eux. À ce stade, l’individualité du Slesvig n’apparaissait pas.

Mais une évolution s’est dessinée, lente aux xviie et xviiie s., accélérée ensuite. En effet, les états ont été progressivement réduits à une représentation de l’Église et de la noblesse, les droits traditionnels confirmés (du moins certains) à titre de privilèges, l’autorité du souverain accrue, selon un processus d’uniformisation devant beaucoup aux philosophes et à la Révolution française. Il en est résulté, aussi bien dans le sens des réformes imposées qu’en réaction contre elles, une remise en question du statut historique des duchés.

Déjà en 1810 une ordonnance avait prévu l’emploi du danois dans les écoles, les églises et les tribunaux du Slesvig du Nord, dont la majorité des habitants parlaient cette langue. Inappliquée, elle eut la valeur d’un signe. Les changements politiques de 1815 exercèrent une action plus forte : le Holstein entra dans la nouvelle Confédération germanique (il avait appartenu au Saint Empire), et le Lauenburg devint danois, compensation dérisoire à la perte de la Norvège. Il en résulta une influence de l’élément allemand dans l’État danois, et, par voie de conséquence, une méfiance nouvelle, une réaction de défense perceptible dans les projets visant à doter le Holstein d’une constitution à part, notamment l’affaire des Göttinger Sielen, le premier mouvement national allemand du Holstein, sous l’inspiration de Friedrich Christoph Dahlmann, alors professeur à l’université de Kiel. Toutefois, les polémiques et les querelles n’agitèrent vraiment « la question des duchés », ne révélèrent un nationalisme danois et un nationalisme allemand affrontés qu’à partir de 1840.

Copenhague publie alors un « édit des langues » qui reprend celui, mort-né, de 1810 et amorce une progression de la langue danoise dans la partie septentrionale du Slesvig. À l’assemblée des états (dédoublés depuis 1834 entre Holstein et Slesvig tout en continuant à ne former qu’un corps), Christian Flor, professeur à l’université de Kiel, déclare (1842) qu’il ne prendra plus désormais la parole qu’en danois ; il en résulte quelques séances agitées et bien des protestations, dont celle de Johann Gustav Droysen (1808-1884), collègue de Flor (1843).

Kiel, la ville universitaire, et Schleswig, la ville politique, deviennent les deux principaux théâtres de lutte. Christian Flor mène le combat d’accord avec son collègue Christian Paulsen, historien du droit. Le poète et théologien Nikolai Frederik Grundtvig (1783-1872) et à Copenhague le national-libéral Orla Lehmann (1810-1870) apportent leur caution à un mouvement dit « des Danois de l’Eider », qui demande le « Danemark jusqu’à l’Eider » ! Conscients de la résistance du Holstein et d’une Allemagne qui se réveille, ces « Danois de l’Eider » tournent leurs regards non seulement vers Copenhague, mais aussi vers Stockholm : c’est, en 1843-1845, le début du « scandinavisme ». Le Slesvig s’anime : des journaux et des revues en danois paraissent, des bibliothèques — où pénètrent les romans historiques de Bernhard Severin Ingemann (1789-1862) — et des « écoles populaires » se créent à partir de celle de Rødding (1844).