Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

schizophrénie (suite)

Les manifestations cliniques

Le début de la schizophrénie peut se faire progressivement, par des troubles du caractère et du comportement surprenants, paradoxaux et insidieux, par des impressions insolites de transformation corporelle, des idées délirantes, des hallucinations, des préoccupations métaphysiques ou pseudo-scientifiques bizarres, tandis que s’installent une froideur affective croissante entrecoupée de rires, de pleurs ou de colères inexplicables, une tendance à l’isolement, au mutisme, surtout une baisse sensible de l’activité au travail comme au jeu. Parfois, c’est un état dépressif vague ou une chute du rendement scolaire qui inaugurent la maladie. Ce qui devrait entraîner la consultation du médecin de famille ou du spécialiste, c’est la métamorphose complète du caractère qu’aucun événement extérieur ne justifie chez un jeune dont la personnalité et la conduite avaient paru normales jusque-là. Seul le médecin peut éliminer une crise d’originalité juvénile, des troubles caractériels banals, une névrose ou une dépression simples.

Mais la schizophrénie commence parfois d’une manière aiguë et brutale par un état d’excitation maniaque ou une dépression mélancolique atypique, une psychose délirante aiguë (bouffée délirante), une confusion mentale, etc. Ailleurs, encore, peuvent s’observer une tentative de suicide, une fugue absolument immotivée, une impulsion agressive, une tentative d’automutilation, des extravagances de la conduite sociale.

À une phase plus avancée de son évolution, la schizophrénie se caractérise par une perte de cohésion, d’unité et d’harmonie de la personnalité, qui semble privée de synthèse, d’où la comparaison avec un « orchestre sans chef, un livre sans reliure », etc. Il existe des troubles de la pensée, de l’association des idées, du langage, de l’éventuelle production littéraire ou esthétique de ces sujets, marqués du sceau de l’étrange, de l’illogique et de l’incongru. Les sentiments, les désirs, les intentions et les actes sont contradictoires ou absolument incompatibles, car coexistant au même moment sans aucune possibilité de synthèse. Apparemment détaché de tout, indifférent à ses proches, le schizophrène se ferme au monde qui l’entoure, se réfugiant dans une rêverie et une imagerie intérieures souvent délirantes. Bizarre, impénétrable, déconcertant par ses brusques accès agressifs, il cache pourtant, sous une froideur de surface, une angoisse profonde, vivant parfois d’extraordinaires expériences de transformation de sa personne physique et morale. Il existe aussi fréquemment un délire paranoïde plus ou moins prononcé et des troubles psychomoteurs : mimiques inadaptées aux paroles, aux émotions ou aux situations présentes, phénomènes catatoniques, maniérisme. L’initiative et le désir d’activité sont très diminués. Parmi les innombrables aspects que prend la schizophrénie, on décrit quatre grandes formes : hébéphrénique, catatonique, paranoïde et simple, selon l’âge de début, les signes dominants et l’évolution. On distingue aussi des symptômes positifs et des symptômes négatifs, inégalement sensibles au traitement. Les tests mentaux permettent de vérifier l’intégrité de l’intelligence de ces malades. Mais les fonctions intellectuelles demeurent en grande partie virtuelles, non utilisées et mal coordonnées. Le schizophrène n’éprouve pas le désir d’exercer et d’appliquer son intelligence à la réalité environnante, d’où son manque d’efficacité, de rendement. Son affectivité, intensément troublée (comme le montrent les tests de personnalité), perturbe la maîtrise de sa pensée. L’évolution de la schizophrénie, après avoir longtemps paru sombre, s’ouvre aujourd’hui sur des perspectives plus optimistes : les traitements modernes sont de plus en plus souvent suivis de franches améliorations ou de guérisons à un niveau acceptable.
1. Les formes aiguës ou aiguës périodiques sont de loin les moins graves, car les troubles peuvent ne se déclarer qu’une seule fois au cours de l’existence et se montrer curables, avec des séquelles minimes, ou bien récidiver, mais laisser entre eux de longues périodes de rémission avec une vie normale. Il existe aussi des « états schizophréniformes » de très bon pronostic, et des « états limites » intermédiaires entre névrose et psychose observés chez des sujets jeunes, assez accessibles aux thérapeutiques.
2. Les formes véritablement chroniques évoluent souvent par poussées, entre lesquelles persiste un fond permanent de troubles de niveau variable entravant plus ou moins l’adaptation du malade à la famille, à la vie professionnelle et sociale.
3. Il est des cas particulièrement sévères, qui progressent sans rémission durant des années vers un état déficitaire de régression intellectuelle et affective ressemblant plus ou moins à une démence et nécessitant une hospitalisation permanente.


Les causes

Les origines de la schizophrénie demeurent hypothétiques, mais la plupart des travaux modernes établissent l’intervention de facteurs multiples — biologiques, psychologiques et sociologiques — qui se mêlent inextricablement pour faire basculer l’individu dans la maladie. Il serait vain de chercher la cause unique qui détermine l’éclosion des troubles.

Parmi les facteurs biologiques ou organiques, on ne connaît actuellement aucune lésion anatomopathologique cérébrale qui soit spécifique de schizophrénie. Sont exclus également les traumatismes crâniens, les encéphalites, l’alcoolisme, la tuberculose, les désordres des glandes endocrines, qui ne jouent aucun rôle véritable. En revanche, les causes héréditaires ont une réalité indéniable. Le mécanisme de transmission reste obscur, mais les travaux de la génétique moderne laissent entrevoir la possibilité d’anomalies des chromosomes des schizophrènes (deux gènes anormaux au moins seraient en cause). De même, des troubles biochimiques complexes du métabolisme des amines cérébrales sont hautement probables. Les recherches actuelles portent sur les dosages d’un certain nombre de substances en quantité anormale dans le sang et les urines des schizophrènes. Les résultats, encore contradictoires, méritent plus ample confirmation. D’autres recherches portent sur les psychoses expérimentales par les hallucinogènes, dont les signes se rapprochent parfois de ceux des schizophrénies à forme aiguë, sur les troubles de la fonction onirique (activité du rêve pendant le sommeil) étudiés par les méthodes neurophysiologiques modernes (électro-encéphalogramme). Cependant, les causes héréditaires, génétiques et biochimiques ainsi que les dérèglements du fonctionnement cérébral ne sont pas toujours suffisants pour expliquer la survenue des troubles.