Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Athènes (suite)

Les entreprises du bâtiment, elles aussi de petite taille, mais soutenues par un vif courant de spéculation immobilière, occupent dans l’agglomération environ 8 p. 100 de la population active, représentant deux tiers des effectifs de cette branche dans tout le pays ; leur activité explique les carrières des montagnes et des collines de l’Attique, l’activité des chantiers de démolition et de reconstruction dans l’agglomération.

Cependant, les activités de service sont déterminantes : 10 p. 100 des travailleurs relèvent des transports, 17 p. 100 du commerce, 30 p. 100 des administrations et des secteurs connexes. Car Athènes exerce à la fois les rôles de capitale économique et politique. Le Pirée est le point d’entrée des trois quarts des marchandises importées par mer ; il accueille avec l’aéroport d’Athènes plus de la moitié des voyageurs qui visitent la Grèce en consacrant à la ville, à l’Attique et à ses abords la majeure partie de leur séjour. Ces trafics contribuent à entretenir dans l’agglomération l’essentiel de la capacité hôtelière de la Grèce, et à y fixer presque toutes les entreprises maritimes et touristiques, les sièges sociaux de la plupart des entreprises commerciales et industrielles, toutes les banques et toutes les compagnies d’assurances.

L’émiettement des entreprises et la dispersion des emplois se retrouvent dans le secteur des services et celui du commerce, comme dans les industries. Une multitude de boutiques et de tavernes prolifèrent et entretiennent difficilement une main-d’œuvre à la limite du sous-emploi. Athènes ne compte pas plus d’une demi-douzaine de grands magasins de type traditionnel, et les supermarchés modernes n’y sont apparus que depuis 1965 ; les succursales se multiplient aujourd’hui à la fois dans le triangle central de la ville et sur ses accès principaux, pour tenir compte des progrès du parc automobile ; mais ces nouveautés n’introduisent qu’une nuance discrète dans un univers commercial où les relations quotidiennes entre le marchand et ses clients gardent toute leur importance, tant il est vrai que la majorité des Athéniens ne sont que des villageois fraîchement déracinés.

La centralisation des pouvoirs administratifs et politiques fait d’Athènes l’unique centre de décision du pays : le tiers des fonctionnaires y sont réunis. Le maintien d’un ministère de la Grèce du Nord, créé à Thessalonique en 1913 après l’annexion d’une partie de la Macédoine, et la création de centres de développement régional en province n’empêchent pas la capitale de régler toutes les affaires du pays. L’amélioration des communications (téléphone, lignes aériennes, route nationale Athènes-Thessalonique) a facilité les essais de déconcentration industrielle, mais n’a provoqué aucune régionalisation des pouvoirs de décision.

Dans tous les domaines de la vie économique, sociale, culturelle et politique, la Grèce entière tend à s’identifier avec Athènes. Pour les visiteurs étrangers, la densité des sites historiques et l’importance des musées ont contribué à faire de l’Attique l’image idéale de la Grèce. Pour beaucoup de provinciaux, Athènes résume toutes les aspirations à la promotion sociale.


La capitale enrichie d’un pays pauvre

Athènes est surtout un centre de consommation disproportionné par rapport à la Grèce. L’agglomération fixe la majorité des investissements, reçoit une partie des aides étrangères, utilise la moitié de l’électricité produite, compte plus du tiers des automobiles en service, 85 p. 100 des médecins spécialistes et la moitié de la capacité hospitalière. Les deux tiers des étudiants s’y rassemblent à l’université et dans quelques établissements d’enseignement supérieur spécialisés (Polytekhníon, Études commerciales, Sciences politiques) ; les trois quarts des impôts du pays y sont perçus. Le produit national brut s’y élève à plus de 900 dollars par tête, contre 600 environ dans l’ensemble de la Grèce et 380 dans les régions les plus pauvres (Thrace, Épire).

Une semblable distorsion pose le problème des rapports entre cette énorme capitale et le petit pays dont elle tire une partie de sa substance. Athènes, nombreuse, affairée, opulente, n’est qu’une façade qui dissimule la réalité de la Grèce. La croissance de l’agglomération athénienne continue de se faire aux dépens du reste du territoire national ; le coût de son entretien et de son développement diminue les chances de succès de toutes les expériences entreprises pour le développement régional. Or, plusieurs prévisions étudiées permettent de supposer que la croissance de la ville se poursuivra à un rythme plus rapide que celui du reste de la Grèce, poussant l’agglomération à déborder hors de l’Attique pour s’étendre en direction de la plaine de Béotie, le long des routes qui mènent vers le nord suivant un modèle d’écouménopolis dont les urbanistes d’aujourd’hui essaient d’imaginer quelles seront la silhouette et les lignes de force dans un délai de vingt-cinq ans.

P.-Y. P.


L’art et l’archéologie


De Pisistrate à Périclès

C’est avec Pisistrate que commence la « grande » histoire artistique d’Athènes. Les vestiges des civilisations antérieures furent alors attribués à des héros mythologiques et à des peuples légendaires : Pélasges, Cécrops, Érechthée, Thésée. L’archéologie va plus loin que la fable, et nous savons que, plusieurs millénaires avant qu’on y ait adoré Héphaïstos, les arts du feu étaient pratiqués dans le secteur du Céramique.

Pisistrate, quand il entreprit de restaurer et d’embellir l’Acropole, où il avait établi sa résidence, y trouvait des temples en tuf polychrome, dédiés à des cultes primitifs. On en a conservé quelques débris, notamment la pièce dite « fronton de l’Olivier », maquette d’un temple double d’Athéna et d’Érechthée. L’édifice principal était le temple de cent pieds consacré à Athéna, l’Hécatompédon, datant de Solon. Il fut pourvu d’une colonnade dorique et orné de métopes et de frontons racontant les exploits d’Héraclès. Autour du sanctuaire furent répartis des serviteurs et des servantes de la déesse, des sacrificateurs, des porteurs et porteuses d’offrandes. Après les destructions de l’armée perse, ce qui subsistait de cette statuaire fut pieusement enseveli. Retrouvées il y a un siècle encore revêtues de leurs vives couleurs, ces pièces (Couroi athlétiques, Corés aux drapés ioniens, au sourire hiératique, monstres mystérieux) ont été une révélation éblouissante. Parmi les autres travaux de Pisistrate et de ses fils, il faut mentionner les portiques de l’Agora — au centre de laquelle un autel de la Pitié marquait le point de départ des chemins de l’Attique — et la construction d’un temple colossal à Zeus Olympien. Les tambours en tuf de cet édifice resté inachevé furent incorporés au mur de Thémistocle, où ils sont encore. Des Pisistratides date aussi le premier état du théâtre de Dionysos, à l’origine simple enclos où dansaient les chœurs.