Philosophe allemand (Munich 1874 - Francfort-sur-le-Main 1928).
Il est élevé dans la tradition juive, mais, en fait, son évolution spirituelle est un dialogue avec la religion catholique, dont il subit l’influence dès l’âge de quatorze ans, au gymnase de Munich ; il se fait alors baptiser, sous l’ascendant du prêtre chargé de l’instruction religieuse. Plus tard, devenu privat-docent à l’université d’Iéna, il est profondément influencé par la phénoménologie de Husserl. Mais peu de temps après, il revient à l’Église, dont il s’efforce de comprendre la vie sacramentelle et liturgique. En même temps, il réfléchit sur les philosophes de la vie : Dilthey, Nietzsche, Bergson. En 1913 paraîtra le fruit de ses méditations : De la phénoménologie et de la théorie des sentiments sympathiques et de l’amour et de la haine, devenu, dans la seconde édition remaniée de 1923 : Nature et formes de la sympathie (Wesen und Formen der Sympathie).
En 1919, Scheler publie le Renversement des valeurs (Vom Umsturz der Werte). À cette époque, il devient professeur à l’université de Cologne et est considéré comme le maître de la pensée catholique allemande : le Formalisme en éthique et l’éthique matérielle des valeurs (Der Formalismus in der Ethik und die materiale Wertethik, 1913) et De l’éternel dans l’homme (Vom Ewigen im Menschen, 1921) exposent une philosophie des valeurs qui fait de la rencontre avec Dieu, conçu comme personnalité vivante, l’accomplissement dernier et indispensable de la personne humaine. Mais, bientôt, Scheler connaît une nouvelle crise intellectuelle qui l’éloigne du catholicisme et se consacre désormais à la sociologie et à l’anthropologie. Il voit désormais, comme deux données complémentaires, d’une part la poussée vitale aveugle, mais puissante, d’autre part la liberté spirituelle, lumineuse, mais précaire.
Nature et formes de la sympathie est son ouvrage le plus original. Répudiant tous les vieux procédés d’analyse, Scheler présente la sympathie sous la forme d’un sentiment premier, originel. Il tient à la distinguer de ce qu’il appelle l’« Einfühlung », sorte de contagion sentimentale où deux êtres ne font plus qu’un, tels la mère et l’enfant ou les amants. C’est au niveau de l’esprit, du respect des différences, et de ce qu’il pense être la communion véritable que Scheler situe la sympathie proprement dite.
Dans la seconde partie de l’ouvrage, Scheler tente le passage délicat de l’amour à l’éthique. L’amour, au plein sens du terme, ne s’adresse qu’aux personnes et se fonde sur la liberté et l’autonomie des sujets ; c’est en cela qu’il est véritablement reconnaissance de l’autre et, partant, éthique.
D. C.
P. Muller, De la psychologie à l’anthropologie. À travers l’œuvre de Max Scheler (La Baconnière, Neuchâtel, 1946). / J. M. Œsterreicher, Walls are crumbling. Seven Jewish Philosophers discover Christ (New York, 1952 ; trad. fr. Sept Philosophes juifs devant le Christ, Éd. du Cerf, 1955). / M. Dupuy, la Philosophie de Max Scheler (P. U. F., 1959 ; 2 vol.). / M. S. Frings, Zur Phänomenologie der Lebensgemeinschaft. Ein Versuch mit Max Scheler (Meisenheim, 1971).