Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Scheele (Carl Wilhelm) (suite)

Son œuvre la plus importante, le Traité élémentaire de l’air et du feu (1777), est un singulier mélange d’expériences admirables, de conclusions exactes, mais aussi de raisonnements compliqués et d’inventions insoutenables. Scheele observe bien que l’air diminue de volume au contact d’un sulfure alcalin, mais suppose que le fluide manquant, d’ailleurs d’après lui dénué de masse, a traversé le verre du récipient et s’est évanoui sous forme de chaleur et de lumière. Lavoisier* n’aura pas de peine, en 1781, à mettre en évidence les erreurs de cet ouvrage, encore imbu de la théorie du phlogistique.

Signalons que les œuvres de Scheele ont été réunies et publiées en français sous le titre : Mémoires de chimie (1785-1788).

Un contemporain de Scheele :

Torbern Olof Bergman

Chimiste suédois (Katrineberg 1735 - Medevi 1784). Spécialiste de l’analyse chimique par réactifs, il détermina la composition des carbonates et distingua le magnésium et le manganèse dans leurs oxydes. En 1775, il dressa des tables d’affinité. Il prépara le nickel pur et isola le tungstène en 1782.

R. T.

Scheler (Max)

Philosophe allemand (Munich 1874 - Francfort-sur-le-Main 1928).


Il est élevé dans la tradition juive, mais, en fait, son évolution spirituelle est un dialogue avec la religion catholique, dont il subit l’influence dès l’âge de quatorze ans, au gymnase de Munich ; il se fait alors baptiser, sous l’ascendant du prêtre chargé de l’instruction religieuse. Plus tard, devenu privat-docent à l’université d’Iéna, il est profondément influencé par la phénoménologie de Husserl. Mais peu de temps après, il revient à l’Église, dont il s’efforce de comprendre la vie sacramentelle et liturgique. En même temps, il réfléchit sur les philosophes de la vie : Dilthey, Nietzsche, Bergson. En 1913 paraîtra le fruit de ses méditations : De la phénoménologie et de la théorie des sentiments sympathiques et de l’amour et de la haine, devenu, dans la seconde édition remaniée de 1923 : Nature et formes de la sympathie (Wesen und Formen der Sympathie).

En 1919, Scheler publie le Renversement des valeurs (Vom Umsturz der Werte). À cette époque, il devient professeur à l’université de Cologne et est considéré comme le maître de la pensée catholique allemande : le Formalisme en éthique et l’éthique matérielle des valeurs (Der Formalismus in der Ethik und die materiale Wertethik, 1913) et De l’éternel dans l’homme (Vom Ewigen im Menschen, 1921) exposent une philosophie des valeurs qui fait de la rencontre avec Dieu, conçu comme personnalité vivante, l’accomplissement dernier et indispensable de la personne humaine. Mais, bientôt, Scheler connaît une nouvelle crise intellectuelle qui l’éloigne du catholicisme et se consacre désormais à la sociologie et à l’anthropologie. Il voit désormais, comme deux données complémentaires, d’une part la poussée vitale aveugle, mais puissante, d’autre part la liberté spirituelle, lumineuse, mais précaire.

Nature et formes de la sympathie est son ouvrage le plus original. Répudiant tous les vieux procédés d’analyse, Scheler présente la sympathie sous la forme d’un sentiment premier, originel. Il tient à la distinguer de ce qu’il appelle l’« Einfühlung », sorte de contagion sentimentale où deux êtres ne font plus qu’un, tels la mère et l’enfant ou les amants. C’est au niveau de l’esprit, du respect des différences, et de ce qu’il pense être la communion véritable que Scheler situe la sympathie proprement dite.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, Scheler tente le passage délicat de l’amour à l’éthique. L’amour, au plein sens du terme, ne s’adresse qu’aux personnes et se fonde sur la liberté et l’autonomie des sujets ; c’est en cela qu’il est véritablement reconnaissance de l’autre et, partant, éthique.

D. C.

 P. Muller, De la psychologie à l’anthropologie. À travers l’œuvre de Max Scheler (La Baconnière, Neuchâtel, 1946). / J. M. Œsterreicher, Walls are crumbling. Seven Jewish Philosophers discover Christ (New York, 1952 ; trad. fr. Sept Philosophes juifs devant le Christ, Éd. du Cerf, 1955). / M. Dupuy, la Philosophie de Max Scheler (P. U. F., 1959 ; 2 vol.). / M. S. Frings, Zur Phänomenologie der Lebensgemeinschaft. Ein Versuch mit Max Scheler (Meisenheim, 1971).

Schelling (Friedrich Wilhelm Joseph von)

Philosophe allemand (Leonberg 1775 - Ragaz 1854).


Après avoir été précepteur, il est nommé en 1798 professeur à l’université d’Iéna, où il reste jusqu’en 1803 ; il est appelé alors à l’université de Würzburg.

En 1806, il quitte cette ville pour Munich, où il est secrétaire de l’Académie des beaux-arts ; il ne reprend une chaire qu’en 1820, à Erlangen, puis il enseigne à Munich (1827) et enfin à Berlin (1841). Ses principales œuvres portent d’abord sur la philosophie de la Nature, puis sur la philosophie de l’identité.

Philosophe reconnu de l’école romantique, Schelling prend résolument parti contre Fichte* et développe une philosophie de la Nature qui renoue avec la tradition mystique et imaginative de la Renaissance. Cependant l’influence de Fichte, par rapport auquel il se situe constamment, reste prépondérante dans son œuvre. La pensée de Schelling est en effet dominée par ce qu’on peut appeler le schéma traditionnel de la philosophie de la Nature : la Nature est indépendante et autonome, grâce à une puissance infinie de rajeunissement qui vient rétablir l’équilibre entre les forces opposées chaque fois que cet équilibre a été détruit par la prévalence de l’une d’entre elles — thèse issue de Paracelse. Schelling va remplir ce schème par des images qu’il emprunte à la science de son temps, à la chimie et à la biologie en particulier (Ideen zu einer Philosophie der Natur, « Idées pour une philosophie de la Nature », 1797).

L’oxygène serait le principe rajeunissant qui réveille les énergies endormies sur la terre, grâce à l’action chimique essentielle, la combustion ; cette action renouvelle sans cesse ses propres conditions grâce à la permanence de l’air atmosphérique assurée par les actions combinées et inverses du monde animal, qui corrompt, et du monde végétal, qui restitue l’oxygène. Mais ce n’est pas tant la valeur de ce schème pour l’interprétation des phénomènes qui intéresse Schelling que la parenté intime qu’il croit découvrir, et de plus en plus, entre ce schème de la Nature, et la méthode dialectique de Fichte dans la Théorie de la science.