Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Savoie (Haute-). 74 (suite)

Les massifs centraux se présentent en blocs compacts de grandes aiguilles granitiques acérées : massifs de Chamonix et du Mont-Blanc, aiguilles Verte, Droites, du Dru, Aiguilles-Rouges. L’ampleur de ces reliefs est due à la conjugaison de la rigidité des matériaux et de la puissance tectonique. La région, moins bien pénétrée qu’au sud par la rocade des cluses et des vallées, et contrainte par le climat et la végétation montagnards (précipitations, neige, étagement de la végétation), a connu une mise en valeur longtemps traditionnelle.

Un long passé sous l’influence italianisante de la maison de Savoie a, de surcroît, aggravé cet enclavement, et la région a vécu fort tard dans une autarcie manifestée par des mises en valeur agricoles fondées sur des domaines naturels complémentaires (système agraire communautaire), un artisanat spécifique (travail du bois, horlogerie) et des migrations constantes.

Le xixe s. marque dans l’agriculture et plus encore dans l’industrie une révolution technologique par la mise en valeur de la houille blanche et des chemins de fer, qui consacre le déclin de la montagne au profit des vallées. On compte actuellement 108 000 ha de surfaces toujours en herbe, 42 000 ha de terres labourables — dont 14 000 en céréales —, 19 000 ha de forêts, un troupeau de 138 000 bovins, de 16 000 ovins et de 74 000 porcins (qui profitent des sous-produits laitiers). Une diminution du nombre des exploitants, de 3,5 p. 100 par an depuis 1955, est imputable à ce repli de l’agriculture sur les vallées, et l’insuffisance du potentiel agricole aboutit à un vieillissement de la moyenne d’âge des exploitants, dont très peu travaillent la terre à temps complet, beaucoup occupant des emplois industriels et effectuant des migrations saisonnières. Le déclin des alpages (avec le recul des céréales devant les cultures fourragères) n’empêche pas une organisation de la production laitière et fromagère (reblochon, comté, emmenthal) en fruitières et coopératives concentrées sur Cluses, Annemasse et Annecy. Cette production bénéficie du bon rendement laitier de la race d’Abondance.

L’économie traditionnelle comportait un artisanat complémentaire du bois et de l’horlogerie, qui, grâce à une main-d’œuvre qualifiée et à l’électricité, a très vite évolué vers l’industrie du décolletage (vallée de l’Arve, Cluses, Bonneville), elle-même passant à la petite mécanique de sous-traitance automobile, à la fonderie fine, au montage électrique et électronique (vallées de l’Arve et du Fier). Une électrochimie lourde à Chedde (magnésium, chlorates, graphites), alimentée par la centrale de Passy, complète ces activités dans la vallée de l’Arve. Mais l’enclavement de ces sites industriels et leur position de plus en plus difficilement accessible aux matières premières pondéreuses expliquent la migration des usines vers les portes alpines : Annemasse, proche de Genève (textile, horlogerie, décolletage), Annecy (aux industries traditionnelles de la fromagerie et de la chemiserie se sont ajoutées des activités de pointe : roulements à billes Renault, usine Gillette, constructions électriques et électroniques de la Société alsacienne de mécanique et d’électronique appliquée [S. A. M. E. A.]). Annecy, agglomération dynamique, bénéficie, outre de son site exceptionnel, des retombées de l’université et de la recherche à Grenoble.

Au tourisme traditionnel lacustre, estival et thermal (Évian-les-Bains, Thonon-les-Bains), la région ajoute un tourisme hivernal en flèche : la « rue hôtelière » de Chamonix (6 000 chambres d’hôtel), à Saint-Gervais et Megève reçoit 6 millions de visiteurs par an ; les stations plus récentes de Morzine, de Samoëns, de La Clusaz, et de la moderne Flaine sont en plein développement. La vallée de Chamonix possède une fonction de passage de toute première importance, qu’accentue le tunnel du Mont-Blanc.

R. D.-C.

➙ Alpes françaises / Annecy / Rhône-Alpes.

savon

Sel alcalin d’acides gras qui, à l’état naturel, sont les constituants principaux des huiles et des graisses végétales ou animales (qu’elles soient terrestres ou marines), où ils existent sous la forme d’esters du glycérol*.



Historique

Les Gaulois furent les premiers à connaître les savons et à procéder empiriquement à la saponification. Les Romains ignoraient totalement les savons et, suivant Pline, furent, après avoir envahi la Gaule, les premiers utilisateurs étrangers d’une production artisanale qu’ils ne tentèrent pas d’imiter. Le savon était alors réservé aux soins corporels, le dégraissage des laines étant pratiqué au moyen d’« urine corrompue » et le lavage du linge s’effectuant dans l’eau d’un ruisseau à l’aide d’un pain d’argile, puis, ultérieurement, après ébullition en présence de cendres de bois.

Au début du xixe s., le chimiste français Eugène Chevreul (1786-1889) a décrit le phénomène de la saponification ; une lessive alcaline est capable de scinder les lipides* en deux phases : d’une part, une phase hydrosoluble, appelée par Chevreul le « principe doux des huiles », dont la nature de triol ne fut établie que plus tard par Jean-Baptiste Dumas* et auquel celui-ci donna le nom de glycérine ; d’autre part, une phase lipidique, constituée par les acides issus de la matière première si l’apport d’alcali est faible. Si le pourcentage d’alcali dépasse légèrement la quantité théorique correspondant à la saturation des acides gras après leur libération du glycérol, on a directement le savon. Dans le premier cas, il s’agit d’une réaction catalytique qu’il est possible de produire en utilisant une petite quantité d’un oxyde métallique (de l’oxyde de zinc par exemple). On obtient le même résultat en agissant en milieu acide (acide sulfurique notamment) ou encore grâce à la présence de composés du groupe des alkylarylsulfonates. Enfin, la scission des lipides se produit dans les organismes vivants par une réaction enzymatique. Au xixe s., des essais de mise au point industriels ont tenté d’appliquer cette méthode d’hydrolyse, mais sans succès.