Savoie (Haute-). 74 (suite)
Les massifs centraux se présentent en blocs compacts de grandes aiguilles granitiques acérées : massifs de Chamonix et du Mont-Blanc, aiguilles Verte, Droites, du Dru, Aiguilles-Rouges. L’ampleur de ces reliefs est due à la conjugaison de la rigidité des matériaux et de la puissance tectonique. La région, moins bien pénétrée qu’au sud par la rocade des cluses et des vallées, et contrainte par le climat et la végétation montagnards (précipitations, neige, étagement de la végétation), a connu une mise en valeur longtemps traditionnelle.
Un long passé sous l’influence italianisante de la maison de Savoie a, de surcroît, aggravé cet enclavement, et la région a vécu fort tard dans une autarcie manifestée par des mises en valeur agricoles fondées sur des domaines naturels complémentaires (système agraire communautaire), un artisanat spécifique (travail du bois, horlogerie) et des migrations constantes.
Le xixe s. marque dans l’agriculture et plus encore dans l’industrie une révolution technologique par la mise en valeur de la houille blanche et des chemins de fer, qui consacre le déclin de la montagne au profit des vallées. On compte actuellement 108 000 ha de surfaces toujours en herbe, 42 000 ha de terres labourables — dont 14 000 en céréales —, 19 000 ha de forêts, un troupeau de 138 000 bovins, de 16 000 ovins et de 74 000 porcins (qui profitent des sous-produits laitiers). Une diminution du nombre des exploitants, de 3,5 p. 100 par an depuis 1955, est imputable à ce repli de l’agriculture sur les vallées, et l’insuffisance du potentiel agricole aboutit à un vieillissement de la moyenne d’âge des exploitants, dont très peu travaillent la terre à temps complet, beaucoup occupant des emplois industriels et effectuant des migrations saisonnières. Le déclin des alpages (avec le recul des céréales devant les cultures fourragères) n’empêche pas une organisation de la production laitière et fromagère (reblochon, comté, emmenthal) en fruitières et coopératives concentrées sur Cluses, Annemasse et Annecy. Cette production bénéficie du bon rendement laitier de la race d’Abondance.
L’économie traditionnelle comportait un artisanat complémentaire du bois et de l’horlogerie, qui, grâce à une main-d’œuvre qualifiée et à l’électricité, a très vite évolué vers l’industrie du décolletage (vallée de l’Arve, Cluses, Bonneville), elle-même passant à la petite mécanique de sous-traitance automobile, à la fonderie fine, au montage électrique et électronique (vallées de l’Arve et du Fier). Une électrochimie lourde à Chedde (magnésium, chlorates, graphites), alimentée par la centrale de Passy, complète ces activités dans la vallée de l’Arve. Mais l’enclavement de ces sites industriels et leur position de plus en plus difficilement accessible aux matières premières pondéreuses expliquent la migration des usines vers les portes alpines : Annemasse, proche de Genève (textile, horlogerie, décolletage), Annecy (aux industries traditionnelles de la fromagerie et de la chemiserie se sont ajoutées des activités de pointe : roulements à billes Renault, usine Gillette, constructions électriques et électroniques de la Société alsacienne de mécanique et d’électronique appliquée [S. A. M. E. A.]). Annecy, agglomération dynamique, bénéficie, outre de son site exceptionnel, des retombées de l’université et de la recherche à Grenoble.
Au tourisme traditionnel lacustre, estival et thermal (Évian-les-Bains, Thonon-les-Bains), la région ajoute un tourisme hivernal en flèche : la « rue hôtelière » de Chamonix (6 000 chambres d’hôtel), à Saint-Gervais et Megève reçoit 6 millions de visiteurs par an ; les stations plus récentes de Morzine, de Samoëns, de La Clusaz, et de la moderne Flaine sont en plein développement. La vallée de Chamonix possède une fonction de passage de toute première importance, qu’accentue le tunnel du Mont-Blanc.
R. D.-C.
➙ Alpes françaises / Annecy / Rhône-Alpes.