Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Savoie (suite)

Affaibli par les troubles agraires qui éclatent en Savoie en 1790 (refus des dîmes), puis au Piémont en 1791, ayant refusé en avril 1792 l’alliance que lui offraient les Girondins, Victor-Amédée III ne peut empêcher l’occupation de la Savoie et du comté de Nice par les troupes françaises. Ces deux provinces sont annexées par la Convention respectivement le 27 novembre 1792 et le 31 janvier 1793 ; constituées en départements (Mont-Blanc et Alpes-Maritimes), elles adhèrent aux idées révolutionnaires. Des sociétés d’Amis de la liberté et de l’égalité se forment aussitôt et s’affilient au club des Jacobins grâce au ralliement des notables. Mais, hostiles à la Constitution civile du clergé, à la conscription et à la dictature jacobine, qui est surtout urbaine, ecclésiastiques et paysans participent dès 1793 à l’action contre-révolutionnaire animée par la noblesse (Joseph de Maistre) et soutenue par les Austro-Sardes, qui occupent en partie la Tarentaise et la Maurienne en août. Vaincus par Bonaparte à Montenotte (11-12 avr. 1796), à Millesimo (13 avr.) et à Mondovi (21 avr.), les Sardes doivent céder à la France Nice et la Savoie par le traité de Paris du 15 mai 1796.

Tandis que les territoires septentrionaux de la Savoie constituent avec Genève le département du Léman de 1798 à 1813, le Piémont, occupé par les forces françaises, est annexé à la République en 1799 et divisé en 1802 en départements. Charles-Emmanuel IV (roi de 1796 à 1802) s’est retiré à Cagliari, où il vit des subsides anglais.

Transformés économiquement par Napoléon Ier, qui y construit la route moderne du Mont-Cenis, y crée l’École des mines de Moûtiers-Peisey et y facilite l’installation de filatures et de tissages de coton à Annecy, la Savoie et le Piémont sont récupérés en partie (moins Chambéry et Annecy), puis en totalité par le roi Victor-Emmanuel Ier (de 1802 à 1821) en vertu de la signature du premier et du second traité de Paris respectivement le 30 mai 1814 et le 20 novembre 1815.

Annexant Gênes, mais contraint d’accepter la neutralisation de la Savoie du Nord lors du congrès de Vienne de 1815, le roi accepte par le traité de Turin du 16 mars 1816 la création d’une zone franche destinée à faciliter le ravitaillement de Genève.

La monarchie sarde entreprend de restaurer la société d’Ancien Régime : elle déclare le catholicisme religion d’État, abolit le mariage civil, reconnaît à l’intendant général de Chambéry des pouvoirs analogues à ceux d’un préfet, réforme dès 1814 l’administration des communes, dont les administrateurs sont nommés par les intendants et le syndic par le roi. Anciens fonctionnaires et soldats de l’Empire affiliés à la Charbonnerie s’opposent alors à ce régime du buon governo, que combattent également les Génois, hostiles aux Sardes, et les libéraux piémontais. Après de premiers désordres qui éclatent à Turin en janvier 1821, la révolte de la garnison d’Alexandrie en mars contraint Victor-Emmanuel Ier à abdiquer le 13 mars en faveur de son frère Charles-Félix (roi de 1821 à 1831), en l’absence duquel le régent, son cousin et héritier présomptif, Charles-Albert de Carignan, proclame une Constitution libérale. Annulant les décisions du régent après la défaite infligée par les Autrichiens aux révolutionnaires piémontais à Novare le 8 avril 1821, le nouveau souverain aligne en fait sa politique sur celle de son prédécesseur, accordant toutefois un intérêt particulier à la partie savoyarde de ses États, où, en 1824, il rachète et restaure l’abbaye de Hautecombe, nécropole de sa maison.

Charles-Albert* (roi de 1831 à 1849) se rallie après une crise mystique à une politique de type absolutiste : il promulgue en 1837 un Code civil qui remplace les Royales Constitutions, puis transforme en 1848 le Sénat de Savoie en simple cour d’appel. Mais, malgré un incontestable manque de dynamisme économique, la mise en place d’un réseau de compagnies d’assurances et de banques, favorisant l’industrialisation de Biella et de Turin, entraîne un début de prolétarisation favorable à la diffusion des idées révolutionnaires. En février 1834, Mazzini* tente d’envahir la Savoie à partir du territoire suisse. Il échoue, faute de trouver un appui auprès d’une opinion publique que seules peuvent tirer de sa léthargie la crise économique de 1847 et la crise politique de 1848 parce qu’elles ont une dimension européenne. Libéralisant les 29 et 30 octobre 1847 le contenu des Codes civil et pénal, le fonctionnement de l’Administration et le système fiscal, Charles-Albert se décide enfin à octroyer à ses sujets le 8 février 1848 une Constitution, promulguée le 4 mars : le Statut fondamental, partageant le pouvoir entre le souverain et deux Chambres. Cesare Balbo forme le premier gouvernement parlementaire (14 mars). Champion du nationalisme italien, Charles-Albert entre alors en Lombardie, mais, vaincu à deux reprises par les Autrichiens respectivement à Custoza (25 juill. 1848) et à Novare (23 mars 1849), il abdique en faveur de son fils Victor-Emmanuel II (roi de 1849 à 1878).


La dislocation des États sardes (1849-1860)

Après avoir, le 7 mai 1849, demandé à Massimo d’Azeglio de constituer un gouvernement chargé de liquider les séquelles de la guerre, le souverain confie à Cavour*, en novembre 1852, le soin de faire du Piémont un État moderne doté d’une fiscalité efficace, d’une armée et d’une marine de guerre également rénovées, s’appuyant sur deux bases essentielles : la place forte d’Alexandrie et le port militaire de La Spezia. Cavour, qui a fait participer ses forces à la guerre de Crimée en mars 1855 de façon à pouvoir poser la question de l’unité italienne au congrès de Paris en 1856, promet à Napoléon III*, lors de l’entrevue de Plombières en juillet 1858, de lui céder Nice et la Savoie en échange de l’annexion du royaume lombard-vénitien aux États sardes, au prix, il est vrai, d’une guerre contre l’Autriche, qui ne cède finalement aux Sardes que la Lombardie. Mécontents, ces derniers attendent, pour tenir leur promesse, que soient proclamés les résultats des plébiscites (mars 1860) rattachant à leur royaume l’Émilie (avec Parme et Modène) et la Toscane. Ils acceptent alors, à regret, de signer le traité de Turin (24 mars 1860), qui cède à la France Nice et la Savoie, à condition que leurs habitants approuvent cette décision par plébiscite. S’étant détachés graduellement du Piémont depuis l’expédition des Voraces lyonnais d’origine savoyarde, qui avaient proclamé pendant vingt-quatre heures la république à Chambéry le 3 avril 1848, Niçois et Savoyards votent leur rattachement à la France, les premiers le 15 avril, les seconds les 21 et 22 avril 1860. Ratifié par les deux Chambres du Parlement sarde le 29 mai, le transfert de souveraineté est effectif le 30 juin.