Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sassanides (suite)

Les armées des Sassanides furent favorisées par une technique militaire que Rome pouvait leur envier. Au iiie s., l’apparition de la cavalerie lourde, protégée d’une armure, faillit être fatale aux Romains. Les cavaliers étaient revêtus de cottes de mailles ou d’armures d’écailles articulées ; le cheval était lui-même protégé. L’armement offensif comprenait tout un arsenal : outre la lance, la rondache, l’arc, il y avait la masse d’armes et le lasso. Cette cavalerie était secondée par des troupes auxiliaires à cheval, et par une infanterie composée de paysans inorganisés, équipés de boucliers d’osier et de cuir, que l’empereur Julien comparait à des chèvres dégoûtantes de crasse. Rome dut s’adapter et adopter à son tour la cavalerie blindée. En revanche, les Sassanides durent apprendre des Romains la poliorcétique. Les archers enduisaient leurs flèches d’une espèce de napalm, l’huile médique, faite d’un mélange de pétrole et d’une macération d’herbes dans l’huile. Cette armée remarquable se décomposa lamentablement, du fait de l’indépendance des généraux, de l’anarchie, de l’incapacité de certains rois, et s’évanouit devant l’offensive arabe.

L’administration fut, ainsi que l’armée, un précieux instrument de la puissance sassanide. Elle veillait aux communications, à la poste, aux poids et mesures, aux domaines et aux finances. Elle commença à employer, à la place du parchemin, le papier, qui était teint de safran et parfumé à l’eau de rose. La fiscalité comportait un impôt personnel et un impôt foncier, perçus avec les exactions traditionnelles, « car nous autres dieux, écrivait Châhpuhr II, n’avons que les ennuis de la guerre, tandis qu’eux n’ont que repos et plaisirs ». Le paysan n’avait pas à toucher à sa récolte avant que l’Administration n’ait envoyé son agent. Si celui-ci était en retard, il laissait pourrir sa récolte. La justice infligeait des peines sévères : crucifixion, lapidation, aveuglement, décapitation, etc. L’ordalie était d’un emploi fréquent. Les mœurs choquaient les Byzantins qui se trouvaient en Perse : exposition des cadavres, mariages entre mère et fils ou entre frère et sœur ; la polygamie était d’ailleurs d’usage.

Ctésiphon

Ctésiphon, capitale parthe et sassanide, fut fondée par le Parthe Orodès (55-37 av. J.-C.) là où les Parthes avaient campé, face à l’ancienne capitale Séleucie, sur la rive opposée du Tigre. Ce fut une ville considérable, qui supplanta Séleucie, ville de négociants grecs, peu favorable aux Parthes et qui, du reste, se révolta au ier s. apr. J.-C. Elle fut plusieurs fois la proie des Romains, qui la saccagèrent en 116, en 164 et en 197. Sous les Sassanides, elle forma avec Séleucie un vaste ensemble urbain, dominé par le monumental palais (Tāq-e Kesrā), et fut encore menacée plus d’une fois par des expéditions romaines. Prise par les Arabes en 637, elle déclina au profit de Bagdad.


Les religions et leur évolution

Les affaires religieuses ont tenu une grande place. Le mazdéisme*, qui, à l’époque parthe, s’était réfugié dans le Fārs, était devenu religion d’État, ce qui donnait un grand pouvoir à ses ministres. Le clergé possédait de vastes domaines et s’occupait de l’entretien des temples et de l’enseignement. On distinguait les herbedhs, chefs du feu, les mobedhs, chefs des mages, les mages, les zot, qui priaient, et les raspi, qui entretenaient le feu. Le culte du feu était au centre des rites de la religion mazdéenne. On respectait la terre : aussi les cadavres étaient-ils exposés sur des tours pour ne pas la souiller. Ahura-Mazdâ, la divinité souveraine, était escorté de quelques génies et de la déesse Anâhita ; on adorait le Soleil et la Lune. Mithra lui-même n’eut qu’une place très limitée. Il en fut de même de Zurvan, dieu primitif et primordial qui devint le fait d’une secte particulière, dissidente, parmi d’autres. Le manichéisme*, au contraire, fondé par Mani (v. 215-277), introduisit une morale dualiste. Protégé un moment par Châhpuhr Ier, Mani put répandre sa doctrine et, peintre de talent, utiliser ses tableaux religieux pour sa propagande. Puis il fut abandonné par les rois suivants et crucifié à Gund-e Châhpuhr. Le manichéisme, bien que persécuté et souvent méprisé, n’en avait pas moins amorcé une brillante carrière internationale. Mazdak, autre fondateur religieux, se référait d’ailleurs à Mani. Enfin bouddhisme et christianisme se répandirent en Perse à l’époque sassanide. Des monastères bouddhiques étaient établis dans l’actuel Afghānistan et en Bactriane. Un frère de Châhpuhr Ier honorait le bouddhisme, et Mani en subit l’influence. Les Juifs prospérèrent en Perse après la déportation de Nabuchodonosor. Ils subirent quelques persécutions, sans rapport avec celles qui s’abattirent sur les chrétiens. Ceux-ci se multiplièrent avec l’implantation des prisonniers romains. Quand le christianisme devint religion officielle dans l’Empire romain, les persécutions ne tardèrent pas à sévir en Perse ; par la suite, elles se modérèrent ou cessèrent, notamment grâce à des accords politiques entre les deux États. Les prêtres mazdéens firent du zèle. Des catacombes chrétiennes datables du iiie s. existent dans l’île de Kharg, près de Buchehr. Adversaires des monophysites d’au-delà de la frontière romaine, les nestoriens, favorisés par la royauté en raison même de leur opposition doctrinale, prospérèrent à partir du début du ve s. (écoles de théologie de Nisibe et de Séleucie, évangélisations lointaines). Mais, quel qu’ait été le prosélytisme des minorités religieuses, le véritable vecteur de la civilisation iranienne de l’époque sassanide a été l’islām, qui s’est profondément laissé pénétrer par les traditions littéraires et historiques, les méthodes administratives et l’art persan.

R. H.

➙ Achéménides / Arménie / Byzantin (Empire) / Iran / Manichéisme / Mazdéisme / Parthes.