Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sassanides (suite)

Yazdgard III (632-651), dernier roi sassanide, assiste à la conquête de ses États par les Arabes musulmans, vainqueurs à Qādisiyya (637), maîtres de Ctésiphon désertée, où ils raflent tous les trésors, victorieux encore à Nehavend (642) et à Rey (643). En fuite, il se réfugie à Merv, où il est assassiné. La Perse perd son autonomie et en même temps sa religion nationale, qui, peu à peu, s’évanouit presque complètement.


Société et civilisation sous les Sassanides

Le roi sassanide s’entourait d’un faste qui rehaussait sa majesté. On l’a décrit assis sur un trône somptueux, sous une couronne attachée au plafond tant elle était lourde d’or et de pierreries (91 kg), vêtu de tissus chamarrés d’or. Dans sa salle d’audience, il était séparé de ses visiteurs par un rideau dont un dignitaire avait la garde. Le solliciteur se prosternait, et l’assistance était rangée selon la préséance. Les divers palais dont les ruines subsistent donnent une idée de ce faste par leurs proportions impressionnantes. Ardachêr Ier construisit la ville de Firuzābād, dominée par son temple du feu et à côté de laquelle s’élevait le palais royal, de plan rectangulaire, aux murs épais (jusqu’à 4 m) et pourvu d’un vaste iwān, pièce voûtée ouverte vers l’extérieur et qui dérive de l’apadana des Achéménides. Cet iwān se trouvait dans les autres palais, dont le plus connu est celui de Ctésiphon, le Tāq-e Kesrā, œuvre de Khosrô Ier ou de Châhpuhr Ier : sa façade est en partie conservée. L’iwān était immense (50 m), ainsi que le palais, et les mosaïques devaient être abondantes. À Bichāpur, Châpuhr Ier construisit une ville, avec un temple du feu et un palais dont le décor est fortement inspiré par le style gréco-romain. Les mosaïques, en particulier, sont manifestement inspirées de celles de Syrie, si même elles ne sont pas l’œuvre de Syriens. Khosrô II bâtit, outre le palais de Dastgard, celui d’Imaret-e Khosrô (à Qasr-e Chirin), gigantesque (190 m × 250 m), construit sur une terrasse artificielle de 8 m de haut. D’autres palais majestueux furent encore édifiés à Eywān-e Karkhe, à Sarvestān, à Kish, à Dāmrhān.

Le roi manifestait aussi sa gloire éternelle dans les bas-reliefs rupestres du Fārs (à Firuzābād, à Naqsh-i Roustem et à Bichāpur) et du Tāq-e Bostān, près de Kermānchāh. Ce sont des sculptures de grande dimension, taillées au flanc des falaises, qui représentent soit l’investiture royale, soit la victoire du roi sur ses ennemis, et en particulier la capture de l’empereur Valérien, soit enfin des chasses. La chasse était, avec le polo, un des divertissements des rois et de la Cour. La musique était l’un des plaisirs les plus recherchés. Les musiciens accompagnaient le roi à la chasse. Les instruments étaient variés : luth, harpe, cithare, mandoline, sans compter ceux de la musique militaire, trompette et tambour. Il n’est pas resté de notations, mais la musique en usage chez les califes de Bagdad devait dériver directement de celle des Sassanides.

Le roi disposait d’un conseil de gouvernement qui semble avoir eu pour rôle d’approuver sans discussion. Les titres honorifiques, les dignités ne manquaient pas à la Cour. Le pillage de Ctésiphon par les Arabes leur fit découvrir, entre autres richesses, une garde-robe incroyable, dont toutes les pièces étaient brodées d’or. Il faut dire que les soieries de luxe furent une spécialité sassanide. Le pays était un jalon sur la route de la soie : il fut initié aux secrets des soieries plus tôt que Rome, vers 350-400. Châhpuhr II n’en installa pas moins des tisserands d’origine syrienne dans les villes perses. La Perse devint une grande exportatrice de tissus, au point de provoquer une véritable guerre de la soie avec Rome à partir de la fin du ive s. Les tisserands affectionnaient les décors animaliers disposés dans des médaillons.

La société se divisait à la fois en quatre états — les mages, les guerriers, les bureaucrates, les cultivateurs et artisans — et en des castes qui séparaient les nobles des non-nobles. Les mages avaient une grande importance en raison du caractère officiel de la religion. Au sommet de la noblesse militaire se trouvaient des roitelets et des gouverneurs (marzbans). Les bureaucrates avaient aussi leurs hauts dignitaires, dont le grand vizir (vouzourg framadar), sorte de Premier ministre, sur lequel le roi se déchargeait volontiers du souci du gouvernement. La paysannerie était attachée à la terre et n’avait pas la condition relativement bonne des artisans et des commerçants des villes, qui s’adonnaient au négoce des textiles. En échange de la soie de Chine, l’Iran exportait tapis et fards. Le travail des métaux s’appliquait à l’or, à l’argent, au cuivre. Le commerce de transit, entre l’Orient romain et l’Orient plus lointain, était important. Les navires perses sillonnaient toutes les mers orientales.

L’innovation technique était favorisée par la pratique des déportations de prisonniers, qui, inspirées de la tradition assyrienne, se pratiquèrent surtout aux dépens des Romains, et principalement lors de la capture de l’armée de Valérien. Le roi installait les captifs dans des villes fondées pour la circonstance, qu’il leur faisait bâtir et dont il leur donnait les alentours à cultiver. Ce fut le cas à Gund-e Châhpuhr, où les ingénieurs militaires romains construisirent une digue sur le fleuve, tandis que la ville était tracée par eux sur le plan d’un camp romain. À Bichāpur, les prisonniers travaillèrent à la construction du palais, du temple et y laissèrent leur marque. Il ne fait pas de doute que, hormis les captifs, toutes sortes de techniciens vinrent alors en Perse.

Des envahisseurs abkhazes, khazars et alains furent établis en Azerbaïdjan et même enrôlés dans l’armée. S’ils apportèrent leur expérience, les Romains prirent aussi connaissance des techniques architecturales locales, qui devaient faire brillamment école en Occident, chez les Romains, les Byzantins, et, dans une certaine mesure, trouver encore un écho dans l’architecture romane et gothique : il s’agit essentiellement de la voûte, souvent construite sans coffrage, selon une technique populaire, et adaptée aux grandes portées des iwāns palatiaux.