Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sassanides (suite)

L’un des fils de Sâssân, Ardachêr (en grec Artaxerxès), obtient le titre de gouverneur (argapet) de la forteresse de Dārābgird, bat successivement les princes des alentours et conquiert la province de Kermān ; il devient le maître de toute la région du Fārs et du Kermān, en qualité de prêtre-roi, et se fait construire un palais à Gūr (actuel Firuzābād). S’insurgeant contre l’Arsacide Artaban V, il bat et tue celui-ci (bataille d’Hormizdagān, en Susiane, 224), entre à Ctésiphon, la capitale parthe (226), et se fait probablement couronner « roi des rois », prenant ainsi la place du vaincu. Il ne tarde pas à entreprendre des conquêtes qui étendent son royaume de l’Arménie à la région de Merv et au Baloutchistan. Il reconstitue ainsi le domaine achéménide, reprenant notamment aux Romains les villes si souvent disputées de Nisibe et Carrhae (Harran). Pour légitimer son pouvoir, il se serait allié, selon la tradition, à une princesse arsacide. Il reconstitue un État fort et, fondant temples et villes, inaugure une renaissance nationale et religieuse. Il trouve dans la religion traditionnelle un véritable soutien de son pouvoir.

Son fils Châhpuhr Ier (Sapor pour les Occidentaux) [241-272] poursuit sa politique de conquêtes. Un premier raid sur Antioche dès 241 laisse entrevoir que la dynastie sera, pour les Romains, plus dangereuse que les Parthes. Châhpuhr occupe Peshāwar, Samarkand et Tachkent. Sur l’emplacement d’une bataille victorieuse, dans le Khorāsān, il fonde Nichāpur. Puis, se retournant contre Rome, il s’empare d’Antioche (256) et capture l’empereur Valérien et 70 000 légionnaires près d’Édesse (260). Établis dans la ville neuve de Gund-e Châhpuhr, les captifs sont employés à de grands travaux, tels que la digue appelée Band-e Kaïsar (Digue de l’empereur), qui relève les eaux du Kārūn, près de Chūstar. On colporta (Lactance en particulier) toutes sortes d’histoires extraordinaires sur les souffrances infligées à Valérien, dont les bas-reliefs rupestres de Naqsh-i Roustem, près de Persépolis, commémorent la défaite. Châhpuhr trouve ensuite pendant quelques années un nouvel et dangereux adversaire en la personne du roi de Palmyre*, Odenath.

Sous le règne de Châhpuhr Ier, Mani, le fondateur du manichéisme, trouve des appuis dans la famille royale et prêche lors du couronnement du roi. Mais il est persécuté par les mages et, par la suite, mis à mort.

Sous Bahrâm II (276-293), l’empereur romain Carus marche sur Ctésiphon et meurt en campagne, ce qui arrête la pénétration romaine. La Mésopotamie et l’Arménie doivent, cependant, être cédées à Rome. Narsès (293-302) est battu par le Romain Galère, qui capture sa famille et pénètre jusqu’en Géorgie.

Le règne de Châhpuhr II (310-379) succède à une période de querelles de cour, mais de paix avec les Romains. Le nouveau roi reprend la guerre pour venger les défaites passées. La mort en campagne de l’empereur Julien* met assez vite fin au conflit. Plus tard, sous Bahrâm IV (388-399), l’épineuse question de l’Arménie, sans cesse disputée, se résout par un partage. Des considérations politiques, le christianisme étant devenu religion d’État dans l’Empire romain, entraînent la persécution des chrétiens. Sous Yazdgard Ier (399-420), les chrétiens bénéficient de la tolérance royale et se constituent en Église semi-nationale sous l’autorité de l’évêque de Séleucie et de Ctésiphon (concile de 410). Sous Bahrâm V (421-438), dont la légende iranienne a immortalisé le dynamisme, le goût pour la chasse, la poésie et la musique, les chrétiens, persécutés, s’enfuient en pays romain. La guerre qui s’ensuit et la défaite de Bahrâm (421-22) obligent celui-ci à reconnaître la liberté de culte aux chrétiens. Yazdgard II (438-457) bat à Avaraïz les Arméniens qui s’étaient révoltés plutôt que de se laisser convertir de force au mazdéisme (451). Sous son règne, les Huns Hephthalites commencent à menacer sérieusement les confins septentrionaux du pays. Pérôz (459-484) meurt en les combattant. À cette époque, les Juifs subissent une forte persécution, surtout à Ispahan, où ils sont nombreux. Les chrétiens nestoriens sont favorisés, car ils s’opposent aux monophysites d’Édesse, en territoire romain.

Kavadh (488-531) accorde son appui au programme d’un réformateur religieux, Mazdak, qui entend établir la communauté des biens et des femmes, et qui préconise l’abolition des privilèges. Sans doute voit-il dans cette doctrine nouvelle une arme qui lui permettrait de briser la puissance des nobles. Mais ce sont ces derniers qui l’emportent en l’emprisonnant (496) et en l’obligeant à fuir chez les Huns. Kavadh ne revient en Iran qu’avec l’aide de l’armée hunnique. Mais le mazdakisme progresse et devient de plus en plus violent. L’historien Tansar (contemporain de Khosrô Ier) a décrit les révoltes et les pillages des maisons nobles. Kavadh réunit un colloque religieux de chrétiens, de mazdéens et de mazdakites : ces derniers sont confondus, et leurs leaders sont massacrés par les soldats (528-29).

Khosrô Ier (le Chosroês des Grecs) [531-579], surnommé Anôcharvân (« À l’âme immortelle »), balaie les traces du mazdakisme en restituant les biens et les femmes à leurs seigneurs et maîtres. Il établit une discipline rigoureuse dans son armée, avec laquelle il se lance contre l’empire de Justinien*, pillant et saccageant Antioche (540), dont il déporte les habitants. Il anéantit le royaume des Huns Hephthalites, ce qui lui permet de porter la frontière à l’Oxus. Se méfiant des Turcs, il fait construire de nombreuses fortifications défensives. Enfin, il conquiert le Yémen (v. 570), qui est colonisé par ses soldats, dont les descendants gardent dans le pays le nom d’Abnā’ (les « Fils »). La dernière année de son règne, il est battu par les Byzantins à Mélitène (Malatya).

Khosrô II (590-628), dit Abharvêz Parviz (le « Victorieux »), est aidé à conquérir son trône contre un rival par l’empereur de Byzance Maurice, en échange d’une partie de l’Arménie. De son séjour en pays byzantin, il ramène des habitudes peu conformes au mazdéisme et une favorite chrétienne, Chirin. Il profite de l’assassinat de Maurice en 602 pour attaquer l’Empire byzantin : raid jusqu’au Bosphore, prise de Damas et d’Antioche, pillage de Jérusalem (en 614 avec massacre de chrétiens et rafle de reliques), incursion en Égypte en 619 (Alexandrie, Le Caire, les confins de l’Éthiopie). L’empereur Héraclius Ier contre-attaque, reprend l’Asie Mineure et l’Arménie, investit Ganzak et Dastgard, récupère les aigles romaines enlevées comme trophées et menace Ctésiphon en 627 (v. Héraclides). Khosrô est emprisonné et assassiné. Il avait amassé des trésors considérables et construit d’importants monuments. Après lui, les souverains se succèdent rapidement, tandis que l’anarchie règne à la Cour.