Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

saprophytisme (suite)

De nombreux Champignons* sont saprophytes : ainsi le Champignon de couche utilise, en l’absence de lumière, les déchets contenus dans le fumier de Cheval ; d’autres vivent sur les souches pourries ; d’autres encore (moisissures) s’attaquent aux feuilles mortes. Un grand nombre d’espèces bactériennes (Bactéries du sol) ont le même mode de vie. Chez les plantes supérieures, le cas est beaucoup plus rare : on peut citer le Monotrope (Pirolacées) ainsi que quelques Gentianacées (Cotylanthus, Voyria, etc.), des Orchidées (Neottia, Limodorum, Corallorrhiza, espèces qui se rencontrent dans les forêts françaises), dont les racines entourées de filaments mycéliens peuvent utiliser des substances contenues dans l’humus. De même, certains Champignons formant des mycorhizes* se transforment en saprophytes partiels des Phanérogames.

J.-M. T. et F. T.

Saragosse

En esp. Zaragoza, v. d’Espagne.


Capitale de l’Aragon*, Saragosse est, avec près de 500 000 hab., la cinquième agglomération espagnole et connaît une croissance rapide. Occupant à peu près le centre du bassin de l’Èbre, elle se trouve à mi-chemin des deux grands foyers industriels cantabrique et catalan, qui relie l’un des plus actifs axes de circulation de la péninsule Ibérique. Elle est d’autre part située à la confluence des ríos Gállego et Huerva, qui donnent accès le premier aux Pyrénées, le second au Levant, et non loin de la vallée du Jalón, qui permet des relations aisées avec la Castille et Madrid. Cette position de carrefour favorise le développement des activités industrielles (industries alimentaires, chimiques et métallurgiques) à côté de ses fonctions commerciales, administratives et intellectuelles. L’extension urbaine se fait principalement sur la rive droite de l’Èbre — dans l’espace compris entre la vieille ville, axée sur le Paseo de la Independencia et tassée autour de la ville romaine, où se concentrent les richesses architecturales — et sur la route de déviation qui contourne la cité vers le sud ; en revanche, les vieux faubourgs de rive gauche ne se développent guère malgré les implantations récentes d’usines dans un polygone industriel diversifié.

R. L.


L’histoire

Saragosse, appelée Salduba par les Cantabres, est détruite au ier s. av. J.-C., puis reconstruite en 24-23 av. J.-C. par Auguste, qui lui donne le nom de Caesaraugusta. Sous la domination romaine, elle devient une des principales villes de la province de Tarraconaise. Le christianisme y est prêché de bonne heure, et, au début du ive s., les persécutions contre les chrétiens y connaissent une ampleur particulière.

La cité est conquise par les Suèves en 452 et par les Wisigoths v. 466. Ces derniers la baptisent Cesaragosta, et les Arabes, qui s’en emparent dès le début de la conquête, en 714, la nomment Saraqusṭa.

La ville, vainement assiégée par Charlemagne en 778, demeure sous l’autorité des califes jusqu’à sa libération, en 1118, par les troupes chrétiennes conduites par le roi d’Aragon Alphonse Ier le Batailleur ; celui-ci fait aussitôt de Saragosse la capitale de son royaume, à la place de Huesca. En 1317, un archevêque y est établi.

Capitale d’un royaume, Saragosse devient un simple chef-lieu de province lorsque Philippe II décide de fixer la cour à Madrid (1561). La ville s’attache cependant à conserver ses droits politiques (fueros) et défend âprement son autonomie contre la politique centralisatrice de Philippe II : sous la conduite du magistrat suprême (justicia) Juan de Lanuza, la ville se soulève lorsque, en 1591, le roi exige l’extradition d’Antonio Pérez, bien que celui-ci bénéficie du droit d’asile à Saragosse ; mais Philippe II réprime la révolte et fait décapiter le dernier des grands justiciers d’Aragon (nov. 1591).

Durant la guerre de la Succession* d’Espagne, la ville prend parti pour l’archiduc Charles d’Autriche contre Philippe V. L’archiduc y remporte une brillante victoire le 20 août 1710 ; mais Philippe V, ayant finalement triomphé, supprime les privilèges de la cité. Au xviiie s., la ville, grâce à l’achèvement du canal Impérial d’Aragon (1772-1790) par Ramon de Pignatelli (1734-1793), voit sa prospérité s’accroître avec le réveil de l’activité économique.

Saragosse s’illustre durant la guerre d’indépendance contre Napoléon. La ville — peuplée alors de 100 000 habitants, dont beaucoup de réfugiés des pays d’alentour, et défendue par 40 000 soldats — soutient deux sièges mémorables. Le premier dure du 14 juin au 13 août 1808 : les généraux Lefebvre-Desnouettes et Verdier bombardent la ville, mais les habitants galvanisés par leur chef, José Rebolledo de Palafox, refusent de capituler. Au général Verdier qui l’incite à se rendre, Palafox répond par une « guerre au couteau ». Aussi, malgré quelques succès des Français, qui s’emparent d’une partie des remparts le 4 août, l’armée impériale doit-elle quitter la ville, qu’elle laisse à moitié brûlée.

Les troupes de Napoléon reviennent en décembre 1808, commandées par Moncey, Junot et Lannes. À la fin de janvier 1809, les assiégeants ont occupé la plupart des défenses extérieures, mais la ville n’est pas prise pour autant. Un mois de combats sanglants sera nécessaire pour conquérir chaque rue, chaque maison. Une terrible épidémie de peste s’étant déclarée dans la ville, les combats prennent fin le 20 février 1809 après avoir fait 108 000 morts chez les Espagnols, dont 48 000 par maladie. Les Français de leur côté ont perdu 3 000 hommes. Palafox sera emprisonné à Vincennes jusqu’en 1813.

En reconnaissance de ses hauts faits, Saragosse recevra le droit de décorer le drapeau de sa milice avec le collier de l’ordre de saint Ferdinand et le titre de « toujours héroïque ».

P. R.


L’art

Ville moderne et maintes fois reconstruite — notamment après les terribles sièges de 1808-09 —, Saragosse n’offre plus que des épaves d’un passé qui fut riche et brillant. Il s’agit, il est vrai, d’éléments essentiels pour son histoire.

Le palais de la Aljafería fut construit par le roi musulman Abū Dja‘far al-Muqtadir (1046-1081 ou 1082), un ami du Cid. Tout mutilé qu’il soit, il demeure un témoin irremplaçable d’une évolution qui devait conduire le palais hispano-moresque de Madīnat al-Zahrā’ (Cordoue*) à l’Alhambra de Grenade*.