Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Santiago (suite)

Cet essor du centre et des quartiers de résidence correspond à la place chaque jour plus importante de Santiago dans l’ensemble du territoire chilien. Maintenant, une véritable région métropolitaine s’est organisée autour de l’agglomération elle-même, si bien que, dans une zone correspondant à peu près à 5 p. 100 du territoire national, étaient regroupés plus de 4 500 000 habitants, soit plus de la moitié de la population chilienne et près de 70 p. 100 de la main-d’œuvre industrielle, en 1970. Entre 1965 et 1969, cette région métropolitaine de Santiago a accaparé plus de 50 p. 100 des investissements publics dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement. Pourtant, l’expansion trop rapide de la ville multiplie les problèmes : pollution, insuffisance des transports urbains, manque d’eau et surtout prolifération des logements réputés insalubres. Malgré un effort récent de réorganisation de son espace, Santiago continue à poser le problème général des grandes villes d’Amérique latine : leur croissance trop rapide aboutit à un pillage des ressources provinciales (ainsi, Santiago reçoit plus de 60 p. 100 des dépôts bancaires du pays), à une certaine stérilisation de l’espace national, tandis que la concentration, dans la capitale, des activités et des hommes provoque pour celle-ci des problèmes d’engorgement et des difficultés dans la vie économique et sociale.

M. R.

➙ Chili.

Saône (Haute-). 70

Départ. de la Région Franche-Comté* ; 5 343 km2 ; 222 254 hab. Ch.-l. Vesoul. S.-préf. Lure.


La Haute-Saône est un département peu étendu et peu peuplé (densité de 40 hab. au km2), qui, au sein de la Franche-Comté, apparaît aujourd’hui comme essentiellement rural, assez vide et peu industrialisé. Au début du xixe s., le département en était au contraire la partie la plus riche et la plus peuplée. Sa croissance fut soutenue jusqu’en 1851, où il comptait près de 350 000 habitants.

Le département est constitué, au nord-est, par les Vosges comtoises et, au nord, par la Vôge gréseuse. La dépression sous-vosgienne, humide et souvent marécageuse, sépare cet ensemble élevé des plateaux calcaires qui constituent l’essentiel du département. Ils étalent leurs horizons sévères et monotones, coupés seulement de côtes et de dépressions, comme à Vesoul, jusqu’à la vallée de l’Ognon, et jusqu’à la plaine de Gray, qui marque le début des bassins de la Saône et s’inscrit légèrement en contrebas des plateaux. Le climat est humide, froid, surtout dans les Vosges, mais, vers l’ouest, les précipitations diminuent un peu, si bien que la terre faisait figure, à l’échelle de la Franche-Comté, de terre à grains, de terroir privilégié. Par Gray, les campagnes de la moitié sud-ouest du département contribuaient à alimenter les villes des régions méditerranéennes, où les chalands de la Saône et du Rhône conduisaient les marchandises.

L’autre grande ressource était constituée par la forêt et par l’industrie qu’elle permettait, celle du fer surtout. Jusqu’au second Empire, la Haute-Saône resta un des grands producteurs de fonte au bois, grâce à l’abondance de ses minerais superficiels, de ses forêts, et grâce à ses eaux courantes, indispensables à l’affinage de la fonte. De tout cela, l’ouverture du marché national ne devait laisser que ruines : la vocation céréalière est condamnée lorsque commencent à arriver les blés étrangers, cependant que la vieille métallurgie disparaît en ne laissant comme héritières qu’une poignée de petites usines métallurgiques et de fonderies de seconde fusion.

La Haute-Saône avait été constituée en soudant des fragments des bailliages d’amont et d’aval : elle manquait d’un centre urbain puissant. Les villes ont parfois un passé prestigieux, comme Luxeuil-les-Bains, cité romaine active, puis siège du grand monastère créé par saint Colomban. Leurs vieux hôtels attestent parfois, comme à Luxeuil ou à Vesoul, leur prospérité du temps de la Renaissance, ou encore du xviiie s. finissant, comme à Gray, aux beaux jours de la navigation. L’ensemble des cités laisse cependant l’impression d’une certaine médiocrité, d’échecs, comme à Pesmes, petite cité figée depuis le xvie s., ou comme à Lure, où l’industrie textile a fait pousser des quartiers qui ne paraissent pas urbains.

La crise provoquée par l’irruption de l’économie moderne a donc été d’autant plus profonde que le département ne comptait pas de centre capable d’attirer les nouvelles activités. Cependant, les Vosges comtoises et la dépression sous-vosgienne bénéficiaient, grâce à l’initiative mulhousienne et surtout après l’annexion de l’Alsace, d’une industrialisation vigoureuse : partout, dans les vallées, on vit se créer des filatures et des tissages qui fournirent le travail à une population demeurée profondément rurale, même lorsqu’elle s’installait à Lure, à Luxeuil ou dans les petits bourgs. En même temps, le petit bassin de Ronchamp contribuait à suppléer à l’énergie hydraulique, souvent insuffisante malgré l’humidité du climat.

Les plateaux ne connurent pas la même évolution : ils se dépeuplèrent, retournèrent souvent à la friche, avant que l’élevage laitier à la comtoise, favorisé par la multiplication des fruitières d’abord, puis des fromagers industriels, ne vienne fournir une activité commerciale rémunératrice. Le département prit ainsi le visage commun à l’ensemble de la Franche-Comté, avec ses prairies et ses pâtures qui ouvrent un manteau forestier particulièrement étendu et où paissent les bêtes pie rouge de race montbéliarde. Cependant, les cultures, souvent destinées à l’élevage, conservaient plus d’importance qu’ailleurs.

La Haute-Saône avait ainsi trouvé une espèce d’équilibre : c’était curieusement un département éclaté entre des attractions diverses ; Gray regarde déjà vers Dijon, le nord-est vers Belfort et aussi Nancy, cependant que tout le sud, le long de la vallée de l’Ognon, est tourné vers Besançon. Vesoul, privé de rayonnement, somnolait un peu. Mais cet ensemble écartelé tirait de l’élevage et de l’industrie cotonnière de quoi nourrir une population déjà bien éclaircie, si bien que le déclin démographique se ralentit dès l’entre-deux-guerres.