Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Santiago (suite)

La population

Actuellement, le Grand Santiago, composé de dix-sept communes, renferme environ un tiers de la population chilienne, alors qu’au début du siècle il n’en abritait que 10 p. 100, et un peu moins de 20 p. 100 en 1940. Cet accroissement est d’abord dû à des contingents de plus en plus importants de migrants venus des autres régions du Chili : des campagnes, où la trop grande propriété ne parvient pas à donner du travail à une jeunesse de plus en plus nombreuse par suite de l’excédent des naissances sur les décès ; de la région nord, où la crise des mines, particulièrement de nitrate, a entraîné une phase de sous-emploi ; du sud enfin, où la colonisation par l’immigration européenne a connu des difficultés qui ont poussé certains de ces immigrants vers la capitale nationale. Outre cet apport migratoire, le Grand Santiago doit l’essor de sa population à un accroissement naturel très important : celui-ci résulte d’un taux de mortalité relativement très faible pour l’Amérique latine en raison d’un climat particulièrement sain et d’une natalité très élevée pour une grande ville. Malgré l’essor des fonctions de Santiago, cette population n’est pas pleinement employée par les activités économiques, qui tentent vainement de rattraper l’essor démographique. En effet, de 1960 à 1970, la population du Grand Santiago est passée de 2 100 000 à 2 900 000 habitants, tandis que sa part dans le produit national brut durant la même période passait de 40 à 46 p. 100 ; dans ces conditions, toute la main-d’œuvre potentiellement active n’a pu être absorbée, et la ville contient officiellement 40 p. 100 des chômeurs de l’ensemble du pays.


Les fonctions

Pourtant, Santiago groupe dans son espace des activités fort diverses : la fonction politique et administrative entraîne la multiplication des emplois de fonctionnaires, étant donné le caractère fortement centralisé et dirigiste du pays ; en outre, tous les organismes tertiaires privés les plus importants, banques, maisons d’importation, organismes techniques, ont leur direction générale localisée dans la capitale. La fonction universitaire assure non seulement l’enseignement, mais aussi la recherche scientifique dans divers domaines. D’autre part, la ville est la plaque tournante entre les deux moitiés du territoire : le Nord, minier, la Vallée centrale et le Sud, agricoles ; aussi est-ce un très grand centre commercial qui, en 1970, a accumulé plus de 60 p. 100 du revenu global obtenu par le secteur commercial du pays. À tout cela s’ajoute une fonction industrielle, qui s’est rapidement développée en dépit des difficultés dues à l’éloignement de la mer et à la nécessité d’importer par Valparaíso, puis de transborder et d’amener par chemin de fer ou par route les matières premières et l’énergie nécessaires à ces activités, essentiellement fondées sur les industries de transformation. Actuellement, Santiago assure 59 p. 100 de la production industrielle totale du Chili. La structure de ces établissements secondaires est assez diverse, depuis le petit atelier traditionnel, semi-artisanal, particulièrement dans le domaine du textile et de la confection, jusqu’à la grande usine moderne, dans le domaine de la fabrication des pneumatiques, dans la métallurgie ou la papeterie. La fraction la plus moderne de ces activités industrielles se situe le long des axes routiers et ferroviaires soit vers le nord-ouest de la ville, la grande route et la voie de chemin de fer reliant Santiago à l’ensemble nord du pays, soit surtout vers le sud, sud-est et sud-ouest : trois grands axes orientés dans ces directions abritent la majeure partie, la plus moderne, de cette fonction industrielle (les deux tiers de la production totale de l’industrie de l’agglomération).


L’espace urbain

D’une façon générale, l’espace urbain est assez diversement utilisé en dépit de la très grande prédominance des petites maisons basses dans les quartiers de résidence : il s’agit sans doute là d’une première adaptation au danger, toujours présent, des tremblements de terre qui affectent la région ; en effet, la proximité de la cordillère des Andes, dans une zone encore instable, provoque à Santiago de très nombreux petits mouvements du sol qui, en général, ne touchent pas les constructions, mais qui peuvent prendre parfois une ampleur beaucoup plus grande, menaçant l’ensemble du bâti de la ville.

Le centre de la ville correspond encore à la vieille cité fondée par Valdivia, autour de la place d’Armes : de part et d’autre de ce grand espace rectangulaire, des immeubles de styles variés longent des rues étroites ; tantôt la fonction de centre des affaires a repris l’essentiel du bâti, transformé en sièges sociaux, bureaux ou commerces, tantôt un habitat pauvre utilise encore quelques maisons dégradées. Au-delà de ce centre ancien, l’essentiel du plan est formé de rues en damier, mais est interrompu par quelques grandes percées convergentes qui permettent une accessibilité plus grande au centre et utilisent les rives du Mapocho. Dans ces rues et tout autour de la colline de San Cristóbal, sur le cône alluvial de la rivière, s’étalent un très grand nombre de maisons, toutes basses, mais qui révèlent des contrastes très saisissants en fonction de leur qualité et de la structure sociale des habitants qu’elles abritent. Au pied des Andes, Barrio Alto est une cité-jardin pour gens riches, installée là parce que le ciel y est plus dégagé et le brouillard rare : c’est le quartier de la fraction aisée de la population de Santiago. Au contraire, vers le sud, vers le sud-ouest et particulièrement vers le nord, se sont développés des quartiers populaires, avec de petites maisons très modestes allant parfois jusqu’au bidonville ; ces quartiers-champignons, les poblaciones callampas, prennent progressivement la place de l’ancienne agriculture suburbaine. Un effort d’assainissement entrepris dans ces quartiers de bidonvilles modifie l’allure des zones d’habitat populaire de Santiago. À l’opposé de cette prolifération de maisons basses, le centre-ville se transforme progressivement par la construction d’immeubles en hauteur, de véritables gratte-ciel, grâce aux nouvelles techniques de construction qui permettent de les protéger des tremblements de terre.