Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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santé (suite)

C’est pour ces raisons qu’un effort se fait dans le sens de la médecine préventive, fondée sur la répétition régulière d’examens de santé. Ceux-ci sont parfois réalisés lors de la médecine du travail*, dans des dispensaires ou lors de campagnes exceptionnelles de dépistage (prophylaxie), les divers examens d’embauché, les visites médicales lors de l’incorporation sous les drapeaux étant autant d’occasions saisies pour rechercher la maladie sous le masque de la bonne santé. Mais si certaines affections sont aisées à dépister par des examens simples, d’autres nécessitent des investigations complexes, qui se heurtent souvent à deux objections : la première concerne l’inconfort pour le patient de se prêter à des explorations parfois douloureuses ; la seconde fait état du prix de revient de ces examens, qui atteint vite des chiffres élevés, tandis que la fréquence des maladies dévoilées reste modeste.

Il n’est donc pas possible d’explorer toutes les éventualités chez tous les sujets. C’est pourquoi une politique de santé doit définir des options prédominantes : choisir un nombre restreint d’examens et l’appliquer aux individus dont les conditions d’existence comportent des facteurs de haut risque.

Les examens doivent être simples, peu coûteux et inoffensifs pour le sujet exploré. Les conditions d’existence exposant à un risque de maladie sont souvent des professions exposées : ainsi est-il devenu usuel de rechercher la tuberculose et la silicose chez les mineurs, l’asbestose dans le travail de l’amiante, etc. Les personnes travaillant dans une ambiance radioactive sont porteuses d’un dosimètre qui totalise les doses reçues. Celles-ci sont comptées régulièrement. Si l’on découvre un surdosage, le sujet est retiré du milieu contaminant et une enquête est ouverte sur l’origine de l’excès d’irradiation. En dehors des affections directement liées à la profession, la quête de la maladie dans la population courante se fait avec un rendement beaucoup plus faible. Trois catégories d’affections sont plus spécialement recherchées.

1. Les affections pulmonaires et notamment la tuberculose. De nombreux dispensaires ont été implantés pour dépister ces maladies. La détection se fait par la prise de clichés thoraciques, généralement lus par deux médecins différents et éventuellement par un troisième si les deux premiers avis ne sont pas concordants.

2. Les affections cancéreuses. La fréquence des cancers des divers organes étant très différente, la positivité des enquêtes est très variable. De telle sorte qu’en France il n’y a guère que les cancers génitaux de la femme qui fassent réellement l’objet de quelques recherches systématiques par le procédé des frottis vaginaux. La fréquence des cancers du rectum ne paraît pas suffisante pour légitimer des rectoscopies systématiques, un moment envisagées. Par contre, au Japon, où le cancer de l’estomac est d’une grande fréquence, la recherche de procédés de détection précoce par examens systématiques a abouti à un perfectionnement remarquable des appareils d’endoscopie* permettant le dépistage par la photographie endoscopique.

3. Les affections cardio-vasculaires. Elles font également l’objet d’enquêtes de masse, notamment pour la recherche de l’hypertension et de l’insuffisance coronarienne. En réalité, à côté de quelques cas découverts par ces procédés, combien de sujets rassurés par un électrocardiogramme normal ont cependant été atteints quelques jours plus tard d’une crise d’angor ou d’un infarctus du myocarde !

Trop souvent encore, la santé apparente risque de n’être que l’ignorance de la maladie...

J. C. Le P.


L’économie de la santé

Il est communément admis, au cours de la seconde moitié du xxe s., dans les pays industrialisés, que l’homme a droit à la santé. Le Préambule de la Constitution française de 1946 affirme : « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous la protection de la santé... » Quant à la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948 par l’Organisation des Nations unies, elle proclame : « Toute personne a droit à un niveau* de vie suffisant pour assurer sa santé. »


Le droit à la santé

Garantir à l’homme le droit à la santé, c’est en fait organiser sa protection contre l’accident et la maladie ainsi que son environnement et son mode de vie, sources possibles de névroses ; c’est aussi le soigner lorsque la protection n’a pas été efficace, le réadapter, le rééduquer et le reclasser s’il a subi un handicap ; c’est également lui permettre de subsister — et, s’il en a une, de faire subsister sa famille — pendant la durée des soins, de la rééducation, de la réadaptation ou du reclassement ou bien même, sa vie durant, lorsque le handicap subi, physique ou mental, ne lui permet pas — ou lui permet incomplètement — d’assurer cette subsistance.

Il s’agit ainsi d’une prise en charge quasi totale de l’homme par la société en un temps où l’homme est plus que jamais soucieux de se sentir, de se croire et de s’affirmer « libre ». On se trouve là en face d’une difficulté fondamentale qui rend plus malaisée la résolution des problèmes techniques ou médicaux, de ceux qui sont posés par les structures d’accueil et de soins, des problèmes financiers enfin.


Les soins : des arbitrages délicats

En première approximation, on peut affirmer que la médecine moderne a pour objectif de faire reculer la mort*, la souffrance et la maladie*. Les progrès prodigieusement accélérés de la médecine et de la biologie, au cours de la seconde moitié du xxe s., permettent une approche de ces objectifs, non sans multiplier d’ailleurs les inquiétudes morales et économiques des praticiens et des administrateurs et non sans poser une foule de problèmes très nouveaux nécessitant des choix.

Prenons l’exemple de l’extraordinaire prolongation de la durée de la vie qui caractérise le temps présent. La physionomie de la pyramide des âges en est transformée ; la charge que représentent les inactifs pour les générations productives s’accroît fortement ; certes, il est possible de freiner la progression de cette charge par un rigoureux planning familial qui soulagera les couches productives au cours du proche avenir, mais qui, par le vieillissement* de la population qu’il accentuera, risque de compliquer sérieusement la tâche des générations actives suivantes. Il semble que l’homme ait rejeté le conditionnement génétique qui dans la plupart des collectivités animales (des études précises ont été publiées notamment pour les escargots et les souris) proportionne l’importance quantitative de la population aux dimensions et aux possibilités nutritionnelles du territoire qu’elle occupe ; les perspectives d’avenir qui résultent de ce rejet sont plutôt préoccupantes : le milliard d’hommes de 1800, les quatre milliards de 1975, faisant place aux sept milliards de l’an 2000...