Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sanraku (suite)

Bon peintre, Sanraku travaille avec une technique très sûre, tout en sauvegardant sa personnalité. Par rapport aux traits vigoureux d’Eitoku, sa peinture se distingue par une plus grande finesse dans l’utilisation du pinceau. Ainsi, dans ses peintures murales du temple Daikaku-ji à Kyōto (exécutées vers 1620), paysages monochromes de grands pins avec des faucons, les contours des rochers sont accentués et rehaussés de lignes fines et nerveuses, et les formes des animaux et des plantes, bien précises, manquent un peu de mouvement. Dans les compositions polychromes de la salle d’audience, ce caractère est encore accentué : l’équilibre de la composition et l’harmonie des couleurs des deux grands pruniers aux branches chargées de fleurs roses et blanches « reflètent la joie d’une vie paisible plutôt qu’un hommage à une puissance héroïque » (T. Akiyama).

À la fin de sa carrière, Sanraku pousse à l’extrême cette stylisation dans les peintures murales du temple Tenkyū-in, au monastère Myōshin-ji de Kyōto, ensemble exécuté entre 1631 et 1636 avec la collaboration de Sansetsu. Le dessin un peu figé des animaux, des arbres et des rochers fait penser qu’une grande partie de la composition revient à Sansetsu, mais la beauté statique de la composition savamment calculée, le rythme conféré par les couleurs des fleurs, des feuilles et des oiseaux laissent transparaître la sensibilité et la maîtrise technique de Sanraku.

Un autre aspect du talent de l’artiste se révèle dans les scènes historiques, où celui-ci fait preuve d’une grande puissance et d’une infatigable ingéniosité, évitant que le caractère conventionnel d’un thème moral n’alourdisse l’effet décoratif de la grande composition polychrome.

Avec Sanraku et Sansetsu s’éteignent les derniers grands représentants du brillant style Momoyama, qui se perpétuera, chargé d’académisme, jusquà la fin du shōgunat des Tokugawa en 1868.

M. M.

sans-culottes

Terme employé pendant la Révolution française par les militants révolutionnaires eux-mêmes pour se désigner.


C’est à l’époque de l’Assemblée législative, en 1792, que le mot se généralise. Les sans-culottes sont issus des masses populaires parisiennes, mais le terme de sans-culotte qualifie aussi les citadins des autres régions françaises et les paysans qui partagent l’idéal de la sans-culotterie parisienne.

Leur costume et leur comportement social manifestent cet idéal. Le sans-culotte se reconnaît d’abord au port du pantalon, celui de la culotte étant le fait de ces aristocrates qu’il hait. Avec la veste courte, la carmagnole, le pantalon est le signe distinctif du révolutionnaire épris d’égalité. Le bonnet phrygien, le bonnet rouge orné de la cocarde aux trois couleurs, est la marque de la liberté conquise, tout comme il était à Rome et en Grèce l’emblème de l’affranchissement de toutes les servitudes et le signe de ralliement de tous les ennemis du despotisme. La pique est un autre attribut du sans-culotte ; elle signifie à tous que le peuple est souverain et qu’il est prêt à défendre ses droits aussi bien contre ses ennemis de l’intérieur que contre ceux de l’extérieur. Arme populaire par excellence, elle sera en usage dans les armées de la Révolution et sera regardée comme « sainte ».

Quand il aborde quelqu’un, le sans-culotte ne se découvre pas ; il est l’égal en droit de n’importe quel autre « citoyen ». C’est de cet apostrophe qu’il salue son futur interlocuteur ou qu’il s’adresse aux assemblées ; il proscrit ainsi le terme de monsieur, qui a des relents aristocratiques. Il tutoie, car « le mot vous est contre le droit de l’égalité », et ce mot n’a été employé « que pour appuyer les droits féodaux », alors que « le mot toi est le vrai dénominatif dont les hommes libres doivent se servir ». Le directoire du département de Paris arrêtera, le 22 brumaire, que le tutoiement sera employé dans ses bureaux et sa correspondance parce que « le langage de la fraternité est désormais le seul qui convienne aux Français républicains ».

Des enquêtes récentes ont permis de préciser les contours démographiques et sociologiques de cette sans-culotterie. Peu nombreux sont les membres de celle-ci qui prennent une part active à la vie politique, mais leur action sera déterminante. La masse des sans-culottes est formée par une coalition de petits patrons et de compagnons. Faisant partie du monde de l’échoppe et de la boutique, ils vivent les uns et les autres sous le même toit, et il y a symbiose entre la pensée du maître et celle de son salarié. À eux viennent se joindre les ouvriers des manufactures. Les sans-culottes ne forment donc pas une classe sociale, mais un groupe animé de contradictions qui leur seront fatales.

Ils manifestent en commun des aspirations politiques et sociales, et ce qui les unit, c’est d’abord l’opposition qu’ils ont tous à l’égard de l’aristocratie et de l’Ancien Régime.

Contre ce dernier, ils agissent d’abord en affirmant leur droit à l’existence. Au centre de leurs revendications, il y a d’abord celle du pain à bon marché ; l’aristocratie des nobles, avant l’aristocratie des riches, a comploté pour les affamer. Il faut, désormais, que tous les hommes mangent à leur faim, sinon l’égalité des droits est un leurre, car « l’existence du pauvre est compromise à chaque instant et le riche peut lui imposer les lois les plus rigoureuses ». Les sans-culottes passeront de la revendication du droit à l’existence à celle de l’égalité des jouissances. Le riche doit céder au pauvre son superflu et même partager ses biens avec lui.

Mais, s’ils réclament du gouvernement révolutionnaire la taxation des denrées de première nécessité et la contribution forcée des riches, donc la limitation du droit de propriété, les sans-culottes espèrent tous accéder à la petite propriété ou protéger celle qu’ils ont déjà. « Le système politique doit assurer à chacun la paisible jouissance de ses possessions, mais ce système doit être combiné de manière à établir autant que possible une répartition des biens sinon absolument égale, au moins proportionnelle entre les citoyens. » Pour que tous les citoyens aient leur subsistance et une existence indépendante, les sans-culottes exigent aussi que soient proclamés les droits au travail et à l’assistance. Dans l’adresse des trois sections réunies du faubourg Saint-Antoine (4 juill. 1793), on peut lire : « Considérez que le pauvre seul vous a aidé jusqu’ici à soutenir la Révolution, à former la Constitution ; qu’il est temps qu’il commence à en cueillir les fruits ; mettez donc à l’ordre du jour l’établissement, depuis si longtemps désiré, d’ateliers où l’homme laborieux trouvera toujours, en tout temps et en tout lieu, les travaux dont il manque, d’hospices où le vieillard, le malade et l’infirme recevront avec fraternité les secours que leur doit l’humanité. »