Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

San Martín (José de) (suite)

Cependant, les vœux de San Martín sont comblés lorsque le « congrès général » réuni à Tucumán proclame l’indépendance des « Provinces-Unies du Río de la Plata » le 9 juillet 1816. Six mois plus tard, l’armée des Andes, forte de 5 400 hommes, se met en marche, sous la direction de San Martín, vers les rivages du Pacifique : partis de Mendoza, les libérateurs franchissent les Andes par des cols situés à plus de 3 000 m d’altitude. Le 12 février 1817, la victoire de Chacabuco ouvre à San Martín les portes de Santiago : une assemblée de notables lui offre la direction du nouvel État, honneur qu’il décline au profit d’O’Higgins. L’indépendance du Chili est proclamée solennellement un an plus tard, le 12 février 1818. Mais, au Cancha Rayada, dans la nuit du 19 au 20 mars, un succès des royalistes espagnols, qui tenaient toujours une partie du pays, remet en cause l’avenir : dès le 5 avril, la grande victoire du río Maipú assure la liberté chilienne ; O’Higgins viendra donner l’accolade sur le champ de bataille à San Martín, le « Sauveur du Chili ». Mais il reste encore beaucoup à faire pour la liberté vers le nord, où le Pérou* est toujours sous le joug.

Cependant, le soutien des Provinces-Unies du Río de la Plata sera d’autant plus difficile à obtenir qu’une guerre civile oppose les tenants d’un avenir fédéral aux partisans d’un pouvoir centralisé. Pour faire face à la situation, le gouvernement de Buenos Aires demande à San Martín de ramener ses troupes à Mendoza, ce à quoi se refuse le glorieux libérateur. En avril 1820, celui-ci a l’habileté de se faire confirmer dans son commandement par ses officiers avant de se faire charger par le gouvernement chilien de l’expédition vers le nord, dont les vaisseaux sont commandés par un volontaire anglais, l’amiral Cochrane. Le débarquement s’effectue sans combat près de Pisco, au sud de Lima, le 7 septembre 1820 : des troupes sont levées sur place pour combattre les Espagnols. Une négociation avec le vice-roi espagnol échoue, et San Martín se rapproche de Lima en débarquant de nouveau à Ancón. Les négociations traînent, et la famine qui règne à Lima conduit les Espagnols à abandonner la ville au libérateur (12 juill. 1821). Le 28 juillet, l’indépendance du Pérou est proclamée, San Martín devenant le « Protecteur » du nouvel État.

Mais la poursuite vers le nord de l’émancipation des Andes va poser des problèmes politiques inédits : en effet, San Martín pénètre alors dans la mouvance de Bolívar*, et la région de Guayaquil va être revendiquée par les deux libérateurs. Finalement, Bolívar prend San Martín de vitesse. En juillet 1822, trois entrevues d’apparence chaleureuse ont lieu à Guayaquil entre les deux grands hommes de l’Amérique latine. San Martín écrira : « Bolívar et moi, ensemble, nous sommes trop grands pour le Pérou [...]. » En fait, les problèmes intérieurs du Pérou sont difficiles ; une émeute renverse un ministre despotique pendant le voyage du Protecteur à Guayaquil. Ce dernier, déçu, en mauvaise condition physique, plus ou moins accusé de chercher à se bâtir un royaume, en vient à offrir sa démission au congrès réuni à Lima, le 20 septembre. On ne le retient pas, et San Martín rentre au Chili, puis dans sa propriété de Mendoza. Invité sans cesse à prendre part aux luttes politiques, ce à quoi il se refuse, il se résout à l’exil : il embarque pour Le Havre le 10 février 1823. Il reviendra pourtant en Amérique du Sud et, depuis Montevideo, se verra offrir le pouvoir en 1829 par les gouvernants de Buenos Aires. Mais, réprouvant l’exécution sommaire d’un général rebelle, il décline la proposition et rentre en Europe.

Il vivra, très modestement, à Paris, puis à Boulogne-sur-Mer, aidé par un autre exilé, O’Higgins, et conservera de nombreux liens épistolaires avec ses compatriotes.

S. L.

➙ Amérique latine / Argentine / Chili / Pérou.

 E. García del Real, José de San Martín. Libertador de la Argentina y de Chile. Protector del Perú (Madrid, 1932). / R. Levene, El genio politico de San Martín (Buenos Aires, 1950). / Actas del Congreso Nacional de Historia del Libertador General San Martín (Mendoza, 1953-1955 ; 4 vol.). / B. Mitre, Historia de San Martín y de la emancipación sudamerica (Buenos Aires, 1968 ; 3 vol.). / P. Delaunes, les Libérations de l’Amérique latine (Rencontre, Lausanne, 1969).

Sanraku

De son vrai nom Kimura Mitsuyori (autres prénoms : Heizō, Shurinosuke ; nom de pinceau : Kanō Sanraku). Peintre japonais (Gamō 1559 - Kyōto 1635), fils adoptif de Kanō Eitoku*.


Alors qu’Eitoku* symbolise l’art de la grande composition murale dans la première partie de la période Momoyama, Sanraku est sans doute l’artiste qui illustre le mieux la fin de cette même époque. Fils de guerrier, il est page du dictateur militaire Toyotomi Hideyoshi, qui, remarquant ses dispositions artistiques, le confie à Eitoku. Ce dernier adopte ce disciple exceptionnel, devenu très vite son meilleur assistant. À la mort de son maître, Sanraku bénéficie du patronage de Hideyoshi, qui lui confie dans les dernières années du xvie s. la décoration du château de Fushimi-Momoyama. Par la suite, fidèle à ses bienfaiteurs, il demeure à Kyōto, alors que les membres de la famille Kanō* vont s’installer à Edo (Tōkyō), nouveau centre du pouvoir. Avec son fils adoptif Sansetsu (province de Hizen 1590 - Kyōto 1651), il assure au contraire la continuité de l’école à Kyōto, sous le nom de Kyō-Kanō (l’école Kanō de Kyōto).

Les œuvres de Sanraku, dont il reste un assez grand nombre — représentations des beautés délicates de la nature, scènes historiques chinoises chargées de sens moral —, témoignent de l’étendue du talent de l’artiste, du lavis de style cursif à la grande composition décorative aux couleurs brillantes, héritées de son maître.