Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saint-Quentin

Ch.-l. d’arrond. de l’Aisne* ; 69 153 hab.


Sur la haute Somme, Saint-Quentin est de loin la plus grande ville et la plus grosse agglomération (près de 77 000 hab.) du département de l’Aisne. Dès l’époque romaine, un faisceau de voies y traversait la vallée marécageuse de la Somme, reliant les régions rhodaniennes aux pays de la Manche et de la mer du Nord par le seuil du Vermandois. Un rôle de défense l’a ainsi suivi à travers les siècles, lui valant sièges et destructions jusqu’à la Première Guerre mondiale. Un rôle parallèle de passage s’est développé surtout à l’époque moderne avec un faisceau de voies navigables (reliant la ville à l’Oise et à l’Escaut, outre la canalisation, au début du xixe s., de la Somme vers la mer), puis de voies ferrées reliant Paris au Benelux et à l’Allemagne, voire à la Scandinavie et à l’Europe de l’Est, mais aussi le Nord à la plaine de la Saône ; enfin, l’autoroute Paris-Lille ou Bruxelles passe à 30 km à l’ouest de la ville, et l’on songe à un aérodrome tout proche, comme à l’autoroute Calais-Bâle et au rajeunissement de la liaison fluviale vers le Nord (projet Seine-Nord).

Une activité industrielle est née très tôt du textile : la laine initiale le céda au xvie s. au lin et à ses tissus de luxe (tulles, linons, mousselines), puis au xixe s. au coton, et au xxe s. aux textiles artificiels et synthétiques ; aujourd’hui, cette industrie, sans doute en repli sur ce passé, reste notable dans la ville et son environnement immédiat (30 p. 100) autour de la filature, du tissage et de la confection, animés par des firmes françaises (Rhône-Poulenc, à côté de survivances locales) ou étrangères (Snia Viscosa). Le xixe s. avait ajouté une métallurgie (métiers, machines agricoles, chaudronnerie), devenue aujourd’hui l’essentiel (45 p. 100), mais totalement renouvelée autour des constructions mécaniques : cycles (Motobécane), constructions électriques (Unelec-Alsthom, Hazemeyer). Déjà présente dans le textile récent, la chimie l’est aussi avec le caoutchouc, la pharmacie et les produits de beauté (près de 7 p. 100). Cette industrie, qui occupe près de 60 p. 100 de la population active (aux deux tiers masculine) est actuellement dans une phase de stabilité, l’essor des nouvelles branches (mécanique, chimie) compensant le recul du textile, mais des firmes arrivent sur les zones industrielles nouvelles (Nestlé).

Le tertiaire, par contre, reste faible (moins de 30 p. 100), souffrant notamment du simple rôle de sous-préfecture de la ville. Cependant, cette faiblesse administrative est atténuée par un certain rôle économique départemental (chambre de commerce de l’Aisne, groupements et syndicats, ASSEDIC [Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce]) et par un certain rayonnement commercial sur le nord-est du département (Vervins) et l’est de la Somme (Péronne) jusqu’à 20 à 25 km de la ville, voire par de récentes créations, hospitalière et universitaire (C. H. U.).

Saint-Quentin souffre encore des chocs répétés qui l’ont frappé (Première Guerre mondiale, crise du textile), et cela se voit à la faiblesse de son croît récent, l’un des plus faibles des villes picardes (1,2 p. 100 par an pour l’agglomération) et dû seulement à la stabilité de son excédent naturel, car le solde migratoire n’est plus qu’à peine positif, et même négatif pour la ville elle-même. Mais il espère un nouvel essor de sa position de carrefour important sur la grande voie Paris-Nord-Benelux.

J.-P. M.


L’histoire

À l’époque gauloise, Saint-Quentin était la capitale des Veromandui, peuple de la Belgique mentionné par Jules César. Sous les Romains, l’ancien oppidum prit le nom d’Augusta Veromanduorum et devint le centre d’un important réseau routier.

Évangélisée au iiie s. par l’apôtre du Vermandois, saint Quentin, la cité prit son nom (Vicus Sancti Quintini) après que le saint y fut martyrisé avec ses deux diacres. Doté d’un évêché au ive s., Saint-Quentin le perdit lorsque saint Médard transféra le siège à Noyon (531 ou 532). À partir du viie s., des pèlerins venus en grand nombre vénérer le tombeau de saint Quentin contribuèrent à l’essor de son commerce et de son industrie.

Au ixe s., la ville devint la capitale des comtes de Vermandois, qui lui octroyèrent une charte au début du xiie s. Saint-Quentin fut rattaché à la couronne de France sous le règne de Philippe Auguste, et devint une prévôté dépendant du bailliage de Laon. Cédée un moment au duc de Bourgogne par Charles VII en 1435, la ville fut réunie de nouveau au royaume par Louis XI en 1477.

Au xviie s., Saint-Quentin, chef-lieu d’une élection, siège d’un bailliage et d’un grenier à sel, faisait partie du gouvernement de Picardie* et de la généralité d’Amiens. Situé sur la route des invasions venues du Nord, Saint-Quentin eut à souffrir à de nombreuses reprises.

En 1557, le duc Emmanuel-Philibert de Savoie, à la tête d’une armée espagnole, assiégea la ville, défendue par l’amiral Gaspard de Coligny. Une armée de secours commandée par le connétable Anne de Montmorency essaya de débloquer la cité, mais le 10 août 1557 elle était taillée en pièces par les Espagnols, dont le roi, Philippe II*, fit le vœu, à cette occasion, d’élever le monastère de l’Escorial.

Quelques jours plus tard, Saint-Quentin était pris d’assaut, incendié et pillé par les troupes espagnoles, mais sa résistance avait permis de lever une nouvelle armée et de couvrir Paris. Ruinée par ce siège, la ville ne retrouva sa prospérité qu’à la fin du xvie s. grâce à l’implantation de nouvelles industries (lin au xvie s., coton au xixe s.).

Durant la guerre de 1870, Saint-Quentin fut défendu héroïquement par sa garde nationale, commandée par le préfet de l’Aisne, Anatole de La Forge, qui le 8 octobre 1870 parvenait à repousser les Allemands ; mais le 19 janvier 1871 l’armée du Nord, sous les ordres du général Faidherbe*, était battue près de Saint-Quentin par des troupes supérieures en nombre.