Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Saint-Laurent (suite)

Par ses dimensions, l’estuaire fait figure de bras de mer : aussi long que la partie fluviale (570 km), il mesure 25 km de largeur à la confluence du Saguenay, 40 km entre la pointe des Monts et la Gaspésie, 110 km entre celle-ci et la Côte-Nord. Des fleuves importants, le Saguenay, qui draine le bassin du lac Saint-Jean et se termine par un fjord, la rivière aux Outardes, la Manicouagan, la Moisie, se jettent dans l’estuaire.

Le bassin d’alimentation du Saint-Laurent comprend, outre celui de ses affluents directs (266 000 km2 en amont de Québec), celui des Grands Lacs (764 000 km2) ; couvrant ainsi 1 030 000 km2 au total, c’est un des grands bassins fluviaux du monde.

Sur l’ensemble de ce bassin, les précipitations relativement abondantes (750 mm en moyenne) tombent surtout de juin à septembre, avec un maximum secondaire en décembre et janvier. Une fraction importante de celles-ci est prélevée par l’évaporation estivale, notamment dans la partie sud ; mais une autre fraction est capitalisée sous forme de neige, en hiver. Dans le nord-ouest et le nord-est du bassin, le manteau nival persiste quatre à cinq mois et atteint 1 à 2 m. L’effet des Grands Lacs est certes de favoriser l’évaporation (leur nappe occupe 23,5 p. 100 de la superficie du bassin), mais surtout de pondérer le régime de façon remarquable : les coefficients mensuels de débit varient entre 0,93 et 1,065 sur le Niagara, à la sortie du lac Érié, et entre 0,89 et 1,09 à Ogdensburg (État de New York). Le débit moyen, de l’ordre de 5 500 m3/s sur le Niagara, s’élève à 6 000 à Ogdensburg, à 8 500 à Montréal et à 10 200 à Québec. Le régime nival des grands affluents de gauche tend à effacer la pondération lacustre d’amont et à avancer le maximum de juin à mai.

À partir d’un moment variable selon les conditions atmosphériques, habituellement en novembre, la glace recouvre progressivement le fleuve en commençant par les rives et les étendues lacustres peu profondes et à écoulement lent, comme le lac Saint-Pierre ; en aval de ce lac, l’effet de la marée et du courant fluvial provoque un va-et-vient des champs de glace mobiles entre les glaces soudées aux rives. Le travail incessant des brise-glace empêche la formation de « ponts de glace » tels qu’on les connaissait tous les hivers autrefois. Par suite de la différence de latitude entre le lac Érié et l’estuaire, la débâcle est plus précoce à l’amont (début avril) qu’à l’aval (fin avril) ; il en résultait, avant les travaux récents, des inondations importantes dans le cours moyen et inférieur, notamment à Montréal.

Le fleuve est utilisé pour la production hydro-électrique (la double centrale de Beauharnois, qui exploite la dénivellation du rapide des Cèdres fut un temps, avec celle de Niagara, l’une des plus importantes du Canada) et pour la navigation, quoique la présence des glaces pendant quatre à cinq mois, les faibles profondeurs du chenal à travers le lac Saint-Pierre et les rapides en amont de Montréal aient longtemps dévalorisé l’intérêt du Saint-Laurent comme voie d’accès au cœur du continent.

Pratiquée d’abord dans l’estuaire de façon épisodique, la navigation d’hiver s’est généralisée dans ce secteur avant de se développer, depuis un peu plus d’une décennie, à Québec, puis à Montréal, ports dans lesquels elle n’est interrompue de nos jours que pendant de brèves périodes. Grâce à des travaux poursuivis depuis 1843, le chenal a été porté à la profondeur actuelle de 10 m entre Montréal et Québec, les navires tirant 15 m d’eau pouvant remonter jusqu’à ce port. Les rapides en amont de Montréal ont été contournés par le canal de Lachine (ouvert en 1825, la même année que le canal de l’Hudson à l’Érié aux États-Unis) et par une série de canaux à écluses entre les lacs Saint-Louis et Ontario. Le gabarit insuffisant de ces voies a conduit le Canada et les États-Unis à ouvrir, malgré une opposition forcenée des compagnies de chemins de fer et des ports atlantiques, une Voie maritime du Saint-Laurent, en 1959 ; celle-ci relie Montréal au lac Ontario par un canal de 8,30 m de profondeur et ne comportant que 7 écluses (au lieu de 18 par les vieux canaux) ; au-delà, le canal de Welland, agrandi et porté lui aussi à 8,30 m, double les chutes du Niagara.

Plus de 50 Mt transitent par la Voie maritime durant la saison de navigation. Outre le trafic transatlantique en provenance et à destination des ports des Grands Lacs, il s’agit surtout des relations intérieures entre ces derniers et les ports du fleuve et de l’estuaire. Vers l’amont circulent le minerai de fer canadien chargé à Sept-Îles, à Pointe-Noire et à Port-Cartier (12 à 15 Mt) et le minerai importé d’Amérique du Sud transitant par Contrecœur (vers les centres sidérurgiques américains), les produits sidérurgiques finis importés d’Europe (3 Mt) et du pétrole raffiné à Montréal destiné à l’Ontario. À la descente, le blé, l’orge et l’avoine des Prairies canadiennes, ainsi que le maïs et le soja du Midwest sont, sauf une faible part exportée directement par des navires océaniques, transportés par lakers vers les ports de transbordement de Montréal, Baie-Comeau, Sorel, Trois-Rivières, Québec.

Au transit par la Voie maritime s’ajoute le trafic propre, intérieur et international, des ports du fleuve et de l’estuaire. Au total, plus de 100 Mt empruntent le Saint-Laurent entre Kingston et Sept-Îles.

Depuis l’ouverture de la Voie maritime, Montréal a perdu une partie de ses activités de transbordement : nombre de petits cargos de haute mer ne s’y arrêtent pas, et les lakers utilisent les ports situés plus en aval. Le port peu actif de Québec pourrait bénéficier d’un regain de faveur : accessible aux navires tirant 15 m et chargeant 80 000 t, il devrait profiter du transport par conteneurs ; il est projeté d’y installer une raffinerie.

La Voie maritime du Saint-Laurent

Construite de 1954 à 1959 par le Canada (qui assumait les deux tiers du coût de l’ouvrage) et les États-Unis, longue de 305 km, elle permet de rattraper les 69 m de différence de niveau entre le port de Montréal et le lac Ontario. Tantôt canal latéral, tantôt chenal aménagé dans le lit, elle comporte sept écluses : celles de Saint-Lambert (5,5 m) et de la Côte-Sainte-Catherine (9,15 m) compensent la dénivellation des rapides de Lachine, les deux écluses de Beauharnois (deux fois 12,8 m) correspondent à la hauteur des rapides des Cèdres, les écluses B.-H.-Snell (14,34 m), D.-D.-Eisenhower (13,81 m) et Iroquois (1,22 m) rattrapent la dénivellation des rapides Internationaux.

Avec un tirant d’eau uniforme de 8,30 m et des écluses de 233,5 m de longueur, 24,4 m de largeur et 9,2 m de profondeur, la Voie maritime livre passage aux lakers chargés de 25 000 t et aux cargos océaniques chargés de 8 500 t. Malgré son nom, ce n’est pas un canal maritime, mais une voie intérieure fluviale accessible aux petits navires océaniques.

P. B.

➙ Montréal / Québec.