Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Saint-Gall (suite)

Au xive s., la ville se rattacha de son propre chef aux ligues urbaines de la Souabe et de la Suisse. Vers 1350, l’industrie de la toile avait pris une telle extension que des corporations s’organisèrent. En 1454 enfin, la ville de Saint-Gall suivit l’exemple que le prince-abbé lui avait donné trois ans auparavant et se joignit à la Confédération suisse. Dès lors et jusqu’à la fin du xviiie s., l’abbaye et la ville constituèrent deux États souverains ; la ville et sa banlieue entouraient complètement le couvent proprement dit, tandis que les possessions de celui-ci s’étendaient au-delà des frontières municipales. Cette situation amena souvent des frottements entre les deux voisins, et lorsque la ville de Saint-Gall, sous le gouvernement de son savant et énergique bourgmestre Vadianus (Joachim de Watt [v. 1483-1551]) ; eut embrassé la Réforme, la séparation des deux États devint définitive. Le territoire dépendant de l’abbé, partisan du catholicisme, avait doublé en étendue depuis l’acquisition du comté de Toggenburg en 1468. La ville, réformée, devint de plus en plus célèbre par son commerce et son industrie linière. Lorsqu’en 1798 les troupes françaises de la Révolution s’approchèrent de la ville, l’abbé et ses moines prirent la fuite, et le monastère, après un millier d’années d’existence, fut supprimé. Mais de son côté la ville aussi dut renoncer à l’indépendance. Elle fut, avec la plus grande partie des domaines du couvent, incorporée au nouveau canton du Säntis, division administrative de la République helvétique unitaire. En 1803, l’Acte de médiation créa le canton de Saint-Gall, dont la ville devint plus tard le chef-lieu. Deux ans après, on procéda à la liquidation de l’abbaye, dont la fortune fut partagée entre le canton et la communauté catholique.

La riche tradition culturelle de Saint-Gall se poursuit de nos jours, en particulier grâce au théâtre municipal (construit en 1968), l’un des plus modernes d’Europe. Saint-Gall est devenu un centre d’études et de recherches qui rayonne bien au-delà des frontières suisses : en témoigne son École supérieure des sciences économiques et sociales avec ses instituts de recherche.

Dès 1162 débuta à Saint-Gall la fabrication industrielle de la toile. Au milieu du xviiie s., l’industrie du coton vint s’ajouter à celle du lin, et vers la fin de ce siècle, la broderie fit son apparition. La ville est aujourd’hui le centre de toute la contrée où fleurit cette industrie, contrée qui comprend une partie des cantons de Saint-Gall, d’Appenzell et de Thurgovie ainsi que du Vorarlberg, région autrichienne. La valeur marchande ou d’exportation des broderies de Saint-Gall représente un pourcentage remarquable du total de l’exportation suisse. La ville doit à la broderie ainsi qu’à ses tissus si prisés par la mode une renommée mondiale.

H. O.


L’art et l’architecture

De l’époque carolingienne au baroque, en passant par l’âge gothique, l’abbaye de Saint-Gall a été le centre d’une activité artistique brillante.

Avec ses ateliers réservés à l’enseignement de la musique, des lettres et des arts, le monastère fondé par Otmar devint dès le règne de Charlemagne et surtout au ixe s., notamment sous l’abbé Grimalt (841-872), un haut lieu spirituel européen. Son scriptorium produisit des manuscrits enluminés d’abord tributaires de l’entrelacs irlandais (Évangéliaire), puis représentatifs de la renaissance carolingienne (Psautier doré).

Le monastère, aux lignes sobres et sévères, reconstruit aux xvie -xviie s. et agrandi entre 1755 et 1767, ne conserve pratiquement pas trace des anciens bâtiments du Moyen Âge (dont un plan sur parchemin d’époque carolingienne donne le dispositif théorique [v. Bénédictins]). De 1758 à 1767, l’architecte Peter Thumb (1681-1766), originaire du Vorarlberg, édifia la bibliothèque abbatiale dont la grande salle au riche décor rococo est divisée en deux étages par une galerie de bois, sous un plafond peint par Josef Wannenmacher (1722-1780). Des trésors médiévaux y sont conservés, tels que 2 000 manuscrits dont ceux déjà cités, le fameux Codex 51, un catalogue du ixe s. qui énumère trente-deux « libri scottice scripti » (manuscrits en écriture irlandaise, dérivée de la « semi-onciale »), le Vocabulaire de Saint-Gall, les deux plats de reliure en ivoire du moine Tuotilo, etc.

À l’emplacement de la cathédrale actuelle se trouvait à l’origine l’église abbatiale, comprenant trois sanctuaires : le Gallusmünster (837) et les chapelles Sankt Michael et Otmar. La détérioration de l’église, lors de l’incendie de la ville en 1418, eut pour conséquence des transformations successives jusqu’au xviie s. Cependant, le manque d’unité spatiale de l’ensemble imposa la construction d’une nouvelle abbatiale (auj. cathédrale), de 1755 à 1767. Due pour l’essentiel aux architectes Peter Thumb et Johann Michael Beer (v. 1696-1780), c’est l’un des derniers grands édifices du rococo germanique, remarquable par l’élancement de sa façade orientale à deux tours encadrant une abside au fronton très orné, son décor intérieur de peintures et de stucs, ses grilles, son mobilier sculpté par Joseph Anton Feuchtmayer (1696-1770)...

À côté de maisons médiévales à pans de bois, Saint-Gall offre au regard plus de soixante demeures bourgeoises de la Renaissance, aux balcons en encorbellement richement sculptés. Par ailleurs, l’Art nouveau, au seuil du xxe s., a marqué de sa griffe originale de nombreuses maisons. Parmi les édifices récents, on remarque surtout l’École supérieure des sciences économiques et sociales de Saint-Gall-Rosenberg, en béton apparent (1960-1963), due à l’architecte Walter Förderer et décorée par des artistes internationaux : les sculpteurs Arp, Giacometti, Calder, Stahly, Robert Müller, Alicia Penalba..., les peintres Braque, Tapiès, Soulages, Sam Francis...

Ch. G.

 A. Merton, Die Buchmalerei in Sankt Gallen vom 9. zum 11. Jahrhundert (Leipzig, 1912 ; 2e éd., 1923). / T. Schiess, Geschichte der Stadt St. Gallen (Saint-Gall, 1917). / A. Hardegger, T. Schlatter et T. Schiess, Die Baudenkmäler der Stadt Sankt Gallen (Saint-Gall, 1922). / J. M. Clark, The Abbey of Saint-Gall as a Centre of Litterature and Art (Cambridge, 1926). / L. Birchler, Stiftskirche und Stiftbau St. Gallen (Saint-Gall, 1930). / W. Ehrenzeller, St. Gallische Geschichte (Saint-Gall, 1931-1938 ; 2 vol.). / W. Näf, Vadian und seine Stadt St. Gallen (Saint-Gall, 1944). / P.-H. Boerlin, Die Stiftskirche Sankt Gallen (Berne, 1964).