Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saint Empire romain germanique (suite)

Les Habsbourg

Malgré le peu d’éclat de l’institution impériale, les princes Habsbourg* accaparent la couronne à partir de 1438 (élection d’Albert II) et entreprennent une politique qui vise à accroître leurs propres États en se servant du prestige du titre impérial. L’Empire est pour eux source de gloire et moyen de satisfaire leurs ambitions. Ainsi les Habsbourg consolident-ils leurs positions en Autriche, qu’ils arrachent aux descendants des Otakar, puis dans les pays voisins : Styrie, Tyrol, Carinthie, Carniole. Le mariage de Maximilien de Habsbourg avec Marie de Bourgogne (1477) leur apporte les Pays-Bas et la Franche-Comté, avant que sur les États de Charles Quint (v. Charles V ou Charles Quint), petit-fils de Maximilien, « le soleil ne se couche jamais ».

Mais le titre impérial que porte Charles Quint de 1519 à 1556 est désormais purement honorifique. Certes subsiste un mythe impérial : au cours du xve s., des plans de réforme sont apparus, en 1427, 1434, 1438 et 1444, au Reichstag. Maximilien Ier* de Habsbourg a proclamé une paix générale en 1486, puis a fait créer un Tribunal d’Empire et un impôt commun, un Conseil impérial et des circonscriptions militaires. Toutes ces mesures ont redonné temporairement vie à une institution moribonde, mais n’ont pas reçu d’application. L’Empire que reçoit Charles Quint est un « corps débile », agglomérat de principautés, États et villes. Charles Quint éprouve les plus vives difficultés à éviter un nouveau morcellement territorial. La Réforme, à l’extension de laquelle ne peut s’opposer Charles Quint, favorise les seigneurs qui, sous couvert de religion, accaparent les droits régaliens exercés jusqu’alors par les seigneurs plus puissants. La paix d’Augsbourg (1555), à travers le principe cujus regio, ejus religio, consacre la liberté religieuse des États luthériens. L’empereur n’avait pu maintenir l’unité de foi dans l’Empire, et les princes s’abritent derrière la religion pour maintenir leur indépendance contre les entreprises des Habsbourg.

Lorsque au début du xviie s. les Habsbourg veulent reprendre en main l’Empire et y étendre l’influence du catholicisme, ils provoquent l’éclatement de nouvelles guerres de Religion qui débouchent sur la guerre de Trente* Ans, avec l’intervention de la Suède, puis de la France dans les affaires impériales. La France s’introduit en arbitre dans les affaires allemandes par les traités de Westphalie (1648), qui confirment et accentuent le morcellement territorial de l’Empire. Ces mêmes traités font porter à huit le nombre des Électeurs, en adjoignant aux sept de la Bulle d’or le duc de Bavière. Les pouvoirs de l’empereur étaient réduits à néant ; le Reichstag, regroupant les représentants des trois cent cinquante États autonomes de l’Empire, était le seul organisme de liaison entre les princes. Les Habsbourg avaient échoué dans leur entreprise de restaurer la puissance impériale.


L’agonie

Malgré leur défaite de la guerre de Trente Ans, les Habsbourg ne renoncent pas à user des préséances que leur confère le titre impérial et tentent de jouer un rôle de premier plan dans l’Empire. Ils recherchent particulièrement l’appui des Électeurs et princes catholiques pour la réalisation de leurs desseins. Mais ils se heurtent à Louis XIV et doivent accepter en 1684 les « réunions » de territoires (Montbéliard, duché de Deux-Ponts, Sarrebourg, Sarrelouis, Pont-à-Mousson, Strasbourg) réalisées par la France. Ils doivent d’autre part faire face à la menace turque sur le Danube : les Turcs sont finalement arrêtés en 1683 sous les murs de Vienne à la bataille du Kahlenberg. Les Habsbourg en profitent alors pour renforcer leur autorité sur la Hongrie et certains territoires slaves au sud de leurs domaines patrimoniaux. Enfin, à l’intérieur de l’Empire, à la fin du xviie s., le margrave de Brandebourg*, Frédéric Ier de Hohenzollern, acquiert en 1700 le titre de roi de Prusse (il sera couronné en 1701) et regroupe dès lors autour de lui les princes protestants du nord de l’Empire.

Le sort de l’Empire se joue ainsi au xviiie s. à partir de ces données. Au cours de la guerre de la Succession* d’Espagne, les Habsbourg ont pu croire possible de rétablir leur hégémonie en Europe par l’union des couronnes impériale et espagnole. Au traité de Rastatt (1714), ils renoncent à tout droit sur le trône espagnol, mais acquièrent le Milanais et, en 1715, les Pays-Bas au traité d’Anvers. L’Électeur de Bavière est rétabli dans ses droits et possessions. L’équilibre des États des Habsbourg se trouve dès lors modifié : les possessions allemandes (Autriche, Styrie, Tyrol, Carinthie, Carniole) ont un poids moindre que les territoires « extérieurs » (Bohême, Hongrie, territoires slaves, Lombardie). L’empereur Habsbourg est de plus en plus rejeté des affaires allemandes du Reich.

En Allemagne, les Habsbourg se heurtent à l’ascension et aux prétentions des Hohenzollern*. La rivalité entre Habsbourg et Hohenzollern s’inscrit dans le cadre des luttes entre grandes puissances européennes au xviiie s. L’année 1740, l’empereur Charles VI meurt sans héritiers mâles et par la pragmatique sanction il avait disposé de ses États en faveur de sa fille Marie-Thérèse*. Ne pouvant recevoir la couronne impériale, Marie-Thérèse s’efforce de faire couronner son mari, François de Lorraine. Au traité d’Aix-la-Chapelle (1748), Marie-Thérèse cède la Silésie à Frédéric II* de Prusse, mais obtient la confirmation de la pragmatique sanction et la reconnaissance de son mari comme empereur. De 1756 à 1763, Marie-Thérèse noue une coalition avec la France, la Russie et la Suède contre la Prusse, « de façon à réduire la puissance du roi de Prusse dans de telles bornes qu’il ne soit plus en son pouvoir de troubler à l’avenir la tranquillité publique ». Les traités qui mettent fin à la guerre de Sept* Ans consacrent l’échec de cette politique de revanche. Ces deux guerres ont fait apparaître que désormais se joue la direction de l’Allemagne entre Hohenzollern et Habsbourg, plus que le sort même de l’Empire.