Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

saint

Personnage qui a voué sa vie à la recherche mystique de Dieu, à son service exclusif ainsi qu’à la pratique de la charité envers les autres hommes sous toutes ses formes.


Parce qu’il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, les martyrs, qui sont morts en refusant de renier leur foi ou de violer une vertu, ont toujours occupé une place de choix parmi les saints. Parfaits serviteurs de Dieu, les saints sont pour les catholiques des modèles et des intercesseurs auprès de Dieu.


Le calendrier romain général et les calendriers particuliers

La réforme de la liturgie voulue par le IIe concile du Vatican a comporté une révision du calendrier officiel de l’Église romaine, calendrier qui, au cours des âges, fut mis pratiquement à la base de celui de toutes les Églises catholiques du monde.

Pour souligner ce caractère universel, celui qui fut promulgué en 1969 est désigné sous le nom de « calendrier romain général ». Pas plus que leurs prédécesseurs, ses auteurs n’ont prétendu donner une liste de saints complète et définitive ; ils ont retenu les saints qui, actuellement, semblent devoir être fêtés officiellement dans toute l’Église catholique. Pour les clercs, qui assurent chaque jour la messe et l’office, il est préférable de ne pas être surchargé par les fêtes des saints ; l’impossibilité d’avoir un office propre pour chaque saint impose le recours aux « communs », et la répétition trop fréquente des offices du commun engendrerait la monotonie. De plus, le calendrier doit laisser la première place aux fêtes du Seigneur. Ce principe n’impose pas seulement l’absence de saints lors des grandes fêtes de l’année ; il est souhaitable aussi qu’il n’y en ait pas ou fort peu en certaines périodes, par exemple en Avent et en Carême. Il y a donc beaucoup de jours où aucun saint n’est inscrit. Ce n’est pas une nouveauté : il y a toujours eu des jours libres, mais ils sont plus nombreux aujourd’hui qu’autrefois. L’équilibre du calendrier, quelquefois tenté, a périodiquement été rompu par des introductions de fêtes de saints opérées sans plan d’ensemble.

Le calendrier romain général est complété par un commentaire, où ses auteurs expliquent les raisons des changements. En ce qui concerne les saints écartés du calendrier, la formule habituelle est que leur importance ne semble pas justifier leur présence au calendrier général, mais que les Églises qui en ont le désir peuvent les honorer. Dans quelques cas seulement, le commentaire fait allusion aux difficultés de l’histoire en face de la critique historique. Jamais les auteurs du commentaire ne déclarent qu’un saint autrefois inscrit au calendrier de l’Église universelle n’était pas digne de cet honneur ou aurait été canonisé sans motifs suffisants.

Le calendrier romain général ne mentionne donc qu’un très petit nombre de saints ; cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas d’autres, mais que les saints sont si nombreux qu’on ne peut les honorer solennellement tous, en tous lieux. Leur action de leur vivant ou leur popularité après leur mort leur ont valu d’être honorés publiquement, dans une région plus ou moins vaste. L’apôtre saint Pierre est fêté dans toutes les Églises du monde, aussi bien en Orient qu’en Occident. Saint Martin, évêque de Tours, est fêté dans toutes les Églises d’Occident, mais il ne figure pas au calendrier byzantin. Sainte Geneviève de Paris se trouve depuis longtemps dans tous les calendriers de France, mais elle n’a jamais été inscrite à celui de Rome. Saint Germain, évêque de Paris, n’a guère été honoré hors du diocèse de Paris. Le culte de beaucoup de saints a toujours été limité à une ville, à une abbaye, à une église. Par exemple, saint Dié ou saint Flour n’ont guère été connus en dehors des villes qui portent leur nom.

Certains saints ont donc été plus vénérés que d’autres, pour les raisons les plus diverses. On comprend sans peine que la Vierge Marie* et les apôtres soient honorés en tous lieux. Les grands docteurs de l’Église, comme saint Jean* Chrysostome ou saint Augustin*, se sont également imposés partout ; leur renommée de sainteté a été portée par leurs écrits, partout lus et étudiés. La dévotion aux saints fondateurs d’ordres religieux a été diffusée par leurs disciples. Des martyrs romains des premiers siècles ont bénéficié de l’adoption par les Églises des divers pays du calendrier de l’Église romaine. Au Moyen Âge, le culte de certains saints s’est diffusé par des distributions de reliques qu’on collectionnait alors avec passion : c’est ce qui explique le succès qu’eurent autrefois sainte Ursule et les onze mille vierges de Cologne.

La popularité du culte des saints ou leur insertion dans des calendriers dépendent très souvent de circonstances extérieures, qui n’ont que des rapports lointains avec les personnes elles-mêmes.


Le martyrologe

Il est donc impossible de mentionner tous les saints dans un calendrier, mais on laisse à chaque prêtre et à chaque fidèle la plus grande liberté dans leur dévotion particulière, puisqu’une règle liturgique ancienne et renouvelée récemment déclare qu’on peut célébrer la messe en l’honneur de tout saint inscrit au Martyrologe romain. Car le livre liturgique qui contient les listes des saints n’est pas le calendrier, mais le martyrologe. Dès l’époque des persécutions et plus encore au ive s., on établit dans beaucoup d’Églises la liste des anniversaires des martyrs. La plus ancienne liste conservée est celle de Rome composée en 354. Au ve s., en Italie, on rassembla diverses listes en une compilation unique qui, attribuée à tort à saint Jérôme, est connue sous le nom de « martyrologe hiéronymien ». Le nom de martyrologe vient de ce que les premiers saints honorés d’un culte furent les martyrs.

Rédigé en Italie, le martyrologe hiéronymien fut augmenté à Auxerre vers 600. Il ne donne que des noms de saints avec l’indication du lieu de leur mort, sans plus. Bède (le Vénérable) eut l’idée d’ajouter un petit commentaire historique. Il fut imité par plusieurs auteurs au ixe s. Usuard, moine de Saint-Germain-des-Prés à Paris, acheva vers 865 un martyrologe qui se répandit ensuite dans toute l’Église latine. C’est cette œuvre que le savant oratorien Baronius (Cesare Baronio, 1538-1607) prit pour base de son travail, quand le pape Grégoire XIII lui demanda de composer un Martyrologe romain, qui fut approuvé en 1584. Ce martyrologe est une compilation réalisée à partir des anciens martyrologes occidentaux et de leurs équivalents grecs, les synaxaires. On y ajouta ensuite les saints canonisés par les papes ; les saints ainsi introduits après une canonisation décidée à la suite d’un procès minutieux ne présentent pas de difficulté, mais il n’en est pas toujours de même pour les personnages inscrits auparavant dans leurs martyrologes par des compilateurs. On a d’ailleurs fréquemment exagéré les erreurs du Martyrologe romain : on a par exemple prétendu qu’on y trouvait l’hérétique Arius* ; il n’y a jamais été ; s’il a paru dans des martyrologes anciens et nullement officiels, c’est par suite d’une confusion faite par un compilateur, qui l’avait introduit sans savoir de qui il s’agissait, puisque le nom figurait sans aucun commentaire. On répète volontiers que le Bouddha est nommé dans le Martyrologe romain : en réalité, on y trouve Josaphat, héros d’un roman chrétien, dont l’auteur avait emprunté le canevas à la légende du Bouddha ; si Josaphat a été pris pour un saint, c’est parce qu’il est le héros d’un roman chrétien et monastique, nullement parce que quelques-unes de ses aventures ont été imaginées à l’imitation de celles du Bouddha.