Fonction du prêtre.
Le sacerdoce est une institution aussi répandue que la civilisation partout où les sociétés humaines atteignent un certain degré de développement fondé sur des convictions religieuses. Des exceptions notables existent : l’islām ne connaît pas de prêtres, le culte s’y trouvant réduit à la prière ; les Celtes écoutaient les oracles de leurs druides, mais n’entretenaient sans doute pas de clergé. Il n’est pas étonnant que l’institution sacerdotale périclite et paraisse problématique jusqu’en ses principes là où la société se sécularise sous l’effet des changements culturels qui tendent à l’éloigner de la religion ancestrale. Précisément à cet égard, le cas du christianisme semble offrir un intérêt particulier.
Un panorama de 7 000 ans
Les plus anciens Chinois connus avaient institutionnalisé un sacerdoce de chamans : ces magiciens extatiques étaient censés incarner à un titre privilégié le principe lumineux et masculin du cosmos (yang), alors que des prêtresses en représentaient le principe obscur et féminin (yin). Les chamans chinois d’avant Confucius s’étaient spécialisés dans les sacrifices rituels et les exorcismes.
La civilisation sumérienne offre une synthèse de l’institution sacerdotale et du pouvoir politique déjà fortement structurée. Le roi-prêtre (ensi) gouvernait son peuple et le représentait auprès des dieux. Mais le grand-prêtre du temple de la capitale pouvait concurrencer le pouvoir sacral du roi. On ne quittera plus ce type d’institution, où le symbolisme sexuel et la fonction sacrificielle se combinent avec un pouvoir politique de droit divin, la figure du prêtre occupant de la sorte une position clé dans l’équilibre de la société traditionnelle.
Chaque peuple de l’Orient et de l’Asie antiques y apporteront leurs variantes. Chez les Assyriens, le chef de l’État était aussi celui de la caste des prêtres. Les Babyloniens, bénéficiaires directs des traditions sumériennes, ajouteront, aux nombreuses sortes de prêtres connues de celles-ci, des prêtresses spécialement vouées au culte de la déesse de la Fécondité. Chez les anciens Égyptiens, le roi-dieu déléguait ses fonctions sacerdotales à une classe privilégiée de « purs », répartis en plusieurs catégories et soumis à une autorité centrale. En Iran, l’implantation des peuples aryens s’accompagnait de sacrifices offerts aux dieux par des prêtres spécialisés à cet effet. Il en allait de même dans l’Inde védique, où le sacerdoce sacrificiel jouissait de la faveur des rois et des nobles.
La science contemporaine de ce lointain passé culturel est devenue de plus en plus attentive aux évolutions analogues suivies par des sociétés sans échanges réciproques, mais dont les structures traditionnelles se renouvellent à peu près vers la même époque « axiale ». Ainsi, une nouvelle phase est introduite dans l’histoire religieuse des hommes avec la métaphysique panthéiste et moniste des Upaniṣad en Inde, d’où résulteront jusqu’à nos jours les mille et une formes de l’hindouisme, avec la sagesse cosmique de Confucius, qui inspirera l’organisation du culte officiel en Chine jusqu’à l’époque moderne, et avec la migration d’Abraham, le père archétypique de tous les croyants monothéistes de l’Occident ancien ou actuel. À ce stade, les castes sacerdotales de l’Inde et les fonctionnaires impériaux responsables du culte étatique en Chine gagneront un prestige incomparable. Dans la tribu abrahamique, par contre, il n’y a nulle trace d’une organisation de ce genre. Les sacrifices rituels étaient exécutés par les chefs de famille, sans doute selon une coutume d’origine chaldéenne, et il en sera ainsi parmi ces tribus nomades du temps des « patriarches » jusqu’à la création de la nation israélite par Moïse. Longtemps plus tard, l’institution sacerdotale connaîtra un semblable dépouillement dans le christianisme naissant et dans l’islām ; une inspiration commune commande la genèse de ces trois principales formes du monothéisme occidental que sont le judaïsme*, le christianisme* et l’islām*.
Le lieu de culte fondé spécialement par Moïse entraînera l’institution d’un clergé israélite dont les affinités avec certaines catégories du clergé égyptien seraient à préciser. Les fonctions rituelles et sacrificielles de ce clergé ne supposaient ni élection divine ni charisme personnel. Recrutés parmi la tribu de Lévi, reconnaissables à leurs vêtements réservés pour le service du temple, soumis à un grand prêtre et à des règlements sexuels très stricts, ces témoins de l’institution sacerdotale se maintiendront dans l’État théocratique juif à travers l’épreuve de la grande déportation nationale en Babylonie et jusqu’à la destruction de l’antique Israël par les Romains en l’an 70 de notre ère (v. Hébreux).