Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

Le 4 (17) avril 1912, des ouvriers de la mine d’or de la Lena sont massacrés à la suite d’une grève : il y a 270 morts et 250 blessés. Le 1er-Mai est marqué par une grève de 400 000 personnes. L’année 1913 n’est pas plus calme. L’ampleur des manifestations rappelle 1905. Le ministre de l’Intérieur, V. Maklakov, intensifie la répression. Il y a 1 million de grévistes en 1912, 1 270 000 en 1913 et 1 300 000 au début de 1914. Le 22 avril (5 mai) 1912 paraît le premier numéro de la Pravda (« Vérité »), dirigée par Lénine, organe officiel du parti bolchevik. En août 1912, Trotski forme le « bloc d’août », qui réunit tous les partis séparés du parti bolchevik, mais, dès le début de 1914, cette formation disparaît.

La quatrième douma, celle de novembre 1912, est plus libérale que la troisième. La montée des forces révolutionnaires dans le pays pousse les bourgeois libéraux à réclamer l’application du Manifeste du 17 (30) octobre 1905, concernant les libertés civiques, mais le gouvernement reste inébranlable. Au cours de l’année 1914, les mouvements de masse se développent. Le 3 (16) juillet, la police tire sur les 12 000 ouvriers de l’usine Poutilov pour les disperser. Le 7 (20) juillet, en signe de protestation, 130 000 personnes descendent dans la rue (le tsar reçoit alors Poincaré). La guerre mondiale s’annonce ; elle sauvera momentanément le tsarisme.

Pendant les premières années du xxe s., l’instruction publique s’est beaucoup développée. La proportion des gens sachant lire passe de 21 à 30 p. 100 de 1897 à la veille de la guerre. En 1900, 37 000 écoles primaires reçoivent 2 600 000 élèves ; en 1914, près de 81 000 écoles primaires reçoivent 6 millions d’enfants, et les écoles paroissiales ont 2 millions d’élèves. Au recensement de 1911, les écoles de village accueillent 33 p. 100 des garçons et 14 p. 100 des filles parmi les enfants de sept à quatorze ans. En 1914, les écoles secondaires accueillent 500 000 élèves, c’est-à-dire de 2 à 3 p. 100 des enfants d’âge scolaire. De 1900 à 1913, le nombre d’étudiants double : il est évalué à 36 000 en 1913 ; 120 000 étudiants fréquentent, à cette date, les établissements supérieurs.


La Première Guerre* mondiale

La guerre russo-japonaise et la révolution de 1905-1907 ont affaibli le tsarisme et renforcé sa dépendance vis-à-vis de l’Occident. L’entente franco-anglaise est mise en vigueur en 1904. Quant à l’accord anglo-russe de 1907, il organise le partage de l’Iran* : le Nord est placé sous l’influence des Russes, le Sud sous celle des Anglais. La Russie tsariste échoue en 1908 dans ses tentatives de réaliser par la diplomatie ses visées sur les Balkans et le Proche-Orient (en particulier pour le contrôle des détroits de la mer Noire). L’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine sans contrepartie pour la Russie. Une autre tentative, pendant la guerre italo-turque de 1911-12, échoue également.

En 1912, les pays balkaniques concluent entre eux l’Alliance balkanique et battent la Turquie, provoquant des dissensions entre les grandes puissances. Une seconde guerre balkanique a lieu en 1913 entre la Serbie, la Grèce et le Monténégro contre la Bulgarie.

L’attentat contre l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo le 15 (28) juin 1914 sert de prétexte au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le 15 (28) juillet, l’Autriche déclare la guerre à la Serbie. Nicolas II ordonne la mobilisation générale contre l’Autriche. Le 19 juillet (1er août) 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie. Le lendemain, le tsar désigne le grand-duc Nicolas* comme commandant en chef. Les milieux dirigeants espèrent que le conflit mettra un terme au mouvement révolutionnaire. À Saint-Pétersbourg, 27 000 ouvriers manifestent contre la guerre. La douma soutient le gouvernement, mais les cinq députés bolcheviks (comme tout le parti) votent contre la guerre. En octobre 1914, Lénine déclarera : « La transformation de la guerre impérialiste actuelle en guerre civile est le seul mot d’ordre prolétarien juste [...]. »

Les troupes russes pénètrent d’abord en Prusse-Orientale, où elles battent les Allemands à Gumbinnen (auj. Goussev). Mais en août-septembre 1914, elles sont vaincues et quittent le territoire allemand. Cependant, victorieuses des Autrichiens en Galicie, elles repoussent ces derniers jusqu’aux Carpates. Les Russes avancent en Silésie allemande, arrêtent l’ennemi près d’Ivangorod et de Varsovie et, dès octobre 1914, passent à l’offensive. La Turquie ayant déclaré la guerre en octobre, un nouveau front s’ouvre au Caucase. À la fin de 1914, les Russes pénètrent en Turquie.

En 1915, les Allemands concentrent leurs forces à l’est. Les armées russes manquent de tout : le pays est mis à contribution, mais la majorité des 15 millions d’hommes partis pour la guerre sont des paysans, et la production agricole s’en ressent. La crise alimentaire a des répercussions politiques dans les grandes villes industrielles. La classe ouvrière est victime de l’inflation ; la Russie émet un emprunt de 8 milliards de roubles à l’étranger. La gravité de la situation influe sur les opérations militaires. Au cours du printemps et de l’été 1915, les Russes abandonnent la Galicie et reculent en Pologne, en Lituanie, en Lettonie et en Biélorussie.

Mais déjà a eu lieu à Zimmerwald une conférence internationale socialiste qui va peser sur les événements en Russie : en mai 1915, des grèves éclatent à l’usine Poutilov de Petrograd (Saint-Pétersbourg) ; en juin, la police tire sur des grévistes de Kostroma ; en août, des manifestants sont fusillés à Ivanovo-Voznessensk ; en août-septembre, 70 000 grévistes manifestent à Petrograd.

Les défaites militaires contraignent le tsar à renvoyer Maklakov (juin 1915) et le ministre de la Guerre Vladimir Aleksandrovitch Soukhomlinov. En juillet, la quatrième douma prépare un « ministère de confiance » dominé par les leaders bourgeois. Les bases du pouvoir tsariste se désagrègent. La Cour est aux mains d’aventuriers, de Grigori Iefimovitch Raspoutine (1872-1916) en particulier.