Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

À partir de 1699, il n’a plus qu’une idée : la conquête des côtes de la Baltique. En juillet 1700, il signe un traité avec la Turquie : Azov reste à la Russie. À la suite des négociations de Rawa-Ruska, le Danemark se joint à la coalition russo-polonaise contre la Suède. Le 8 août 1700, le tsar commence la guerre du Nord. Charles XII* assiège Copenhague et fait capituler le Danemark. En novembre 1700, il vainc les Russes, qui ne réussissent pas à prendre Narva, puis se retourne contre la Pologne.

Pierre Ier tire la leçon de ses défaites : il entreprend la création d’une armée entièrement nouvelle, fondée sur l’enrôlement obligatoire, et, devant l’inefficacité des officiers mercenaires, forme des cadres russes. Il prend totalement en main ses troupes : des usines minières (Oural), des draperies et des toileries sont fondées à la hâte. Dès 1702, ces efforts aboutissent. En automne, Pierre contre-attaque en Ingrie et prend Noteborg (auj. Petrokrepost). En 1703, les Russes s’emparent de l’île de Zaïatchi, dans le delta de la Neva, où Pierre établira Saint-Pétersbourg (v. Leningrad).

L’exploitation des mines de l’Oural et la construction de Saint-Pétersbourg provoquent la mort de milliers de travailleurs. De plus, Pierre qui a constamment besoin d’argent, impose sévèrement son peuple. Les révoltes spontanées se succèdent : au cours de l’été de 1705, celle d’Astrakhan ; en 1707, celle du Don, conduite par Kondrati Afanassievitch Boulavine (v. 1660-1708), et qui se prolongera jusqu’à la fin de 1708 ; en 1705, celle de la Bachkirie, qui ne sera étouffée qu’en 1711.


Le développement de la guerre du Nord

Au début du xviiie s., le tsar reprend le combat pour les côtes de la Baltique. En 1704, il prend Narva. De 1703 à 1705, les Suédois abandonnent près des deux tiers du territoire balte. Mais, à l’automne de 1706, l’Électeur de Saxe, Auguste II le Fort, capitule devant Charles XII*. En juin 1708, ce dernier, avec 35 000 hommes et aidé d’Ivan Stepanovitch Mazeppa (1644-1709), l’« hetman félon », essaie d’entrer par l’Ukraine. Mais le 28 septembre, A. L. Lewenhaupt, un des meilleurs généraux de Charles XII, est battu avec 16 000 hommes près du village de Lesnaïa. Au printemps de 1709, Charles XII assiège Poltava. Le 27 juin (8 juill., nouv. style), Poltava est encerclée par les troupes de Pierre le Grand, et Charles XII et Mazeppa s’enfuient par le Dniepr ; 16 000 hommes capitulent. Cette victoire fait sortir la Russie de son isolement. Pierre Ier obtient des assurances de la Pologne, du Danemark, de la Prusse et de l’Angleterre. La coalition contre la Suède est élargie, mais le conseil de régence suédois, qui compte sur les pays mécontents de l’ascension de la Russie, refuse la paix. Les hostilités reprennent dans les régions baltes. En 1710, les Russes s’emparent de Riga, de Dünaburg (auj. Daougavpils), de Reval (auj. Tallin) puis de Vyborg et de Kexholm (auj. Priozersk). La Livonie, l’Estonie et l’Ingrie sont rattachées à la Russie. L’Angleterre, inquiète des succès russes, pousse la Turquie contre la Russie. En 1711, les Turcs franchissent le Danube. Les batailles dans le bassin du Prout sont sévères pour les deux camps. Un traité de paix signé le 12 juillet 1711 rend Azov à la Turquie.

En 1712, Pierre Ier est lâché par les alliés, et c’est seul qu’il prend au cours de l’été de 1713 plusieurs villes finlandaises, dont Helsinki. Le 27 juillet 1714, sa flotte remporte la victoire sur la flotte suédoise au large du cap Hangö (Hanko). En 1718, la Suède, affaiblie, veut traiter, mais l’Angleterre décide de l’aider contre la Russie. En 1720, la flotte russe triomphe des Suédois, et en 1721, la paix de Nystadt est conclue. La Russie garde la Lettonie, l’Estonie, l’Ingrie et une partie de la Carélie avec Vyborg ; elle rend la Finlande à la Suède. La guerre du Nord aura duré vingt et un ans. La route de l’Occident est ouverte. Le Sénat décerne à Pierre Ier le titre d’empereur.

La guerre russo-persane de 1722-1724, motivée par des intérêts commerciaux et la nécessité de consolider les frontières sud-est, aboutit en 1723 à la capitulation de la Perse, qui cède à la Russie Derbent, Bakou et les régions de l’ouest et du sud de la Caspienne. Mais, en 1724, la Russie doit rendre à la Turquie une partie de l’Azerbaïdjan, l’Arménie et l’est de la Géorgie.


Les réformes sociales et politiques de Pierre Ier

Dès Poltava, Pierre Ier prépare des réformes sociales et politiques qui renforcent les positions de la noblesse et des riches marchands. Si Pierre néglige l’agriculture, il donne par contre un essor considérable à l’industrie. On compte 178 manufactures nouvelles, dont 89 à la charge de l’État, et 191 grandes entreprises : chantiers navals, usines minières, fabriques d’armement, de passementeries et de soie. La bourgeoisie prospère. Dès 1720, le commerce avec l’Occident se fait par la Baltique, et essentiellement par Saint-Pétersbourg.

Pierre Ier réorganise l’Administration. La Douma des boyards disparaît. En 1711, le tsar crée le Sénat (qui le remplace en son absence) ; en 1722, il institue la fonction de procureur général du Saint-Synode. Tout l’appareil d’État est contrôlé par le parquet et la police. Les prikazes abolis sont remplacés par onze collèges, renforcés en 1718 par une Chancellerie secrète, dont le siège est à Saint-Pétersbourg.

Une Direction centrale des Églises est créée et, en 1721, le « Règlement ecclésiastique » supprime le patriarcat. Le tsar prend le nom de « pasteur suprême de l’Église orthodoxe » ; le Saint-Synode dirige le clergé.

Les réformes régionales entraînent la division du pays d’abord en onze gouvernements, puis en cinquante provinces. Les gouverneurs cumulent les pouvoirs civils et militaires. Un Conseil électif collecte les impôts et recrute les soldats. Tout est prétexte à imposer la population (capitulation), mais, malgré les efforts de l’État, le déficit persistera jusqu’en 1724. Les travailleurs des villes n’ont rien à envier aux paysans : ils sont enrôlés de force dans les manufactures, et leur misère est peut-être encore plus noire que celle des campagnes, où la population réussit à manger. On enregistre entre 1672 et 1710 une diminution de 6,6 p. 100 de la population.