Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Russell (Bertrand) (suite)

Philosophie des mathématiques et de la logique : le logicisme et son avenir

Sur le plan de l’ontologie, Russell s’est efforcé d’élucider le plus d’expressions possible comme étant des symboles incomplets. Telle est l’idée qui a présidé à sa paraphrase des descriptions et à sa réduction des classes aux fonctions propositionnelles.

En ce qui concerne les paradoxes. Russell a remarqué que l’infini actuel n’en est pas la cause. En théorie des ensembles, il a défini les nombres ordinaux comme des classes d’équivalence d’ensembles bien ordonnés modulo la relation d’isomorphisme ordinal ; il a défini les cardinaux comme des classes d’équivalence modulo la relation d’équinuméricité. À l’époque des Principia, il croyait facile de démontrer l’existence des ensembles infinis. Ensuite, il semble convaincu de la nécessité d’admettre que l’existence d’une infinité d’objets mathématiques relève d’un axiome.

Il s’en est toujours tenu à l’idée que la définition des entiers naturels dans la logique constituait le seul « fondement » valable de l’arithmétique. La doctrine logiciste des fondements, compte tenu des principes (choix, infini) inclus dans la logique des Principia et de la possibilité d’y quantifier sur les fonctions propositionnelles, se ramène à fonder les mathématiques sur la théorie des ensembles. Selon l’expression de Quine, la logique des Principia est en somme « de la théorie des ensembles déguisée ». Or, réduire les mathématiques à la théorie des ensembles est tout à fait possible, et Russell a lui-même, à la suite de Frege, contribué d’une manière décisive à le montrer. C’est un acquis définitif. Seulement, cette réduction n’est pas un fondement : c’est pour cela que le logicisme a disparu en tant que philosophie des mathématiques ; mais les apports techniques du logicisme (le développement du formalisme logico-mathématique) sont devenus le bien commun des logiciens.

Aujourd’hui il est facile de se livrer au petit jeu qui consiste à relever des imperfections ou des inadéquations dans ce qu’a pensé Russell : car, depuis lui, on a fait beaucoup mieux que lui. Vis-à-vis d’un créateur de l’envergure de Russell, la critique se doit de ne jamais tomber dans la mesquinerie.

« Ce pour quoi j’ai vécu »

« Trois passions, simples mais irrésistibles, ont commandé ma vie : le besoin d’aimer, la soif de connaître, le sentiment presque intolérable des souffrances du genre humain. [...]

« J’ai cherché l’amour, d’abord parce qu’il est extase. [...]

« Non moins passionnément j’ai aspiré à la connaissance [...]. J’ai tenté de capter la vertu pythagoricienne qui maintient au-dessus de l’universel devenir le pouvoir des nombres. [...]

« L’amour et le savoir, pour autant qu’ils m’étaient accessibles, m’élevaient au-dessus de la terre. Mais toujours m’y a ramené la pitié. Les cris de douleur se répercutaient au plus profond de moi. Enfants affamés, victimes des oppresseurs et des tortionnaires — tout un monde de douleur, de misère et de solitude bafoue la vie telle qu’elle devrait être. »
(Prologue de l’Autobiographie.)

J. L. et D. C.

➙ Logique.

 P. A. Schilpp (sous la dir. de), The Philosophy of Bertrand Russell (Evanston, Illinois, 1944 ; 3e éd., New York, 1963, 2 vol.). / W. V. O. Quine, Set Theory and its Logic (Cambridge, Mass., 1963 ; 2e éd., 1969). / B. Russel, The Autohiography of Bertrand Russell (Londres, 1967-1969, 3 vol. ; trad. fr. Autobiographie, Stock, 1968-1970, 3 vol.). / R. Schoenmann (sous la dir. de), Bertrand Russell Philosopher of the Century (Londres, 1967). / J. Vuillemin, Leçons sur la première philosophie de Russell (A. Colin, 1968). / E. D. Klemke (sous la dir. de), Essays on Bertrand Russell (Urbana, Illinois, 1970). / Bertrand Russel, numéro spécial de la Revue internationale de philosophie (Vrin, 1973). / G. Nakhnikian (sous la dir. de), Bertrand Russell’s Philosophy (Londres, 1974).

Russie

Anc. région historique d’Europe et d’Asie sur laquelle s’établit l’empire des tsars jusqu’en 1917.


(Les dates sont données selon le calendrier russe traditionnel, c’est-à-dire le calendrier julien en vigueur en Russie jusqu’en 1918. Pour l’époque moderne, les dates indiquées entre parenthèses sont celles du calendrier grégorien utilisé en Europe occidentale.)


Les origines

Des outils en pierre découverts en Arménie prouvent la présence de l’homme à l’époque chelléenne (de 400 000 à 100 000 ans av. J.-C.). Les premières sculptures, en particulier celle qui fut trouvée en 1938-39 dans la grotte de Techik-Tach, en Asie centrale, datent de l’époque moustérienne (de 100 000 à 40 000 ans av. J.-C..). Les campements du Paléolithique supérieur (de 40 000 à 14 000 ans av. J.-C.) s’étendent de la Crimée au Caucase et jusqu’en Iakoutie : leurs habitants étaient organisés en communauté matriarcale, forme la plus ancienne du régime clanal.

Au début du Mésolithique (de 14 000 à 5 000 ans av. J.-C.), les campements se déplacent vers le nord jusqu’aux côtes de l’océan Glacial, du détroit de Béring et de la mer d’Okhotsk. À cette époque, la différenciation des cultures suivant les régions se fait plus nette. L’arc et la flèche apparaissent ; l’homme apprivoise les petits animaux, et l’élevage du bétail débute. À l’âge de la pierre polie et à celui du cuivre (IVe et IIIe millénaire av. J.-C.), des tribus aux caractères ethniques et culturels homogènes se forment au sud de la Turkménie et en Transcaucasie. La découverte du tumulus de Maïkop, dans le Caucase, a montré les progrès de la population dans le domaine de l’agriculture, de l’habitation et des objets d’art. Vers le début du IIe millénaire av. J.-C., les agglomérations du type dit « de Tripolie » se caractérisent par leur situation près des rivières, leurs maisons en pisé (27 m sur 6 à 7 m), le travail de la terre à la pioche et surtout l’art de la poterie ; elles comptent déjà des centaines d’habitants. On les trouve sur la rive droite du Dniepr, dans les bassins du Bug, du Dniestr et du cours inférieur du Danube. Les groupes ethniques se précisent : les éleveurs de l’Asie centrale sont les ancêtres des Tadjiks ; les tribus de Transcaucasie sont les ancêtres des Ibères et des Arméniens, et celles de l’Europe centrale les ascendants des Scythes et des Sarmates. Les populations du bassin du Dniepr et de la Volhynie constitueront, semble-t-il, les futures tribus slaves. Au début du Ier millénaire av. J.-C., le fer transforme la technique et l’économie ; les conflits armés dans les steppes du Sud amènent l’asservissement des vaincus. C’est la fin du régime du clan et la décomposition de la communauté.