Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rurale (économie) (suite)

Des politiques modernes

D’une part, le progrès des techniques permet de décomposer en tâches élémentaires les opérations traditionnelles de production* et surtout de mieux contrôler les résultats de chacune d’elles.

En face de cette pression s’exerce une autre pression, qui tend à coordonner sur une échelle plus vaste les « processus préalablement dissociés ». Ce sont les industries agricoles et alimentaires, poussées elles-mêmes par les exigences d’une concurrence accrue, qui favorisent, par l’intermédiaire des contrats d’intégration, cette organisation de la production agricole. Cette intégration va permettre à ces industries de traiter une masse de-produits homogènes et de mieux satisfaire aux exigences de la distribution concentrée. Par ailleurs, l’intégration apporte à l’agriculture une certaine sécurité, qui, à long terme, dépend évidemment de la solidité technique, commerciale et financière du pôle d’intégration. Enfin, cette industrialisation laisse une chance de survie aux petites exploitations de type familial dans la mesure où les membres de celles-ci se contentent, tant pour leur travail* que pour leur capital*, d’une rémunération beaucoup plus faible.

• Dans le prolongement des problèmes soulevés par l’industrialisation et surtout par l’intégration, on ne devait pas manquer de s’interroger sur le rôle que pouvait jouer le mécanisme des prix* dans la formation des revenus agricoles et aussi dans la modernisation des exploitations agricoles. Au sujet de la formation des revenus agricoles, on a fait remarquer que la part du prix payée par le consommateur et revenant aux agriculteurs ne tendait pas à s’accroître au même rythme que la part prélevée par l’intermédiaire, le commerçant ou l’industriel. On a pu, alors, estimer que les agriculteurs se trouvaient défavorisés : il conviendrait, en conséquence, de les inciter à se grouper en coopératives ou en unions de producteurs, afin qu’ils puissent obtenir par ce moyen une amélioration des conditions de vente de leurs produits et parvenir à une maîtrise plus grande des marchés agricoles. De tels efforts de regroupement des agriculteurs ne devraient pas, d’ailleurs, se limiter à la seule vente des produits agricoles ; ils devraient également s’étendre au domaine de l’intégration : face aux groupes géants (Perrier, Unilever, Nestlé), qui prennent le contrôle de l’industrie alimentaire, seul un renforcement du pouvoir de négociation des agriculteurs peut empêcher que ceux-ci soient trop dominés par ces groupes et qu’en conséquence les revenus agricoles se trouvent atteints. Dans ces conditions, on a discuté des moyens qui permettraient d’obtenir effectivement un renforcement du pouvoir économique des agriculteurs : ainsi, on a pu conseiller de brusquer le regroupement en s’attachant surtout aux exploitations les plus dynamiques ; le meilleur moyen d’y parvenir serait de réserver — immédiatement ou progressivement — les aides économiques de l’État (subventions, bonifications de prêts, etc.) aux agriculteurs produisant sous le contrôle d’un groupement de producteurs ou sous contrat avec une firme privée ou une coopérative.

On a parfois mis en doute le rôle du mécanisme des prix dans la modernisation de l’agriculture et des exploitations agricoles. En effet, un relèvement du niveau des prix à la production ne donne pas à tous les agriculteurs la possibilité d’investir et de moderniser leurs exploitations. Comme une amélioration de la productivité agricole dépend de plus en plus d’investissements* coûteux, cette hausse des prix ne permet pas en elle-même aux agriculteurs ne disposant que de faibles revenus de dégager les sommes suffisantes pour acheter des équipements lourds ; seuls les agriculteurs riches peuvent en profiter, si bien que l’écart entre agriculteurs pauvres et agriculteurs riches (devenant de plus en plus productifs) tend à se creuser. Cette disparité entre ces deux catégories d’agriculteurs tiendrait aux conditions de départ dans lesquelles se trouvent placés les uns et les autres. Une telle analyse a conduit l’économie rurale à rechercher s’il n’existait pas un sous-développement dans le secteur agricole.

• Une telle interrogation a amené à proposer une autre politique que celle des prix. Dans la mesure où cette autre politique s’attacherait aux conditions dans lesquelles s’exerce et se débat l’activité agricole, on a pu parler de politique des structures, qu’on a évidemment opposée à celle des prix. D’une façon générale, cette politique des structures se propose de mettre en place une organisation plus rationnelle de la production agricole, de telle façon que la productivité soit relevée. Dans ces conditions, elle se définit comme la mise en œuvre d’un ensemble de moyens coordonnés et orientés en vue de faciliter la constitution du plus grand nombre possible d’exploitations viables. Plus concrètement, elle a abouti à faire prendre des mesures intéressant le domaine foncier (création de sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ayant pour objectif de limiter la hausse du prix de la terre et de favoriser la constitution d’exploitations viables), le domaine de la commercialisation des produits agricoles (création de groupements de producteurs), le domaine de la formation et de l’information des agriculteurs (groupements de vulgarisation par exemple).

G. R.

➙ Agriculture / Alimentation / Économique (science) / Élevage / Exploitation agricole / Intégration / Machinisme agricole / Paysans / Politique agricole / Rural (monde).

 R. Badouin, Économie rurale (A. Colin, 1957). / P. Fromont, Économie rurale (Libr. de Médicis, 1957). / J. Valarché, l’Économie rurale (Rivière, 1959). / J. Bonnamour, Géographie rurale. Méthodes et perspectives (Masson, 1973). / J. M. Cusset, Urbanisation et activités agricoles (Economia, 1975). / H. de Farcy, l’Espace rural (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1975).