Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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rugby (suite)

Dans l’hémisphère Sud, où une tournée, surtout en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud, est un événement national, les Européens ont eu une bien mince réussite depuis le début du siècle. Les Lions britanniques (sélections de l’ensemble des équipes britanniques) ont dû attendre 1971 en Nouvelle-Zélande pour réussir leur première tournée victorieuse dans l’hémisphère austral. Ce succès fut l’œuvre d’une très forte ossature galloise, notamment en lignes arrière, où le capitaine J. Dawes était encadré par G. Edwards, B. John, G. Davies, J. Bevan, J. Williams et deux autres attaquants fameux, l’Irlandais M. Gibson et l’Anglais D. Duckham. Sur leur lancée et sous la direction irlandaise de l’entraîneur Syd Millar et du capitaine W. J. McBride, en 1974, les Lions allaient battre enfin les Springboks en Afrique du Sud avec trois victoires et un match nul dans la série des tests.

Les Français ont fait sensation sur les terrains secs d’Afrique du Sud par leurs victoires de 1958 et de 1964 sous la conduite respectivement de L. Mias et de M. Crauste. En revanche, ils ont manqué leurs tournées de 1961 et de 1968 sur les pelouses grasses de l’humide Nouvelle-Zélande.

Les rares confrontations All Blacks-Springboks ont toujours été des événements majeurs, car, le plus souvent, elles ont décidé de la suprématie mondiale. Chacun des deux colosses est resté maître chez lui, l’Afrique du Sud en 1928, en 1949, en 1960 et en 1970, la Nouvelle-Zélande en 1921, en 1956 et en 1965. Une seule fois, l’un deux a gagné à l’extérieur, la fameuse équipe des Springboks de P. J. Nel, qui, en 1937, défit les All Blacks par deux tests à un.

Avec l’ère de l’aviation à réaction, les grandes tournées rarissimes ont tendance à se transformer en de nombreuses tournées plus courtes.


Le rugby dans le monde

Sport d’essence et d’esprit britanniques, le rugby a, bien entendu, fait souche dans l’ancien Empire britannique. C’est pourquoi, en dehors des sept nations majeures regroupées dans l’International Board, Angleterre, Écosse, Irlande, pays de Galles, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, il est assez prospère aux îles Fidji, à Ceylan et au Canada. Il s’est aussi développé dans les pays d’Europe continentale tels que la France, la Roumanie, l’Allemagne, l’Espagne, la Tchécoslovaquie et, depuis les années 60, en U. R. S. S., mais aussi en Argentine, à Madagascar et au Japon. Son essor reste limité en dehors des pays de tradition, parce que le rugby est un sport difficile, qui doit se pratiquer dans un esprit véritablement loyal et amateur.

Le rugby à treize

Il s’appelle jeu à treize en France, car le gouvernement s’est fixé comme règle de n’accorder sa délégation de pouvoir qu’à une seule fédération par sport. Pourtant, à l’échelon international, la différence entre les deux codes se fait par la désignation Rugby Union (XV) et Rugby League (XIII). Les deux jeux appartiennent bien à la même famille. La séparation se fit d’ailleurs non pas sur le plan technique, mais sur le plan moral.

À la fin du siècle dernier, la popularité du rugby dans le nord de l’Angleterre, et plus particulièrement dans les comtés du Yorkshire et du Lancashire, conduisit ses dirigeants à demander, en même temps d’ailleurs que ceux du football, l’autorisation de verser des indemnités aux joueurs pour le temps de travail perdu. La Football Association accepta la création de clubs professionnels. En revanche, la Rugby Union décréta que le rugby devait rester essentiellement amateur. Les clubs du Nord, mis en minorité, décidèrent de rompre en 1893 et fondèrent la Northern Rugby Union, qui devint la Rugby Football League en 1895. Ce n’est qu’en 1906, pour accélérer le côté spectaculaire du jeu, que le nombre des joueurs fut réduit à 13, tandis que, pour des raisons identiques, les coups de pied en touche furent supprimés et que la mêlée remplaça la touche pour une remise en jeu, puisque le plus clair du temps la touche, très confuse, devait être remplacée par une mêlée. De même, c’est pour donner plus de clarté au jeu que, lors d’un placage, la mêlée ouverte qui suivait fut remplacée par un « tenu » où le joueur plaqué se relevait immédiatement et jouait la balle lui-même, sans qu’il y ait arrêt de jeu. Plus que toutes les autres retouches, cette règle du « tenu » donna au rugby à treize son caractère de jeu rapide, rude et exigeant.

C’est aussi sans doute ce caractère très viril qui a empêché son développement. Très puissamment installé dans le nord de l’Angleterre et en Australie, le rugby à treize n’a pu jeter que deux têtes de pont : l’une en Nouvelle-Zélande et l’autre dans le sud de la France, après que J. Galia eut profité de la rupture franco-britannique pour lancer le nouveau style en 1934. Attirant rapidement les meilleurs joueurs, le mouvement treiziste menaça d’emporter un rugby orthodoxe mis en quarantaine. Sans la guerre, puis un décret d’interdiction prononcé en 1941 par le gouvernement de Vichy, la Ligue française de rugby à treize eût peut-être supplanté la Fédération française de rugby. Relancé à la Libération sous le qualificatif de jeu à treize, le mouvement treiziste connut une grande popularité dans les années 50 grâce aux succès de l’équipe de France en Australie lors des tournées de 1951 et de 1955, avec de grands joueurs comme Puig-Aubert, V. Cantoni, R. Contrastin, J. Merquey, J. Crespo, J. Dop, R. Duffort, etc. Par la suite, il connut un déclin, et, fait curieux, ce rugby de réforme a gardé sa vitalité dans les provinces de ce que l’on appela l’« hérésie cathare ».

À partir de 1954, à l’initiative de la France, fut créée une Coupe du monde opposant l’Australie, la France, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande, et qui a vu les succès de la Grande-Bretagne (1954, 1960, 1972) et de l’Australie (1957, 1968, 1975).

H. G.

 R. Poulain, le Rugby (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1966). / H. Garcia, le Rugby (la Table ronde, 1963) ; la Fabuleuse histoire du rugby (O. D. I. L., 1973). / R. Castagnon, Tout le rugby (Bornemann, 1976).