Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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rugby (suite)

Si le football se pratiquait différemment d’une école à l’autre, il y avait tout de même des racines communes. Comme dans la soule, c’était avant tout une lutte furieuse dans de gigantesques mêlées pour gagner la balle et l’envoyer dans un but ou au-dessus d’une barre. La progression se faisait généralement par un déplacement de la mêlée ou par des coups de pied, mais le ballon était repris à la main. Les parties pouvaient durer plusieurs jours.

Rugby allait devenir, grâce à son nouveau terrain appelé le Bigside, une école au football réputé. Cette tendance fut encouragée par un des directeurs de l’école Thomas Arnold, qui voulait réserver au sport une place capitale dans son système d’éducation.

Selon les résultats d’une enquête faite en 1895 sur l’origine du football à Rugby, un certain William Webb Ellis, en 1823, fut le premier à courir avec le ballon à la main vers le but adverse, ce qui allait donner au football de Rugby son originalité. La règle ne fut admise que plus tard et de façon progressive ; elle était très naturelle, puisque c’était là une pratique normale, tant dans la soule que dans le football ancien disputé à travers les rues et les champs. Les règles traditionnelles, transmises oralement dans chaque école, furent, pour la première fois, écrites à Rugby en 1846. Cette innovation accrut encore l’influence de Rugby dans le développement du football en Angleterre, de nombreuses écoles adoptant son code de football avec la venue d’anciens élèves de Rugby.

Deux tendances divisaient le football anglais au milieu du xixe s. L’une avait Rugby comme chef de file et défendait le jeu traditionnel, rude et parfois même violent, avec ses placages et ses énormes mêlées où il était permis de se donner des coups de pied jusqu’à hauteur des genoux et des coups de poing. L’autre était inspirée par Charterhouse, école qui, n’ayant qu’un cloître pour terrain d’exercice, avait édulcoré le jeu en développant les dribbles au pied. Charterhouse affermit sa position en fixant ses règles par écrit en 1861.

Le développement des rencontres entre les clubs fit apparaître la nécessité urgente d’unifier les règles. Après l’échec d’une première conférence des grandes écoles à Cambridge, neuf clubs londoniens fondèrent en 1863, à la Freemasons Tavern, la Football Association. Les règles étaient beaucoup plus proches du rugby-football que du moderne football-association, mais, avec l’adhésion rapide de nouveaux membres, les tenants de la rudesse furent bientôt mis en minorité. Dès décembre 1863, les fidèles du football traditionnel, tel que le défendait Rugby, quittèrent la Football Association. Celle-ci s’orienta rapidement vers la popularisation du jeu qui devait porter son nom, en supprimant la complexité et la rudesse du vieux football. Longtemps appelé Association, ce jeu fut nommé Soccer dans les pays de langue anglaise.

Le rugby-football fit son unité. Initialement, le but était de relever un défi écossais et de sélectionner une équipe d’Angleterre pour le premier match international à Édimbourg. Puis ce besoin d’unité dépassa ce simple match et, en 1871, fut fondée la Rugby Football Union, qui fixa des règles officielles.

Cette unification du jeu permit une rapide expansion dans ce qui était alors l’Empire britannique. Des unions régionales ou nationales furent fondées en Écosse (1873), en Australie (1875), en Irlande (1879), en Nouvelle-Zélande (1879), au pays de Galles (1880) et en Afrique du Sud (1889).

En France, les premières manifestations du rugby furent le fait de résidents anglais au Havre en 1872. De là, le jeu gagna Paris, où de jeunes Britanniques commencèrent à jouer au bois de Boulogne en 1877. Les premiers clubs omnisports, le Racing-Club de France (1882) et le Stade français (1883), ne comptèrent une équipe de rugby que plus tard. En 1885, le Paris Rugby Football Club, club franco-britannique éphémère, fit une tournée en Angleterre. Les premières équipes furent pourtant des équipes scolaires. Dès 1890, lorsque le rugby fut admis par l’Union des sociétés françaises des sports athlétiques, qui régit l’ensemble du sport français de 1887 à 1920, eut lieu le premier championnat de France scolaire. Puis, avec la création d’équipes de rugby au Racing et au Stade français, l’U. S. F. S. A. organisa le premier championnat de France — en un seul match opposant les deux clubs — en 1892. Les contacts avec les clubs britanniques se multiplièrent après le match à Paris de Rosslyn Park contre le Stade français (1892).

L’implantation du rugby en province suivit rapidement, notamment à Bordeaux. La réputation du Stade bordelais obligea l’U. S. F. S. A. à étendre le championnat de France en 1899 avec une finale opposant le champion de Paris à celui des départements, finale remportée d’ailleurs par les Bordelais. L’importance du rugby parisien décrut sous la poussée provinciale. De nombreux champions britanniques servirent de chefs de file. Le caractère du jeu trouva un excellent terrain dans le tempérament des habitants au sud de la Loire. C’est en Occitanie que le rugby est implanté le plus solidement, et ce dès avant la Première Guerre mondiale, avec la montée, aux côtés de Bordeaux, de Toulouse, de Bayonne, de Perpignan, de Tarbes, etc.

Les contacts fréquents avec les clubs britanniques firent accomplir de rapides progrès au rugby français. La tournée de la Nouvelle-Zélande en Europe fut l’occasion du premier match international en 1906 au parc des Princes, à Paris. Toujours en 1906, l’Angleterre établit des rencontres avec l’équipe de France ; elle fut suivie par le pays de Galles en 1908, l’Irlande en 1909 et l’Écosse en 1910. Largement battus les premières années, les joueurs français affirmèrent leurs possibilités dès 1911 avec un premier succès (16-15), qui fit sensation, contre l’Écosse à Paris.


Les règles

Le rugby-football est un sport de combat, car la lutte pour la possession de la balle est la base même du jeu. Sport collectif par excellence, il a imposé la passe du ballon en arrière afin que la progression d’un camp soit le fait de la domination de l’équipe. Sport de masse, il a opposé tout d’abord des équipes mal définies, comptant 30, 40, voire 100 joueurs. Dans les premières règles (1871), le nombre des joueurs était de 20 par camp. En 1875, les universités le réduisirent à 15, chiffre adopté en 1877 par la Rugby Union.