Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

L’équipement hydro-électrique des rivières carpatiques doit augmenter la part de l’électricité hydraulique, puisque 10 p. 100 seulement de la capacité sont utilisés. Le versant oriental des Carpates offre les neuf dixièmes du potentiel. Après les centrales de la Bistriţa ont été construites celles de l’Argeş, celles de l’Olt (22 centrales prévues). Mais la plus grande réalisation a été celle des Portes de Fer, la plus puissante centrale d’Europe, équipée pour moitié avec la Yougoslavie et qui fournit annuellement 5 TWh. On envisage la construction d’une autre centrale roumano-yougoslave, Djerdap II, en aval de la première, celle d’une centrale commune avec la Bulgarie à Islaz-Somovit et, encore plus en aval, une ou plusieurs centrales danubiennes.

Sur le plan des réalisations nucléaires, l’aide technique a été demandée à l’U. R. S. S., aux États-Unis ou à l’Europe occidentale. Il est probable que la première usine sera localisée entre Bucarest et le Danube.

Ainsi se dessine une politique nationale de l’énergie faiblement intégrée à celle du Comecon. La Roumanie est un exportateur de courant en direction de la Hongrie et de la Slovaquie.

• Les autres branches. Les grandes industries se situent d’abord dans les bassins traditionnels : la sidérurgie à Reşiţa et à Hunedoara, la métallurgie non ferreuse modernisée à Baia Mare, une usine géante de tracteurs et de camions à Braşov (accompagnée d’une usine de roulements à billes qui assure les trois quarts de la production roumaine). Viennent ensuite les nouveaux foyers industriels créés par le régime : le combinat chimique de Tîrgu Mureş, les industries légères de Iaşi (textiles, antibiotiques, alimentation), les combinats chimiques de Borzeşti et de Gheorghe Gheorghiu-Dej ou de Săvineşti, les nouvelles créations de Craiova (machines et locomotives ; combinat chimique), l’autre gros combinat d’engrais de Turnu Măgurele sur le Danube, ceux d’aluminium de Slatina et de Tulcea, l’usine de montage automobile de Piteşti. Mais les deux exemples les plus frappants sont ceux de Bucarest et de Galaţi. À Bucarest dominaient les branches textiles et alimentaires. Or la capitale devient un centre d’industries mécaniques (le tiers de la production nationale), pharmaceutiques (les deux tiers), polygraphiques (les trois quarts), chimiques (15 p. 100). À Galaţi, dès 1960, on a projeté un combinat à cycle complet recevant son minerai de fer pour partie de Krivoï-Rog, pour partie, par le Danube et Constanţa, d’Algérie, de Mauritanie et du Brésil. La production a dû atteindre 5 Mt en 1975. Plus de 30 000 ouvriers seraient affectés au combinat. Par la construction d’un nouveau port au confluent du Siret, les effets d’amont et d’aval, notamment dans le port proche de Brăila, Galaţi apparaît comme un foyer moteur de l’industrie lourde.


Les ouvertures extérieures

Depuis 1961, la part de l’U. R. S. S. dans la production a sensiblement diminué. L’appel à l’aide technique de firmes étrangères s’est accru dans le cadre de la modernisation et de la qualité de la production. L’indépendance à l’égard de la grande voisine s’est affirmée. La Roumanie est un des pays socialistes qui font le plus appel à l’Occident. Sans doute, la part des pays du Comecon reste-t-elle encore importante ; la Roumanie dépend de l’U. R. S. S. en matière de navigation fluviale et d’approvisionnements en matières premières. Sans doute, également, a-t-elle conclu de nombreux accords, surtout avec les pays socialistes industrialisés. La part du bloc socialiste ne fléchira pas au cours du quinquennat actuel ; un oléoduc ravitaillant la Bulgarie doit traverser le territoire roumain. Mais ces aides ou avantages ne s’obtiennent plus sans contrepartie, et c’est pourquoi la Roumanie traite avec les autres pays socialistes sur un pied d’égalité, les mettant en concurrence avec les pays occidentaux sur le plan des prix et de la qualité technique. Contrairement à d’autres États du même bloc, elle a gardé des rapports commerciaux et culturels avec l’Albanie et surtout avec la Chine.

La place du commerce extérieur avec les pays capitalistes croît chaque année au moins en volume. La R. F. A. est, après l’U. R. S. S., le second fournisseur du pays et le premier client parmi les pays de l’Ouest.

L’Italie, avec laquelle les Roumains ont des liens de parenté, arrive au troisième rang dans l’ensemble. La Grande-Bretagne et la France sont à peu près sur un pied d’égalité. La France exerce une influence culturelle, mais les échanges économiques restent limités, faute de complémentarité dans les productions. Toutefois, les deux pays ont formé des institutions communes : une banque mixte franco-roumaine, une commission commune pour l’exploration des marchés et l’aide technique au tiers monde. Renault a enlevé le marché de l’usine de montage automobile de Piteşti. Une entreprise française a monté la centrale thermique géante de Craiova ; Pechiney a construit la nouvelle usine d’aluminium de Slatina. La Société nationale industrielle aérospatiale (S. N. I. A. S.) livre des pièces d’hélicoptères. On pourrait multiplier de tels exemples.

Les rapports avec la Yougoslavie sont d’ordre politique : les dirigeants se rencontrent fréquemment, et l’inauguration du barrage commun des Portes de Fer s’est faite solennellement.

De nouveaux rapports s’établissent avec les pays éloignés, tels que le Brésil, l’Espagne, malgré l’antagonisme idéologique. Le Japon participe à la fondation d’usines modernes (plastiques ou aluminium). La Roumanie accorde de plus en plus son aide aux pays sous-développés au Moyen-Orient, au Maghreb, en Inde, envoyant matériel et experts.


L’indépendance

Cette volonté d’indépendance est sans doute due à la profonde originalité du peuple roumain, îlot de Latins au milieu des Slaves, aux conquêtes de l’U. R. S. S. et à l’exploitation par celle-ci du pays (placé un certain temps parmi les ennemis de l’U. R. S. S.). Elle a été avivée par le plan dit « Valev », qui prévoyait la supranationalité d’une région comprenant sans doute une portion de la Bessarabie et de la Bulgarie, mais surtout un large territoire roumain, celui des plaines, à tel point que l’existence du plan a dû être démentie par les Soviétiques. Elle s’est exprimée lors des sessions du Comecon, en particulier à Bucarest en 1971, où sont apparues des divergences entre la Roumanie et le reste du bloc. Elle se manifeste par des réticences marquées, par des refus, mêmes temporaires, d’adhésion aux organismes du Comecon, telle la Banque internationale d’investissements. Elle se concrétise par des demandes d’adhésion ou de participation à d’autres organismes internationaux comprenant une majorité de pays « capitalistes ». Ainsi la Roumanie a-t-elle été admise parmi les membres du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) dès 1971. En 1972, elle a demandé à la C. E. E. de bénéficier, comme pays encore peu développé, du régime dit des « préférences généralisées ». En septembre de la même année, elle a demandé à faire partie, seul pays socialiste avec la Yougoslavie, du Fonds monétaire international (F. M. I.) et de la Banque mondiale. Elle est autorisée depuis 1971 à bénéficier de crédits publics des États-Unis accordés par la Banque dite « export-import ». Toutes ces tentatives sont fort mal accueillies par l’U. R. S. S., mais la Roumanie est un des pays non « occupés » par les troupes soviétiques.