Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

L’archéologie assyrienne

C’est par les tells du « triangle assyrien » que débuta au milieu du xixe s. la redécouverte du monde oriental antique. Les sites de Ninive, de Khursabād et de Nimroud furent explorés par les Français P. E. Botta, V. Place, F. Fresnel et J. Oppert, les Anglais A. H. Layard, H. C. Rawlinson, W. K. Loftus et G. Smith. Les Allemands, dirigés par W. Andrae, explorèrent de façon approfondie le site d’Assour de 1903 à 1914. Le chantier de Ninive fut rouvert de 1927 à 1932 par les Anglais, et, entre 1928 et 1935, l’Oriental Institute de Chicago reprit l’étude de Khursabād. En 1949, et pour une quinzaine d’années, le fouilleur anglais M. E. L. Mallowan a recommencé l’exploration de l’antique Nimroud. Enfin, dans le désert, tell al-Rimah est en cours d’étude sous la direction de D. Oates. Le Service des antiquités d’Iraq, outre diverses fouilles, a entrepris des travaux de restauration.


Assour

Les longues années de fouille sur ce site ont permis de tracer le plan de la ville avec ses deux enceintes et son quai construit le long du Tigre. Des monuments dégagés, il faut retenir les palais : l’ancien (début du IIe millénaire), qui resta en usage malgré des transformations importantes jusqu’à la fin du même millénaire ; le nouveau, qui fut édifié plus à l’ouest par Toukoulti-Ninourta Ier (1246-1209), tandis que l’ancien se muait en nécropole royale, où cinq sarcophages de pierre ont été retrouvés. Les monuments religieux furent encore plus importants. La grande ziggourat de la ville, dédiée d’abord à Enlil, puis à Assour, se dressait entre le palais et le temple d’Assour. Le sanctuaire double d’Anou et Adad comportait deux ziggourats, l’une pour le dieu de l’Orage Adad, l’autre pour Anou, dieu du Ciel. Le temple double de Sin et Shamash ainsi que le temple d’Ishtar ont un plan de type sumérien (trois nefs parallèles avec entrée sur le long côté) qui se distingue du type assyrien (une cella précédée d’une ante-cella dans l’axe de la porte) et qui connut en deux mille ans d’existence de multiples avatars : enfin, le Bît Akitou du dieu Assour, où se déroulaient les festivités du nouvel an, se dressait à l’extérieur de l’enceinte.


Ninive

L’occupation du site remonte au VIe millénaire. Son histoire reste obscure jusqu’à la construction d’un palais par Toukoulti-apil-ésharra Ier (Téglat-phalasar Ier) [1115-1077]. Ce n’est cependant qu’au viie s. que la ville devint un grand centre avec la construction du palais de Sin-ahê-érîba (Sennachérib) [705-680], orné de bas-reliefs de première importance. Assour-bân-apli (Assourbanipal) réutilisa ce palais et en construisit un autre, lui aussi pourvu de beaux orthostates sculptés et d’une bibliothèque de 5 000 textes, dont l’apport fut considérable pour l’assyriologie. Deux temples, l’un dédié à Nabou et l’autre à Ishtar, ont été identifiés. D’importants travaux d’art, dont il reste les piliers de l’aqueduc de Djerwan, furent réalisés pour alimenter la ville en eau.


Nimroud (anc. Kalhou)

C’est un site exclusivement assyrien. Fondée au xiiie s. par Shoulmân-asharêdou Ier (Salmanasar Ier), peuplée de Babyloniens déportés, la cité de Kalhou devint au ixe s. la capitale de l’empire par la volonté d’Assour-nâtsir-apli II (Assour-Nasirpal II). Au moins six palais et plus de quatre temples occupèrent l’acropole de la cité, dominée par une ziggourat dédiée à Ninourta. En outre, un immense palais-arsenal fut édifié par Shoulmân-asharêdou III (Salmanasar III) [859-824] à l’extérieur de l’acropole, dans l’angle sud-est de l’enceinte ; partiellement fouillé, il se distingue des autres palais par l’importance des ateliers et des magasins dépendant de l’arsenal. Parmi les importantes découvertes de Nimroud, il faut signaler un lot d’ivoires sculptés d’origine phénicienne et syrienne.


Khursabād

C’est un cas exceptionnel : située un peu au nord de Ninive, à proximité du Tigre, la ville fut fondée par Sargon II vers 717, sous le nom de Dour-Sharroukên, pour être sa capitale, puis fut abandonnée après sa mort en 705. Son existence éphémère n’ôte cependant rien à la majesté des restes et met en évidence, bien au contraire, la puissance temporelle des souverains assyriens, capables d’ériger en un temps record un ensemble aussi monumental. Une enceinte de tracé à peu près trapézoïdal enfermait la ville, avec au nord-ouest la citadelle et au sud un second palais d’importance moindre. La citadelle comporte sur une terrasse le palais royal et, au nord-ouest, une ziggourat et un complexe sacré où six divinités étaient adorées. En contrebas s’étendaient un autre sanctuaire sur terrasse, dédié à Nabou et relié au palais de Sargon par un accès direct composé d’un pont de pierre en encorbellement, ainsi qu’un groupe de résidences secondaires dont les destinataires sont inconnus, sauf pour l’une d’entre elles, destinée au frère de Sargon.


Aspects de l’art

Les Assyriens furent de grands bâtisseurs, et il n’est d’ailleurs pas exclu que le goût immodéré des souverains pour les constructions palatiales ait joué, par l’absorption continuelle des forces vives, un rôle important dans l’écroulement brutal de l’Empire assyrien. Cette architecture ne pouvait atteindre à l’effet recherché que par l’adjonction d’un décor. En effet, le matériau de base, la brique crue, de couleur grise et terne, ne peut donner naissance qu’à des édifices de forme parallélépipédique simple. L’effet esthétique obtenu pouvait ne pas manquer de force, mais il convenait d’égayer l’ensemble et de masquer le gros œuvre par un décor plaqué, destiné à faire des temples et des palais un sujet d’émerveillement.

Vraisemblablement, des boiseries et des tentures couvraient les murs intérieurs des salles, mais rien n’en a été retrouvé. En revanche, d’autres modes de décor nous permettent de juger l’art assyrien. Ce sont, tout d’abord, des peintures murales : les fouilles du xxe s. ont prouvé que les Assyriens ont largement pratiqué cette technique, héritée des peuples de l’Euphrate ; des éléments en ont été retrouvés en particulier à Khursabād (Résidence K), à Nimroud et à Assour, mais le plus bel ensemble provient d’un palais assyrien fort éloigné cependant de l’Assyrie proprement dite, puisqu’il est situé à Til Barsip, sur le haut Euphrate. Cent trente mètres de murs ainsi décorés y ont été retrouvés ; des copies ont pu être levées, mais les fragments conservés sont rares. Pour les façades, un autre effet de polychromie pouvait être obtenu par l’utilisation de briques émaillées ; celles-ci ajoutaient une grande variété de couleurs aux jeux de lumière, d’une beauté sobre, mais parfois très sèche, obtenus par l’alternance de redans et de saillants (façade des temples à Khursabād).