Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

Le seul problème est celui des Magyars, qui ont colonisé la Transylvanie au temps de la double monarchie, qui ont gardé leur langue et leur culture et qui forment des groupes compacts importants, comme dans la région de Tîrgu-Mureş ou de Cluj. Avec 1 600 000 personnes, ils représentent 8 p. 100 de la population totale. Les premières années du régime avaient accordé aux Hongrois des privilèges de minorités : université double à Cluj ; autorisation de parution de tous les instruments de la culture, dont la presse ; autonomie de l’ancienne région magyare du Mureş (Mureş-Autonomă Maghiară). Depuis 1956, après que les Hongrois de Roumanie ont pris fait et cause pour la révolution de Budapest, certains avantages ont été supprimés. Mais l’amalgame se produit avec les mariages mixtes (bien que les Hongrois soient catholiques et les Roumains orthodoxes), le service militaire, les mutations et les migrations socio-professionnelles. Les Magyars constituent une partie des cadres, surtout à Bucarest, où ils sont plusieurs centaines de milliers.

Enfin, la Roumanie est le seul pays de l’Est qui conserve une assez forte minorité allemande, bien que celle-ci soit tombée de 740 000 avant la guerre à 380 000 en 1966 : descendants des « Saxons » formant les garnisons de Siebenbürgen (Transylvanie) et des agriculteurs arrivés dans la seconde moitié du xviiie s., les Allemands ne constituent pas un ensemble homogène ; ils n’ont pas joué, comme ailleurs, le rôle d’une « cinquième colonne ». Ils ont leurs écoles et leur presse, et leur présence n’est plus un problème.

Le cas des Roumains à l’étranger est plus épineux. En 1940, les accords Hitler-Staline ont cédé à l’U. R. S. S. les territoires formant désormais la république de Bessarabie*, qui compte près de 3 millions de ressortissants parlant la langue roumaine, malgré la russification. En même temps a été cédé à la Bulgarie le fameux « quadrilatère » de la Dobroudja. Il existe un irrédentisme sans doute discret, mais vigilant, qui explique en particulier l’évolution récente des relations avec l’U. R. S. S. 


L’économie

Il existe une certaine contradiction entre l’organisation de l’économie et la politique extérieure. À l’intérieur, la planification reste fortement centralisée, et la politique suivie (nationalisations, collectivisation) semble calquée sur l’U. R. S. S. (plans quinquennaux depuis 1966). Un plan à long terme fixe des objectifs en matière d’électrification. Une réforme a été introduite au cours des dernières années, mais progressive et timide, avec une certaine priorité accordée au groupe B des industries, la création de « centrales industrielles » groupant horizontalement des industries complémentaires, la dévolution d’une indépendance en matière de prix, d’intéressement et de relations extérieures à certaines entreprises, un certain avantage accordé à ce qui reste du secteur privé, une participation plus souple aux décisions locales, l’élimination des entreprises non rentables. Mais, dans l’ensemble, avec la priorité accordée aux industries lourdes, et la toute-puissance du parti, on peut affirmer que la Roumanie est demeurée un des plus orthodoxes des États socialistes.

Il est vrai qu’en un quart de siècle le pays est passé d’un stade agro-pastoral à un stade industriel, malgré les archaïsmes qui subsistent. La part de 50 p. 100 de la production industrielle dans la production totale a été franchie au cours du plan de 1966 à 1970 (contre moins de 30 p. 100 avant 1940), les branches de transformation de matières premières s’étant accrues plus encore que celles des combustibles et de l’énergie. La Roumanie occupe le cinquième rang dans le monde pour le gaz naturel, un des tout premiers pour l’équipement pétrolier et les dérivés chimiques du naphta et du gaz. Au cours de la période de 1951 à 1970, la croissance annuelle du revenu national a été de 9,4 p. 100 par an, et celle de l’industrie d’environ 12 p. 100. Le revenu par tête s’élèverait à 1 000 dollars en 1974. On mesure l’ampleur des efforts accomplis.


Les secteurs


L’agriculture

Elle représente une branche originale par les formes et les rythmes de la collectivisation des terres. Les premières années d’après guerre ont vu l’application des mesures classiques : confiscation des terres incultes et des grands domaines de boyards, distribution de petits lots aux millions de paysans sans attelage et sans terre. Les domaines de plus de 50 ha furent confisqués (un million et demi d’hectares en tout). C’est pourquoi la part du secteur d’État, comprenant des domaines de production, des stations expérimentales et des écoles, est ici plus élevée qu’ailleurs (près de 30 p. 100). Ces grands domaines, bien dotés, s’étendent sur des centaines ou des milliers d’hectares dans le Banat, l’Olténie, la Valachie, la Dobroudja. Ensuite, la collectivisation se heurta à la résistance des paysans moyens des collines, des pasteurs de la montagne, et l’on inventa une forme souple, appelée d’un terme qui signifie « compagnonnage » ; celle-ci se développa à partir de 1952, et atteignit un maximum d’extension en 1959 ; elle a presque complètement disparu de nos jours, faisant place à des coopératives de type socialiste, qui couvrent presque les deux tiers de la surface agricole, mais qui admettent, selon les régions et les cultures, des formes diverses qui sont loin d’évoquer le kolkhoze. De plus, les districts montagnards ont gardé de un tiers à un quart de leurs superficies en lopins, ou exploitations individuelles. 1962 a vu l’achèvement de la collectivisation, mais, depuis, bien des formes de coopératives se sont assouplies, et la mécanisation a chassé vers l’industrie et la ville de nombreux anciens paysans.

L’originalité réside également dans l’extension des grands travaux de bonification : conservation du patrimoine forestier par l’enrésinement et la plantation ; lutte contre l’érosion des sols, qui ravage le tiers du territoire ; technique des écrans forestiers de protection dans la Dobroudja (mais leur action est contestée) ; dessalement de sols alluviaux ou de régions endoréiques ; assainissement de terrains inondables (œuvre qui est loin d’être achevée, puisque les inondations de 1970 ont provoqué d’immenses ravages) ; fixation des dunes mouvantes dans le Banat et le delta ; enfin et surtout irrigation de sols qui reçoivent à peine 500 mm d’eau (la superficie irriguée de 40 000 ha avant la guerre doit atteindre maintenant le million d’hectares). Des rizières et des terrains maraîchers sont déjà arrosés. Des périmètres ont été délimités dans la Baltă, la Dobroudja et l’Olténie. La FAO ainsi que la Compagnie nationale d’aménagement de la région du Bas-Rhône et du Languedoc (C. N. A. R. B. R. L.) apportent leur aide. À l’heure actuelle, la répartition des zones irriguées reste encore trop dispersée.