Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Roumanie (suite)

La colonisation massive et organisée de la nouvelle province au moyen d’éléments romains ou romanisés, l’usage généralisé de la langue latine, imposée comme unique moyen d’expression, l’assimilation, par la population conquise, de la civilisation romaine, qui représentait un échelon de développement supérieur — tous ces faits ont eu pour résultat la romanisation des Daces et la constitution d’une population daco-romaine, l’élément de base du processus d’ethnogenèse du peuple roumain.

Après que l’administration et l’armée romaines se sont retirées au sud du Danube (en 271), la population daco-roumaine, conservant son intégrité ethnique, poursuit sans interruption, sur ce même territoire, ses anciennes occupations — l’agriculture et l’élevage du bétail — et reste du point de vue politique, économique et culturel dans la sphère d’influence de l’Empire romano-byzantin.

Durant le millénaire qui sépare le retrait de l’administration impériale de Dacie et la formation des États féodaux roumains, le territoire de la Dacie est parcouru par les vagues successives des populations germaniques, slaves et touraniennes temporairement établies en ces lieux et partiellement assimilées par la masse des autochtones. Pendant cette période se forment le peuple roumain et sa langue, processus parachevé à la fin du xe s. Le roumain est, par son origine, par sa structure et par son vocabulaire, une langue romane, la seule héritière directe du latin parlé dans les provinces balkaniques de l’Empire romain. À partir du xe s., les habitants de l’ancienne Dacie sont mentionnés dans les diverses sources historiques sous le nom de Vlahi, ou Valahi. Au cours de cette période apparaît également le début de la constitution d’un État des Roumains de Transylvanie* (contrée graduellement conquise par le royaume de Hongrie* au cours des xe - xiiie s.)


Naissance des États roumains

À la suite de circonstances favorables sur le plan intérieur (affermissement des rapports féodaux) aussi bien que sur le plan extérieur (anarchie féodale dans le royaume hongrois, affaiblissement politique et militaire de la Horde d’Or), l’État féodal de Valachie* (ou Ţara Românească) prend naissance au sud des Carpates au début du xive s., par la réunion des formations politiques sises sur les deux rives de l’Olt. L’unification se produit sous Jean Basarab, ou Basarab Ier (v. 1322-1352). L’indépendance du nouvel État est consacrée par la victoire remportée à Posada (1330) sur Charles Ier Robert, roi de Hongrie. À l’est des Carpates, le groupement des petites formations politiques (apparues du xe au xive s.) donne lieu à la création de l’État féodal de Moldavie* (1359) sous Bogdan Ier (1359-1365), qui, au cours des années suivantes, repousse les tentatives réitérées faites par le royaume hongrois en vue d’instaurer de nouveau sa domination sur la Moldavie.

La formation des États féodaux de Valachie et de Moldavie — résultat d’un processus ininterrompu et de longue durée — représente un moment de la plus haute importance dans l’histoire de la Roumanie.

L’évolution historique du peuple roumain au cours du Moyen Âge porte l’empreinte de son morcellement en trois formations politiques (Valachie, Moldavie, Transylvanie), dont les deux premières sont indépendantes, alors que la Transylvanie, sous le commandement du voïvode, se trouve rattachée au royaume hongrois tout en disposant d’une certaine autonomie. Au cours des siècles, les trois pays maintiennent entre eux de solides liens.

Les plus importants parmi les successeurs de Basarab Ier et de Bogdan Ier — Mircea le Vieux (1386-1418) en Valachie et Alexandre Ier (le Bon) [1400-1432) en Moldavie — parachèvent l’organisation politique et institutionnelle des deux pays.

En Transylvanie, les Roumains constituent la majeure partie de la classe des serfs, qui, côte à côte avec les serfs hongrois, se soulèvent plus d’une fois contre leurs maîtres féodaux. C’est ainsi qu’éclatent la grande révolte de Bobîlna (1437-38) et la guerre des paysans de 1514, conduite par Gheorghe Doja et qui gagne aussi les régions orientales de la Hongrie. Aux xive et xve s., les États féodaux roumains combattent les tendances expansionnistes des royaumes hongrois et polonais, et, après avoir triomphé, reprennent une longue lutte contre les Ottomans* pour la sauvegarde de leur existence d’États indépendants. Dans cette lutte s’illustrent : en Valachie, Mircea le Vieux, qui, en 1394, remporte la victoire de Rovine sur l’armée turque conduite par Bayezid Ier lui-même, puis Vlad l’Empaleur, (1456-1462 et 1476) ; en Moldavie, Étienne III le Grand (1457-1504), prince régnant qui, en 1475, à la bataille de Vaslui, est vainqueur d’une puissante armée turque commandée par Soliman Pacha ; en Transylvanie, le voïvode Jean (János) Hunyadi*, vainqueur du sultan Mehmed II à Belgrade (1456). La puissante expansion ottomane, que marquent la conquête des cités danubiennes de Turnu, de Giurgiu, de Brăila, etc., la transformation de l’État tatare de Crimée en un État vassal de l’Empire ottoman en 1475, l’effondrement de la Hongrie après la bataille de Mohács, en 1526, obligent les trois pays roumains à accepter la suzeraineté turque ; ils conservent pourtant une existence indépendante, et ne sont pas transformés en pachaliks.

Les xvie et xviie s. représentent une période d’intensification de l’exploitation fiscale et seigneuriale. C’est ainsi que les gros terriens féodaux obtiennent dans les trois pays la suppression du droit de déplacement des paysans : en Transylvanie dès 1514, en Valachie en 1595 et en Moldavie, par une série d’édits, dès la première moitié du xviie s.

Au xvie s., la Transylvanie devient une principauté autonome (1541). En Moldavie, Jean le Vaillant (1572-1574) essaie de reconquérir l’indépendance du pays, tandis que Michel le Brave, prince régnant de Valachie (1593-1601), remporte sur les Turcs plusieurs victoires, dont la plus éclatante est celle de Călugăreni (1595). La place toute particulière que ce prince occupe dans l’histoire du peuple roumain est due à l’union politique de la Valachie, de la Moldavie et de la Transylvanie sous un seul sceptre, réalisée pour la première fois par lui en l’an 1600. Au xviie s. et au début du xviiie s., il convient de signaler les règnes de Matei Basarab (1632-1634), de Şerban Cantacuzène (1678-1688) et de Constantin Brîncoveanu (1688-1714) en Valachie, ceux de Basile le Loup (1634-1653) et de Dimitrie Cantemir (1710-11) en Moldavie, ce dernier jouant un rôle de premier plan dans la lutte ayant pour objet de soustraire le pays à la domination ottomane ainsi que dans le développement de la culture nationale.