Rouen (suite)
De l’ancien château capétien, bâti sous Philippe Auguste, ne demeure que la tour Jeanne-d’Arc. Le palais de l’archevêque conserve une façade du xve s. Le plus important monument civil de la ville reste l’ancien palais de l’Échiquier, plus tard parlement de Normandie et maintenant palais de justice. La dentelle de pierre des parties hautes de sa façade mêle des éléments flamboyants aux premiers motifs décoratifs de la Renaissance, dans un style comparable à celui de Roulland Le Roux pour le tombeau du cardinal d’Amboise. À l’aube de la Renaissance, Rouen dépense d’ailleurs sans compter pour ses monuments. C’est alors qu’est construite la ravissante façade de Saint-Maclou, avec son porche à cinq pans surmontés de gables. Les vantaux des portes ont parfois été attribués à Jean Goujon*, auteur incontesté des colonnes qui soutiennent la tribune d’orgue. Près de l’église s’élèvent les anciennes galeries du charnier, dites « aître Saint-Maclou », dont les piliers de bois sont sculptés d’une danse macabre. De la même époque datent les églises Saint-Godard et Saint-Patrice et aussi le Gros-Horloge, placé en 1527 dans le beffroi de la fin du xive s. Au début du xvie s., on construisit encore l’hôtel de Bourgtheroulde, dont le corps de logis avec sa tourelle d’escalier paraît encore médiéval, tandis que l’aile gauche avec ses baies surbaissées et ses frises sculptées représente le style de la Renaissance. La plupart des maisons à pans de bois qui subsistent dans la vieille ville appartiennent aussi à cette époque, de même que la Fierté Saint-Romain, curieux monument de dévotion.
C’est au milieu du xvie s. que Masséot Abaquesne se fit connaître par ses carrelages décorés, ouvrant la voie aux célèbres productions de faïences* de Rouen, consacrées en 1644 par le privilège accordé à Nicolas Poirel pour les décors blanc et bleu. Edme Poterat et son fils Louis lui succédèrent et se lancèrent dans les pièces de grandes dimensions. À la fin du xviie s. apparut le rouge, puis l’ocre-jaune et, vers 1725, l’ocre niellé. Le musée des Beaux-Arts présente des œuvres caractéristiques, qui permettent de suivre l’évolution du décor, le style rayonnant avec ses larges bordures qui rappellent parfois des dentelles, le style rocaille, auquel contribua l’artiste Jean-Baptiste Guillibaud, avec une polychromie plus variée, une recherche d’asymétrie et des décors dits « au carquois » ou « à la corne », ce dernier montrant des fleurs et des oiseaux qui s’évadent d’une corne d’abondance. Vers la fin du xviiie s. apparut l’imitation des fleurs peintes à l’émail sur porcelaine, mais tout cet art fut bientôt ruiné par les exportations britanniques.
Au xviie s., les Jésuites établirent à Rouen un collège, devenu le lycée Corneille, un des édifices de l’époque classique avec l’hôtel de ville et l’hôtel Dieu. L’église Saint-Romain est l’ancienne chapelle des Carmes ; élevée au xviie s., elle abrite des vitraux Renaissance qui ne lui étaient pas destinés. Une partie des autres richesses artistiques de Rouen est conservée dans les musées. Le musée des Antiquités, dans l’ancien couvent des Visitandines, abrite la mosaïque romaine de Lillebonne, mais aussi des souvenirs de maisons rouennaises. Le musée Le Secq des Tournelles est consacré à la ferronnerie et occupe l’ancienne église Saint-Laurent, du début du xvie s. Le musée des Beaux-Arts, outre ses faïences, possède une admirable collection de peintures où, à côté de Gérard David et de Vélasquez, figurent des artistes normands : Poussin* (Vénus et Énée), les Jouvenet*, les Restout*, Géricault*. La reconstruction et le développement de la ville depuis la Seconde Guerre mondiale apportent enfin une note contemporaine à cet ensemble, par exemple avec la préfecture et la tour des archives, achevées en 1965 par Raoul Leroy et Rodolphe Dussaux.
A. P.
Connaître Rouen (Soc. des amis des monuments rouennais, Rouen, 1970-1972 ; 27 fasc. / E. Chirol et A. Gasperini, Rouen (S. A. E. P., Ingersheim, 1972).