Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rouen (suite)

De l’ancien château capétien, bâti sous Philippe Auguste, ne demeure que la tour Jeanne-d’Arc. Le palais de l’archevêque conserve une façade du xve s. Le plus important monument civil de la ville reste l’ancien palais de l’Échiquier, plus tard parlement de Normandie et maintenant palais de justice. La dentelle de pierre des parties hautes de sa façade mêle des éléments flamboyants aux premiers motifs décoratifs de la Renaissance, dans un style comparable à celui de Roulland Le Roux pour le tombeau du cardinal d’Amboise. À l’aube de la Renaissance, Rouen dépense d’ailleurs sans compter pour ses monuments. C’est alors qu’est construite la ravissante façade de Saint-Maclou, avec son porche à cinq pans surmontés de gables. Les vantaux des portes ont parfois été attribués à Jean Goujon*, auteur incontesté des colonnes qui soutiennent la tribune d’orgue. Près de l’église s’élèvent les anciennes galeries du charnier, dites « aître Saint-Maclou », dont les piliers de bois sont sculptés d’une danse macabre. De la même époque datent les églises Saint-Godard et Saint-Patrice et aussi le Gros-Horloge, placé en 1527 dans le beffroi de la fin du xive s. Au début du xvie s., on construisit encore l’hôtel de Bourgtheroulde, dont le corps de logis avec sa tourelle d’escalier paraît encore médiéval, tandis que l’aile gauche avec ses baies surbaissées et ses frises sculptées représente le style de la Renaissance. La plupart des maisons à pans de bois qui subsistent dans la vieille ville appartiennent aussi à cette époque, de même que la Fierté Saint-Romain, curieux monument de dévotion.

C’est au milieu du xvie s. que Masséot Abaquesne se fit connaître par ses carrelages décorés, ouvrant la voie aux célèbres productions de faïences* de Rouen, consacrées en 1644 par le privilège accordé à Nicolas Poirel pour les décors blanc et bleu. Edme Poterat et son fils Louis lui succédèrent et se lancèrent dans les pièces de grandes dimensions. À la fin du xviie s. apparut le rouge, puis l’ocre-jaune et, vers 1725, l’ocre niellé. Le musée des Beaux-Arts présente des œuvres caractéristiques, qui permettent de suivre l’évolution du décor, le style rayonnant avec ses larges bordures qui rappellent parfois des dentelles, le style rocaille, auquel contribua l’artiste Jean-Baptiste Guillibaud, avec une polychromie plus variée, une recherche d’asymétrie et des décors dits « au carquois » ou « à la corne », ce dernier montrant des fleurs et des oiseaux qui s’évadent d’une corne d’abondance. Vers la fin du xviiie s. apparut l’imitation des fleurs peintes à l’émail sur porcelaine, mais tout cet art fut bientôt ruiné par les exportations britanniques.

Au xviie s., les Jésuites établirent à Rouen un collège, devenu le lycée Corneille, un des édifices de l’époque classique avec l’hôtel de ville et l’hôtel Dieu. L’église Saint-Romain est l’ancienne chapelle des Carmes ; élevée au xviie s., elle abrite des vitraux Renaissance qui ne lui étaient pas destinés. Une partie des autres richesses artistiques de Rouen est conservée dans les musées. Le musée des Antiquités, dans l’ancien couvent des Visitandines, abrite la mosaïque romaine de Lillebonne, mais aussi des souvenirs de maisons rouennaises. Le musée Le Secq des Tournelles est consacré à la ferronnerie et occupe l’ancienne église Saint-Laurent, du début du xvie s. Le musée des Beaux-Arts, outre ses faïences, possède une admirable collection de peintures où, à côté de Gérard David et de Vélasquez, figurent des artistes normands : Poussin* (Vénus et Énée), les Jouvenet*, les Restout*, Géricault*. La reconstruction et le développement de la ville depuis la Seconde Guerre mondiale apportent enfin une note contemporaine à cet ensemble, par exemple avec la préfecture et la tour des archives, achevées en 1965 par Raoul Leroy et Rodolphe Dussaux.

A. P.

 Connaître Rouen (Soc. des amis des monuments rouennais, Rouen, 1970-1972 ; 27 fasc. / E. Chirol et A. Gasperini, Rouen (S. A. E. P., Ingersheim, 1972).

Rouergue

Ancien pays du midi de la France (v. Aveyron).


Pays des Ruteni, le Rouergue eut des comtes à partir du ixe s. ; ces derniers firent place aux comtes de Rodez (xie s.), dont les domaines furent réunis à la Couronne par Henri IV (1607).

La région, aujourd’hui un peu à l’écart des grandes voies, fut certainement un lieu de passage très important à l’époque romane pour les contacts artistiques entre l’Auvergne* et le Languedoc*.

Le monument le plus représentatif de ce temps est l’ancienne abbatiale de Conques, qui conserve encore, à côté de l’église, une partie de son cloître et son incomparable trésor. L’histoire de Conques est d’ailleurs révélatrice des problèmes de communication de la région. Le monastère, dont l’existence est attestée sous Louis le Pieux, vivait chichement. En 866, un moine réussit à enlever d’Agen les restes de sainte Foy et à les rapporter à Conques. Ces reliques attirèrent les pèlerins et assurèrent ainsi la fortune de l’abbaye. L’église est un superbe monument roman de la seconde moitié du xie s. et du début du xiie, qui s’apparente à l’architecture religieuse de l’Auvergne tout comme aux grandes églises de pèlerinage du type de Saint-Sernin de Toulouse*. Son chevet combine un plan en échelon avec un déambulatoire à chapelles rayonnantes. La nef assez courte s’élève audacieusement avec ses vastes tribunes. Une tour-lanterne éclaire la croisée du transept. Toute l’église est voûtée et de nombreux chapiteaux sculptés ornent les piles. Des grilles romanes en fer forgé ferment le sanctuaire. Le portail occidental donne à la sculpture romane du Rouergue une importance considérable, car son tympan, qui représente le Jugement dernier, est l’un des plus grands qui nous soient parvenus. Les scènes traitées dans un fort relief, avec des figures trapues et un sens très vif de l’animation, sont séparées par des bandeaux couverts d’inscriptions gravées. C’est sans doute dans cette œuvre que se voient le mieux les liens du Rouergue avec les régions voisines et même, au-delà, avec le centre de pèlerinage de Compostelle. Le trésor de Conques est l’un des plus précieux de France et permet de se faire une idée de la richesse des anciennes abbayes. La statue reliquaire de sainte Foy, assise en majesté, en or recouvert de pierreries, d’intailles et de camées, est la pièce la plus spectaculaire, mais elle ne doit pas faire négliger le reliquaire de Pépin d’Aquitaine, celui de l’abbé Bégon, les autels portatifs, le coffre de sainte Foy, œuvres exécutées pour la plupart à la demande des abbés de Conques et dues à des orfèvres locaux ou de passage.