Sculpteur français (Lyon 1695 - Londres 1762).
L’origine familiale de Roubillac (ou Roubiliac, ou Roubilliac) n’est pas connue, pas plus qu’on ne sait comment se révéla sa vocation ni comment il quitta sa ville natale. On le dit élève de Balthasar Permoser (1651-1732) de Dresde, sculpteur de l’Électeur de Saxe, et du Lyonnais Nicolas Coustou*. Le choix de ce dernier maître rattache Roubillac au courant rocaille, dont la dynastie Coysevox-Coustou a été le précurseur dans la sculpture française et que lui-même illustrera avec tant de brio.
Une tradition rapporte qu’il vient en Angleterre dès 1720. Peut-être a-t-il commencé son éducation à Paris avant de se fixer définitivement en Angleterre. Quoi qu’il en soit, le seul témoignage précis concernant sa formation artistique est le second prix de sculpture que lui décerne l’Académie royale de peinture et sculpture en 1730 pour un groupe Daniel sauve la chaste Suzanne comme on la condamnait à la mort. Cette distinction tardive, que Roubillac reçut à trente-cinq ans, ne lui ouvrait certes pas une carrière brillante en France ; il n’est donc pas surprenant qu’il se soit expatrié.
Roubillac est remarqué par sir Robert Walpole, Premier ministre de George II et père du chroniqueur Horace Walpole. La protection de l’homme politique lui procure diverses commandes, alors qu’il travaille sous la direction de Henry Cheere, qui dirige un important atelier de statues de jardin et exécute plusieurs tombeaux. Mais bientôt Roubillac s’établit à son compte. Son œuvre est surtout composée de bustes, de portraits en pied et de monuments funéraires, dont plusieurs à l’abbaye de Westminster. Un de ces derniers fonde sa réputation : représentant le duc d’Argyll, l’adversaire de Walpole, étendu près d’un canon, soutenu par la Renommée et entouré de plusieurs figures allégoriques, il suscita la vive admiration de Canova*.
Dans une production abondante à la chronologie encore mal établie, citons le monument du duc et de la duchesse de Montagu à Warkton (Northamptonshire), d’une magnificence forcée ; la statue de Newton à Cambridge (Trinity College), où les contemporains ont admiré, plus que la résurrection d’un génie, l’habileté du sculpteur à simuler les étoffes ; le monument de Händel à Westminster ; la statue de Shakespeare (British Museum), marbre commandé par le célèbre acteur David Garrick et daté de 1758.
Une œuvre résume les qualités et les défauts de Roubillac : le monument de lady Elizabeth Nightingale à Westminster, qui témoigne d’un surprenant goût du mouvement et du drame, desservi par une virtuosité touchant à l’indiscrétion, avec ses détails anatomiques implacables, son marbre aminci au point d’en devenir translucide, ses formes trop divisées.
Dans les années 1750, la renommée du sculpteur est sans égale en Angleterre. Pourtant, le goût du retour à l’antique commence à se répandre, et Roubillac lui-même est pris, à cinquante ans, du désir tardif de visiter l’Italie. Son voyage très rapide (en 1752) le montre indifférent à la sculpture antique de Rome, mais grand admirateur du Bernin*.
Malgré sa réputation, Roubillac laisse peu d’élèves, et, quand, en 1768 — six ans après sa mort — est fondée la Royal Academy, deux sculpteurs seulement y siègent auprès de trente-huit peintres.
Définir Roubillac comme le restaurateur de la sculpture en Angleterre est sans doute excessif, car ce pays possédait des praticiens honnêtes et avait bénéficié du passage d’artistes étrangers ; le Flamand Jan Michieil Rysbrack (1694-1770) y fit carrière. Mais Roubillac, servi par une nature fantasque et nerveuse, introduisit le « goût français », l’esprit rocaille qui casse les lignes, déchiquette les contours, accumule les motifs pleins de sinuosités et adjoint à la sculpture tout l’attirail pittoresque d’accessoires chaotiques issu de l’art décoratif.
M. L.
K. A. Esdaile, The Life and Works of Louis François Roubillac (Oxford, 1928).