Rothschild (suite)
Du xixe au xxe siècle mutations et permanences
James meurt en 1868, un an après la défaite des Pereire. Son frère de Londres, Nathan, disparu en 1836, est sans doute celui qui a réalisé la plus grande fortune ; en 1835 par exemple, à la faveur de la guerre carliste, il s’est rendu acquéreur des mines de mercure d’Almadén en Espagne, indispensables à l’affinage des métaux précieux.
Avec Alphonse (1827-1905) à Paris, Lionel (1808-1879) à Londres, Carl (1820-1886) à Francfort et Anselm (1803-1874) à Vienne, la troisième génération des Rothschild, bien assimilée dans chaque pays, maintient des liens familiaux et économiques étroits. Mais on ne peut plus parler de « politique Rothschild ». À partir des années 1880, la maison doit faire place à d’autres banques ; elle se bornera à bien administrer une fortune dès lors parfaitement assise. Si les branches de Naples et de Francfort disparaissent respectivement en 1860 et en 1901, celles de Paris, de Londres et de Vienne (qui se terminera en 1931) se consolident.
Alphonse de Rothschild, régent de la banque de France en 1855, réalise de gros bénéfices lors du premier emprunt de deux milliards de francs (contribution de guerre imposée par l’Allemagne après la défaite de la France) en juin 1871, enlevé par la maison de Paris. Cette opération provoque la fureur des banques d’affaires et de dépôts, évincées, qui signent un véritable traité (août 1871) : il leur permet de participer à l’emprunt complémentaire de trois milliards de juillet 1872, pour lequel les Rothschild sont obligés de leur faire place. Mais il faut dire que les Rothschild sont parvenus à faire séduire l’indemnité de guerre et à en assurer le paiement. Alphonse est associé dans la banque à ses frères Gustave (1829-1911) et Edmond (1845-1934), qui sera un des plus fervents promoteurs du sionisme*.
À Londres, Lionel, sollicité par Disraeli, permet en 1875 à la Grande-Bretagne de racheter les actions sur Suez du khédive Ismā‘īl d’Égypte, ce qui est à l’origine de l’impérialisme anglais en Égypte et sur la route des Indes. Les Rothschild d’Angleterre soutiennent également la politique de Cecil Rhodes* en Afrique du Sud et la compagnie minière De Beers, qu’il a fondée ; la puissance de la branche anglaise va de pair avec la prépondérance de la Grande-Bretagne sur le reste du monde à cette époque de l’histoire.
La maison de Paris, qui sera dirigée successivement par Édouard (1868-1949, fils d’Edmond) et par Robert (1880-1946, fils de Gustave), puis par Guy (fils d’Édouard), et les deux fils de Robert, Alain et Élie, constitue le point de départ de la formation de multiples sociétés qui ont pour but l’exploitation du pétrole des pays africains (Sahara, Gabon et Cameroun) et des mines de fer de Mauritanie. La vieille Compagnie du chemin de fer du Nord, qui a donné naissance à la Société d’investissements du Nord, reste un des pivots de leur puissance financière.
P. R.
E. C. Corti, Das Haus Rothschild (Leipzig, 1928, 2 vol. ; trad. fr. la Maison Rothschild, Payot, 1922-30, 2 vol.). / M. E. Ravage, Five Men of Frankfort. The Story of the Rothschilds (Londres, 1929 ; trad. fr. Grandeur et décadence de la maison Rothschild, A. Michel, 1931). / B. Gille, la Banque et le crédit en France de 1815 à 1848 (P. U. F., 1959) ; Recherches sur la formation de la grande entreprise capitaliste (S. E. V. P. E. N., 1959) ; Histoire de la maison Rothschild (Droz, Genève, 1965-1967 ; 2 vol.). / J. Bouvier, les Rothschild (Club fr. du livre, 1960 ; nouv. éd., Fayard, 1967). / F. Morton, Rothschilds, a Family Portrait (New York, 1962 ; trad. fr. les Rothschild, Gallimard, 1962).