Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roosevelt (Theodore) (suite)

En 1886, de retour à New York, il brigue la fonction de maire, échoue et devient commissaire fédéral à la fonction publique. En 1895, il est nommé chef de la police new-yorkaise : les trafics d’influence ne manquent pas et, pour qui veut assainir le climat de la vie politique, la tâche est considérable. Mais Roosevelt l’exerce peu de temps : l’accession de McKinley à la présidence (1897) lui permet d’obtenir un poste important, celui de secrétaire adjoint à la Marine ; Roosevelt, fidèle lecteur et admirateur de l’amiral Alfred Thayer Mahan (1840-1914), est satisfait.

En 1898, la guerre éclate avec l’Espagne : les États-Unis viennent au secours des Cubains et affirment clairement leur volonté de jouer le premier rôle dans les Antilles et même dans le Pacifique. Roosevelt ne résiste pas à l’appel des armes : il démissionne, lève avec le futur général Leonard Wood (1860-1927) un régiment de volontaires, les Rough Riders (les rudes cavaliers), et prend part à la charge sur la colline de San Juan. Son exploit est abondamment rapporté ; dès lors, et jusqu’à sa mort, il est « le colonel ». De retour de guerre, il se fait élire gouverneur de l’État de New York. Il entreprend des réformes dans l’administration de l’État ; les professionnels du parti s’inquiètent d’autant plus qu’ils n’ont jamais beaucoup apprécié ce personnage remuant, peu soucieux des règles du jeu politique. Ils conçoivent un projet qui vise à diriger le bouillant « Teddy » sur une voie de garage : McKinley, qui n’a rien à refuser à la « machine » de New York, ferait équipe avec lui au cours des élections de 1900 ; bloqué dans les fonctions de vice-président, Roosevelt ne nuirait plus à personne. Le stratagème ne réussit pas : McKinley est certes réélu, mais il est assassiné en septembre 1901. Theodore Roosevelt, le « cow-boy », comme on aime à le désigner dans l’entourage du défunt, devient président des États-Unis.


Le président

On s’aperçoit bien vite que Theodore Roosevelt n’a rien d’un idéologue ; il sait que, pour gouverner, il a besoin de l’appui des membres de son parti, tout spécialement de la vieille garde, qui ne veut aucun changement brutal. Pourtant, le pays bouge : le mouvement progressiste remet en question les valeurs de la société, exige un renouveau de la vie politique et économique. Le président agit avec prudence, surtout avant que sa victoire électorale de 1904 lui donne le droit d’exercer pleinement et sans scrupule ses hautes fonctions.

Ses aspirations personnelles et l’esprit du temps le poussent à renforcer le pouvoir exécutif. Le service public, le haut commandement de l’armée, la marine sont réorganisés et deviennent plus efficaces. Dans la tradition de Lincoln, Roosevelt s’affirme le leader. Il défend l’intérêt national contre la diversité des intérêts spéciaux. C’est ainsi qu’il prend la tête, sur les conseils de son forestier, Gifford Pinchot (1865-1946), d’une croisade pour la conservation des ressources naturelles ; malgré les protestations et les manœuvres des spéculateurs de l’Ouest, il met en réserve des millions d’acres de forêts et sensibilise l’opinion du pays à l’idée d’une défense de la nature. Il fait aussi contrôler plus étroitement la préparation des denrées alimentaires, tout particulièrement l’abattage du bétail. Il renforce les pouvoirs de la Commission du commerce entre les États et fait voter une loi en 1906 qui réglemente l’activité des chemins de fer. En 1903, il a créé, au sein du cabinet, un département du Travail et du Commerce, dont un service, le Bureau des sociétés commerciales, procède à des enquêtes. Pourtant, sa politique à l’égard des trusts n’est nullement négative : il fait la différence entre les « bons » et les « mauvais » trusts. Si en 1902 il a empêché la fusion entre la United States Steel Corporation et une compagnie ferroviaire, la Northern Securities, il se garde bien de détruire toutes les grandes compagnies et encore plus de soutenir inconditionnellement les revendications ouvrières. « En somme, dit-il, il s’agit simplement de traiter chaque homme, riche ou pauvre, selon ses mérites et de donner le sentiment que la Maison-Blanche, qui est propriété de la nation, traite de la même manière tous les citoyens honorables de la nation. »

Sa politique extérieure ne contredit pas son passé de Rough Rider. Il s’empare en 1903 du projet de canal à travers l’isthme de Panamá et contribuera à la réussite de l’entreprise. Il déclare aux républiques d’Amérique latine que les États-Unis font la police sur tout le continent, qu’ils actionnent le « gros bâton » : c’est le corollaire de la doctrine de Monroe*. Il impose aux Russes et aux Japonais sa médiation en 1905, ce qui lui vaut le prix Nobel de la paix. Il envoie un observateur à la conférence d’Algésiras en 1906. À l’égard du Japon, il se montre à la fois souple et prêt à utiliser la force. Bref, Roosevelt satisfait ceux des progressistes qui désirent donner à leur pays une place de premier plan dans le monde.

Avant de quitter la Maison-Blanche, Roosevelt a choisi son successeur. Mais William Howard Taft, à la présidence (1909-1913), ne tarde pas à redonner le pouvoir à la vieille garde. Roosevelt rentre alors dans le combat politique ; il fait éclater le parti républicain, forme en 1912 le parti progressiste et défend un programme de nouveau nationalisme. Les démocrates profitent de la division de leurs adversaires, et Wilson* succède à Taft ; les républicains sont condamnés à refaire leur unité. Roosevelt continue de nourrir les projets les plus ambitieux ; il exhorte le gouvernement fédéral à préparer la guerre contre l’Allemagne ; en 1917, il propose de lever et de commander une division de volontaires ; sans relâche, il critique la politique du président Wilson. Il meurt le 6 janvier 1919, quelques mois avant le débat de ratification du traité de Versailles et du pacte de la Société des Nations — deux projets qu’il n’aurait pas manqué de combattre avec son énergie habituelle.

A. K.

➙ Démocrate (parti) / États-Unis / Républicain (parti).

 R. Hofstadter, The American Political Tradition and the Men who made it (New York, 1948 ; trad. fr. Bâtisseur d’une tradition, Seghers, 1965). / G. E. Mowry, The Era of Theodore Roosevelt (New York, 1958).