Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rome (suite)

Carlo Rainaldi (1611-1691), sans avoir le génie des deux grands maîtres du baroque romain, bâtit une des églises les plus intéressantes tant par son plan compliqué que par le jeu subtil des colonnes et des pilastres sur sa façade : Santa Maria in Campitelli. La même inspiration heureuse se retrouve à la façade de Sant’ Andrea della Valle ; Rainaldi aménagea aussi les trois rues qui confluent à la piazza del Popolo.

Pierre de Cortone ne fut pas seulement peintre, mais architecte distingué, comme on peut le constater dans son chef-d’œuvre, Santi Luca e Martina, près du Forum romain, une église à plan en croix grecque, aux lignes merveilleusement équilibrées et à la façade savamment orchestrée avec ses deux ordres superposés. Sur le Corso, la façade à loggia de Santa Maria in Via Lata est aussi très originale, avec un lointain souvenir palladien. Quant aux mouvements contrastés, convexe et concave, que Cortone imagina pour Santa Maria della Pace, ils confèrent un charme délicieux à toute la petite place qui se cache non loin de la place Navone.

Dans ce xviie s. si fécond qui transforma, transfigura pourrait-on dire, Rome, il ne faut pas oublier de mentionner la diversité des talents, l’activité des peintres notamment : le Dominiquin, le Guerchin (v. académisme), Giovanni Lanfranco (1582-1647), artistes que l’on accusait naguère de grandiloquence, mais qui ont été remis récemment à leur vraie place, et toute la cohorte des étrangers qui commencent à choisir Rome comme lieu de travail, ainsi des caravagesques comme le Français le Valentin*. À côté se développe un courant classicisant dont le chef de file est un autre peintre d’origine française, Poussin*. À cette tendance apaisée se rattache en sculpture l’art d’un Algarde*, que l’on a pu opposer au Bernin et dont le grand bas-relief de la Rencontre de Léon Ier et d’Attila, à Saint-Pierre, est célèbre, et l’art d’un Duquesnoy*, originaire de Bruxelles, mais parfaitement « romanisé » (Sainte Suzanne à Santa Maria di Loreto).

Ce xviie s. fut si brillant, si profond, si divers, il modela de façon si puissante et définitive la figure de Rome qu’on a eu tendance à considérer avec quelque dédain les compléments et les retouches du xviiie s. Aujourd’hui, on rend mieux justice à l’art des successeurs du Bernin, qui ajoutèrent une note de grâce à un urbanisme toujours épris d’effets scénographiques. De cette époque a malheureusement disparu le grand port de Ripetta sur le Tibre, mais il nous reste le vertigineux escalier montant de la place d’Espagne vers la Trinité-des-Monts, de Francesco De Sanctis (1723 à 1726), et la délicieuse petite place Saint-Ignace aménagée devant la façade de la grande église homonyme par Filippo Raguzzini (1727-28), transposition pleine de charme d’un décor de théâtre. Le settecento voit le règne de la musique, de l’opéra, du mélodrame, et les architectes reçoivent d’ailleurs commande de salles de spectacles : le teatro Valle, le teatro Argentina par exemple. Quant à la place de Trevi, n’est-ce pas un décor de féerie, peuplé de divinités d’opéra, de chevaux de joutes nautiques, le tout animé en permanence par l’eau transparente qui cascade et bouillonne, se détachant sur la grande architecture d’ordre colossal conçue en 1732 par Nicola Salvi ? Aujourd’hui encore, cette place et cette immense fontaine sont un des lieux les plus séduisants de Rome. Les Florentins Ferdinando Fuga (1699-1781) et Alessandro Galilei (1691-1736) furent les architectes les plus marquants de cette époque : le premier édifia une façade noble et élégante pour Sainte-Marie-Majeure, la façade grandiose du palais Corsini sur la Lungara et l’harmonieuse petite église de l’Orazione e Morte, près du palais Farnèse ; le second remporta le concours ouvert pour la façade de Saint-Jean-de-Latran. Le puissant portique qu’il conçut est digne du grand baroque du siècle précédent et de la basilique vénérable dont la nef avait été rhabillée par Borromini. Piranèse*, interprète en tant que graveur des antiquités de Rome, créa pour le prieuré de Malte une église (Santa Maria del Priorato) et, pour les abords, un décor qui avoue et annonce un certain romantisme, que l’on retrouve chez des peintres comme Giovanni Paolo Pannini (1691-1765).

L’emprise du baroque reste très vivace jusqu’à la fin du xviiie s., et l’on peut même se demander s’il y a eu un rococo romain, en quel cas la gracieuse église Sainte-Marie-Madeleine par Giuseppe Sardi en serait le meilleur exemple et, en ce qui concerne l’architecture civile, le palais Doria-Pamphili par Gabriele Valvassori. S’il y a décadence, c’est plutôt dans le domaine de la peinture qu’on le ressent ; la grande manière de P. de Cortone, du père A. Pozzo, du Baciccia n’est plus de mise, et Rome n’a pas eu la chance d’avoir un Tiepolo. La sculpture, cependant, est honorablement représentée par des artistes comme Camillo Rusconi, Pietro Bracci, Filippo Della Valle et aussi par des étrangers. Français surtout, Pierre Legros, Étienne Monnot (apôtres de Saint-Jean-de-Latran), Michel-Ange Slodtz*, fidèles les uns et les autres à la leçon du Bernin, et il faudra attendre Canova*, dont l’activité fut particulièrement féconde à Rome, pour que tout change. L’architecte Giuseppe Valadier (1762-1839) fut le premier artisan du nouveau visage de la Rome moderne. Parmi ses grands aménagements urbains, le plus spectaculaire est la piazza del Popolo, admirablement encadrée par les rampes qui montent au Pincio. Rome fut, en fait, un des principaux laboratoires du néo-classicisme (v. classicisme).


L’époque contemporaine

Le xixe s. mérite peu d’attention. La campagne de construction qui suivit la proclamation de Rome comme capitale du royaume comprenait des bâtiments officiels et pompeux pour loger ministères et banques, sans style bien défini. Rome éclata alors en dehors de ses limites du temps de Sixte Quint. Malheureusement, le cœur monumental de la ville fut trop souvent atteint par des initiatives fâcheuses. Celle qui se voit le plus, le monument de Victor-Emmanuel-II, pour lequel on détruisit le vieux quartier montant au Capitole, ressemble à une gigantesque machine à écrire et fait verrue aussi bien sur le visage de la Rome antique que sur celui de la Rome de la Renaissance et du baroque.