Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rome (suite)

La continuité de la tradition paléochrétienne s’est manifestée dans la construction des églises, la plupart du temps basilicales, avec des nefs scandées de colonnes et plafonnées, avec des absides voûtées précédées d’un arc triomphal (v. basilique). Les arcades remplacèrent de très bonne heure les architraves, comme à Sainte-Sabine, construite sous le pape Célestin Ier (422-432). Des campaniles furent élevés auprès, surtout à partir du xie s. ; Rome en compte plus d’une trentaine. L’un des plus connus, celui de Sainte-Marie-in-Cosmedin, date du xiie s. ; l’église elle-même remonte à la fin de l’Antiquité, modifiée au viiie s. par l’adjonction de deux absides latérales, puis en grande partie reconstruite au début du xiie s. De l’époque paléochrétienne encore datent en partie Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Marie-Majeure, très remaniées, Sainte-Agnès, le baptistère du Latran, Saint-Étienne-le-Rond. Au ixe s. remontent Sainte-Marie-in-Domnica et Sainte-Praxède. Au xiie s., outre l’église supérieure de Saint-Clément, il faut citer Sainte-Marie-du-Transtévère, Sainte-Françoise-Romaine, Saint-Laurent-hors-les-Murs. Rome ne compte qu’une église de style gothique, Sainte-Marie-de-la-Minerve, exception qui tient au fait que cette église conventuelle des Dominicains a été inspirée par une autre église de la même congrégation, celle de Sainte-Marie-Nouvelle à Florence.

Ces églises conservent parfois un beau mobilier. Les portes en bois de Sainte-Sabine, sculptées de scènes de l’Ancien Testament (ve s.), comptent parmi les œuvres les plus anciennes. De nombreux ciboriums, ou baldaquins d’autel, subsistent, certains ornés d’incrustations de marbres de couleur qui sont à rapprocher des pavements « cosmatesques ». Ces dallages polychromes d’origine byzantine furent introduits à Rome par les ateliers du Mont-Cassin et répandus par les marbriers et ornemanistes appartenant aux lignées des Cosmati (ou Cosma) et des Vassalletto. Sainte-Marie-in-Cosmedin, Saint-Clément, Sainte-Marie-du-Transtévère en possèdent de fort beaux. Le cloître de Saint-Jean-de-Latran en reprend avec élégance les procédés au xiiie s.

Le plus remarquable élément des vieilles églises romaines réside dans leur décor pictural, tantôt en mosaïque, tantôt à la fresque, car là, plus encore que dans l’architecture, s’est maintenue la tradition antique, qui se retrouvera à la Renaissance. Les mosaïques de Sainte-Marie-Majeure, par exemple, permettent de définir certains caractères de l’art paléochrétien. Celles qui couvrent les murs de la nef datent du milieu du ive s. et montrent des scènes de l’histoire d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Moïse et de Josué. On y remarque la liberté et le naturel des gestes et des mouvements, des notations de paysage et d’atmosphère qui créent un espace et une profondeur. Les mosaïques de la vie de la Vierge, sur l’arc triomphal, sont du ve s. et révèlent un autre aspect de l’art romain : la grandeur, la dignité calme, un sens monumental. Sous le pape Félix IV (526-530) a été placée la mosaïque absidiale de l’église des Saints-Cosme-et-Damien, qui représente le Christ descendant du ciel entre saint Pierre et saint Paul. La notion spatiale, le modelé, la majesté qui s’en dégagent différencient cette œuvre romaine des productions byzantines de Ravenne, plus hiératiques et irréelles. L’influence de Byzance s’est tout de même exercée à Rome, notamment quand la crise de l’iconoclasme chassa les peintres grecs vers l’Italie, au viiie s., et sous l’action de l’atelier bénédictin du Mont-Cassin, au xie s. Parfois, le courant byzantin a coexisté avec le courant antiquisant romain, comme dans les fresques de Sainte-Marie-Antique, qui s’échelonnent du vie au viiie s. ; parfois, les deux courants se sont mêlés pour engendrer des créations fécondes. À la fin du viiie s., le pape Léon III se fit représenter avec Charlemagne sur une mosaïque de son palais du Latran. Son successeur, Pascal Ier, fit exécuter de nombreuses mosaïques, qui prenaient pour modèle les mosaïques du vie s., à Sainte-Cécile, à Sainte-Praxède, à Sainte-Marie-in-Domnica. Le sens de la profondeur, la plasticité des œuvres paléochrétiennes s’atténuent dans ces compositions du ixe s., qui sont plus linéaires, mais la calme grandeur romaine y est bien présente.

Une autre grande période picturale se développe à partir de la fin du xie s. ; elle révèle une influence byzantine transmise par le Mont-Cassin, vite romanisée par la persistance du courant antique. Les peintures de la vie des saints Clément et Alexis dans l’église Saint-Clément ont une élégance et une délicatesse qui doivent quelque chose aux miniatures byzantines ; la mosaïque de l’abside, avec les colombes qui symbolisent les apôtres autour de la croix, marque un retour aux sources paléochrétiennes. Ces œuvres du xiie s., à Saint-Clément et aussi à Sainte-Marie-du-Transtévère, annoncent les mosaïques exécutées à la fin du xiiie s. par Iacopo Torriti pour Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Marie-Majeure et par Pietro Cavallini pour Sainte-Marie-du-Transtévère, dont la grandeur toute romaine préfigure la monumentalité de Giotto* et maintient l’héritage antique.

A. P.


Du xve s. à nos jours


La Renaissance

L’établissement de la papauté à Avignon au xive s., puis le Grand Schisme entraînèrent la décadence de Rome. Il faut attendre le milieu du xve s. et Eugène IV (1431-1447) pour qu’une vie artistique resurgisse vraiment. Le Florentin Filarete, appelé à Rome, sculpta en bronze les portes de Saint-Pierre, que le pape décida de reconstruire. D’autres artistes florentins, comme Donatello*, Alberti*, Fra Angelico*, firent des séjours prolongés pour répondre à des commandes pontificales. Le Lombard Andrea Bregno s’établit à Rome et emplit les églises de la Ville Éternelle de ses monuments funéraires et de ses sculptures. C’est à Antonio del Pollaiolo* que l’on s’adressa pour les tombeaux de Sixte IV et d’Innocent VIII, intéressantes étapes dans l’évolution de la sculpture funéraire.