Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

L’historien dispose aussi, pour reconstituer le lointain passé d’Assour, de la fameuse liste royale confectionnée par les scribes assyriens désireux de glorifier leur pays et leur dernière dynastie nationale. En tête de ce document, souvent obscur et tendancieux, viennent « dix-sept rois ayant habité sous la tente » : il ne s’agit pas d’une vraie dynastie, puisque aucun rapport de filiation n’est indiqué dans cette partie de la liste. On a supposé que ces personnages, difficiles à placer dans le temps, étaient des chefs de guerre élus ; l’esprit de cette institution aurait survécu dans celle des éponymes du royaume assyrien (le roi, à son avènement, puis chacun des grands officiers de la cour donnent successivement leur nom à une année du règne). Le séjour des premiers maîtres de la ville sous la tente montrerait la parenté entre les pasteurs de la steppe et les citadins, les uns et les autres parlant l’akkadien et adorant le dieu Assour.


Assour métropole commerciale (xxe s. - xviiie s.)

La liste royale énumère ensuite neuf rois à noms amorrites, dont nous savons par ailleurs qu’ils ont régné, après la chute de la IIIe dynastie d’Our, sans doute à Terqa (Tirqa), sur l’Euphrate moyen. Cette lignée royale n’est citée que parce que le dixième de ces princes va dominer Assour.

Après ces neuf rois amorrites, la liste royale indique une dynastie parallèle de vicaires (du dieu — le titre royal dans la ville du Tigre sera longtemps réservé à Assour). Ces princes, dont les premiers semblent contemporains de la chute de l’empire d’Our, portent des noms akkadiens (le dialecte assyrien étant un parler akkadien de type archaïque) ; ils ont, eux, réellement régné dans la cité du Tigre.

Certains d’entre eux ont présidé à l’essor commercial de leur État, dont un aspect, probablement le plus important, a été révélé par les fameuses tablettes de Cappadoce (lettres, contrats et pièces de comptabilité rédigés en assyrien et retrouvés par dizaines de milliers à Kanesh, en Anatolie centrale). À Assour, comme dans le reste de la Mésopotamie, les progrès du commerce s’affirment, alors que les marchands achèvent de se libérer de la tutelle des temples, dont ils avaient été autrefois les agents. Les commerçants assyriens profitent aussi de la faiblesse politique du palais, qui constitue une unité économique de même type que le temple, mais de taille plus réduite. L’autorité du vicaire est limitée par la municipalité d’Assour, qui est entre les mains d’une aristocratie d’éponymes, et le souverain semble surtout occupé à placer, comme ses sujets, ses capitaux dans le fructueux trafic avec l’Anatolie. Les marchands assyriens apportent en Cappadoce l’étain, qu’ils se procurent sans doute en Iran et qui permet la fabrication de bronze dans le district du Taurus, riche en cuivre ; de plus, ils ont obtenu des princes d’Anatolie centrale le monopole de la vente du cuivre local raffiné et ils placent en Cappadoce les tissus de qualité fabriqués en Mésopotamie ; enfin, ils prêtent à intérêt aux princes indigènes et à leurs sujets. Les Assyriens peuvent ainsi ramener dans leur patrie des quantités appréciables de bronze fabriqué dans la région du Taurus, d’argent et d’or extraits en Anatolie.

Comme les princes anatoliens trouvent toujours insuffisante leur part des bénéfices réalisés dans l’exploitation des gisements métalliques de leur pays, les marchands assyriens, pour leur résister, se sont groupés, dans chaque grande cité anatolienne, en chambres de commerce (kâroum), qui dépendent du kâroum central, situé à Kanesh ; ce dernier, qui arbitre les conflits entre commerçants et leur impose des règlements, reçoit ses instructions de la municipalité d’Assour. Cependant, la colonie assyrienne de Cappadoce n’a pas toujours pu résister à l’hostilité des rois des cités-États d’Anatolie centrale et de leurs sujets. Les fouilles de Kanesh montrent que le faubourg où les marchands se sont groupés est occupé par eux dans une première période qui va de 1920 à 1850 environ et se termine par une destruction générale ; puis, après une absence assez longue, la colonie assyrienne de Kanesh se reconstitue et reprend ses activités (v. 1800-1740), avant de disparaître dans un nouvel incendie, qui est dû probablement à une attaque des indigènes, mais qui coïncide avec une crise intérieure de l’État d’Assour.


La dynastie de Shamshi-Adad Ier à Assour (xixe - xviiie s.)

La lignée princière à noms akkadiens qui régnait à Assour est victime de l’instabilité politique qui sévit en Mésopotamie depuis la chute de la IIIe dynastie d’Our : de nouvelles bandes d’Amorrites ne cessent d’affluer au pays des Deux-Fleuves, et leurs chefs d’y fonder de nouveaux royaumes. Bon nombre des princes mésopotamiens du temps entreprennent de constituer un empire à partir de la ville dont ils sont rois, mais ils n’aboutissent au mieux qu’à des dominations éphémères.

Assour tombe entre les mains du plus brillant des aventuriers de cette époque troublée, Shamshi-Adad Ier (v. 1816-1783). Ce cadet de la dynastie amorrite de Terqa détrône le vicaire d’Assour et se constitue un vaste royaume de haute Mésopotamie, qui s’étend du Balīkh (Balîhou) et de l’Euphrate moyen au piémont du Zagros central. Assour n’est qu’une des grandes villes de cet État composite, dont le souverain réside de préférence au cœur de ses possessions, à Shoubat-Enlil. Dans la cité du Tigre, Shamshi-Adad Ier se dit « roi de l’univers », « vicaire d’Assour », « lieutenant d’Enlil » (le grand dieu de la basse Mésopotamie) : le conquérant amorrite prétend en effet à la domination sur la basse Mésopotamie, dont la civilisation, plus raffinée, pénètre de nouveau avec intensité à Assour au cours de ce règne.

L’empire de Shamshi-Adad Ier ne suivit pas à son fondateur : son fils aîné, Ishmé-Dagan Ier (v. 1783-1743) ne garde finalement que la cité-État d’Assour. Le long règne de cet Amorrite à nom assyrien, qui, comme son père, se dit roi, est fort mal connu : a-t-il été chassé d’Assour par Hammourabi de Babylone ou, au contraire, a-t-il été rétabli dans sa cité par le Babylonien ? Après lui, la liste royale place un certain nombre d’usurpateurs, et la colonie des marchands assyriens disparaît de Kanesh (v. 1740).