Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rome (suite)

L’histoire de Rome


Naissance de la ville

Rome prend naissance dans un décor de collines séparées par des vallons marécageux, dont certains sont parcourus par des ruisselets, affluents du Tibre (v. art. Rome [État]). D’agglomérat de villages devenue ville, elle bénéficie du Tibre, qui, médiocre pour la navigation, rend cependant, dans l’Antiquité, d’immenses services, vu le faible gabarit des navires d’alors. Les efforts des rois étrusques font de l’endroit une zone salubre, ce qui contrastera à travers les siècles avec les miasmes dangereux et l’aspect d’abandon de la campagne environnante. Il est de tradition de leur attribuer la « Cloaca maxima », le plus célèbre des égouts, qui va du Forum au Tibre ; ce qu’on en voit actuellement est une reconstruction postérieure ; c’était à l’origine un canal de drainage à ciel ouvert. De l’époque étrusque datent les premières constructions de pierre, le rempart dit « mur de Servius », dont les vestiges les plus connus correspondent en réalité à des réfections du ive s. av. J.-C., consécutives à l’invasion gauloise. L’aspect citadin que Rome acquiert à cette époque se complète par l’afflux de populations d’origine diverse, étrusque surtout, qui, se superposant à un fonds lui-même peu homogène, se livrent à des activités urbaines (artisanat et commerce). Dès le tournant des vie-ve s., le Capitole, foyer religieux avec son temple de Jupiter, et le Forum, place publique à tous usages, représentent le cœur de la ville, dont l’extension, cernée par le rempart et le pomoerium (ou pomerium), cette ligne sacrée en deçà de laquelle il est interdit d’ensevelir les morts, égale déjà la moitié de la future Rome impériale.


La capitale républicaine

Rome, devenue capitale d’une Italie romaine, reçoit un apport de population sans cesse croissant. Cet accroissement provoque l’utilisation du champ de Mars — ce vaste terrain disponible à l’ouest des murs — pour les grands rassemblements d’hommes, que le Forum ne peut plus contenir. Les temples s’édifient peu à peu : temples de Saturne, des Dioscures, de Cérès. L’invasion gauloise, destructrice, entraîne une reconstruction hâtive. Le plus ancien pont, le pont Sublicius, est édifié en bois, puis en pierre au début du ive s. av. J.-C. Au iiie s. av. J.-C. s’y ajoute le pont Milvius. La construction des routes qui rayonnent autour de Rome donne à la ville les moyens de circulation qui conviennent à son importance. L’intérieur de l’agglomération semble, au contraire, tassé et étriqué, sans artères larges, sans autres espaces dégagés que les forums, le Forum romanum, le vieux marché aux bestiaux (Forum boarium) et le marché aux légumes (Forum holitorium), tous deux près du Tibre. Un peu plus en aval, entre Tibre et Aventin, s’installent les entrepôts du commerce fluvial. La fondation d’Ostie crée un avant-port qui ne dispense pas du trafic par le fleuve. Un premier aqueduc, l’Aqua Claudia, amène une eau de source des environs de Préneste (auj. Palestrina). Le Grand Cirque, aménagé au flanc sud du Palatin, puis le cirque Flaminius, à l’entrée du champ de Mars, témoignent des réjouissances offertes aux foules par la classe dirigeante. Ce sont aussi les grandes familles qui construisent les basiliques qui portent leur nom, en bordure du Forum : basilique Porcia et basilique Aemilia.

Les grandes conquêtes ont leur retentissement sur la ville : celle-ci ne cesse d’embellir. Les rafles d’œuvres d’art lui permettent de se parer de nombreuses statues. Les esclaves de toute origine contribuent à faire naître un air d’exotisme. Si l’on a eu très peur quand Hannibal* était aux portes de Rome, on se rattrape ensuite : les humbles jouissent des spectacles que leur offrent les édiles et profitent de distributions ; la classe dirigeante des sénateurs et chevaliers se fait bâtir de somptueuses maisons sur le Palatin, aux abords des remparts, et de riches villae à Tusculum ou à Tibur (Tivoli). Le Quirinal, l’Esquilin et l’Aventin se peuplent.


La capitale impériale

À l’époque impériale, Rome apparaît tout à fait comme une grande métropole. Auguste* l’a divisée en quatorze régions, destinées à survivre à l’Antiquité et pourvues d’un système administratif dont la direction doit incomber à un préfet particulier, en raison des problèmes de la grande ville, qui ne se confond plus, comme dans l’ancien temps, avec l’État. Y sont casernées des troupes spéciales, les prétoriens, qui forment la garde de l’empereur, et les vigiles, qui font office de pompiers. L’Administration s’occupe des eaux et des travaux publics. Il faut tenir en respect la horde des esclaves. Enfin, et surtout, il y a l’assistance publique : l’annone. Celle-ci assure à la population de Rome, aux citoyens seulement, classe toujours privilégiée, des distributions gratuites de produits alimentaires ; l’État se charge de la réquisition dans les provinces, du transport et de la répartition entre 200 000 allocataires. Auguste ramènera ce nombre à 150 000. Le blé est la denrée essentielle (5 boisseaux par mois) ; plus tard, il s’y ajoute de la viande, de l’huile, du vin. Puis on remplace le blé par le pain. Enfin, tous les Romains deviennent citoyens, et l’institution prend progressivement l’allure d’une assistance aux pauvres. En outre, les empereurs distribuent occasionnellement des congiaires, gratifications en argent. Bref, le Romain est nourri. Il est de tradition aussi de le régaler de spectacles gratuits : panem et circenses. On comprend mieux alors le vide qui s’est fait dans les campagnes avoisinantes. La population comprend aussi, outre les esclaves, des affranchis ; les uns comme les autres sont de toute origine et de plus en plus souvent orientaux. Le cosmopolitisme se décèle par les noms des pierres funéraires, par la variété des cultes exotiques.

Au Haut-Empire, le million d’habitants paraît la moins improbable estimation de population. La congestion urbaine est manifeste : Horace décrit les encombrements ; la circulation des véhicules utilitaires est interdite de jour. Les emballages irrécupérables que sont les amphores cassées ont édifié près du Tibre une colline entière, le mont Testaccio.