Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

romantisme (suite)

John Nash*, connu pour son œuvre d’urbaniste à Londres, triomphe dans le mélange des exotismes — indien, mauresque, chinois — en élevant le Royal pavilion de Brighton (1815-1823). Son contemporain John Soane* est beaucoup plus original. Si ses agrandissements de la Banque d’Angleterre (auj. détruits) se caractérisaient par l’expression structurale la plus pure, sa propre maison, aujourd’hui musée, est un très curieux exemple d’architecture et de décor illusionnistes, jouant des distances à l’aide de variations de niveaux et de miroirs.

C’est en France que l’on peut trouver un pendant du style de Soane, dans ce que l’on nomme parfois l’architecture révolutionnaire — ou bien visionnaire* — et qui n’est pas seulement la conclusion du classicisme. Tout imprégnés de la philosophie de la nature, des architectes comme Étienne Louis Boullée et Claude Nicolas Ledoux retournent aux sources du classicisme, aux édifices antiques eux-mêmes, et en tirent les éléments de projets chimériques, tel celui de Boullée pour un cénotaphe en l’honneur de Newton. Les troubles politiques contribuèrent à la non-réalisation de la plupart de ces projets. Cependant, les constructions de Ledoux à Arc-et-Senans, comme son ouvrage l’Architecture considérée dans le rapport de l’art, des mœurs et de la législation (1804), nous rappellent que l’on travaillait alors à l’amélioration de la société avec une loi véritable dans un avenir ouvert par la science.

Sous la Restauration, le manque de possibilités financières réduisit beaucoup l’activité architecturale en France, et l’on termina nombre d’édifices classiques. Un architecte de Cologne (devenue le centre des études sur le gothique), François Chrétien Gau (1790-1853), éleva la première église néo-gothique de Paris, Sainte-Clotilde, peu avant que commençât la carrière de Viollet-le-Duc*. L’ensemble de Pieuvre néo-gothique en France est d’ailleurs insuffisamment étudiée.

E. P.

➙ Classicisme / Éclectisme / Empire et Restauration (styles) / Réalisme / Symbolisme.

 S. Giedion, Spätbarocker und romantischer Klassizismus (Munich, 1922). / H. Focillon, la Peinture au xixe siècle. Le retour de l’antique, le romantisme (Laurens, 1927). / L. Benoist, la Sculpture romantique (Renaissance du livre, 1928). / L. Hautecœur, M. Aubert et coll., le Romantisme et l’art (Laurens, 1928). / P. Schommer, l’Art décoratif au temps du romantisme (Van Oest, 1928). / W. Friedländer, Hauptströmungen der französischen Malerei von David bis Cézanne, t. I : Von David bis Delacroix (Bielefeld et Leipzig, 1930). / L. Réau, l’Art romantique (Garnier, 1931) ; l’Ère romantique, t. II : les Arts plastiques (A. Michel, 1949). / E. Kaufmann, Architecture in the Age of Reason (New York, 1955 ; nouv. éd., 1968). / F. Novotny, Painting and Sculpture in Europe, 1780 to 1880 (Harmondsworth, 1960). / P. Courthion, le Romantisme (Skira, Genève, 1962). /M. Brion, l’Art romantique (Hachette, 1963). / E. de Keyser, l’Occident romantique, 1789-1850 (Skira, Genève, 1965). / F. Antal, Classicism and Romanticism with other Studies in Art History (Londres, 1966).


Le romantisme et la musique

La plupart des exégètes du romantisme s’accordent à définir celui-ci comme un ensemble de mouvements intellectuels qui, dès la fin du xviiie s., donnent en général la prépondérance au sentiment sur la raison et s’efforcent soit de parfaire ou de dépasser le classicisme (en Allemagne), soit de combattre ses défenseurs et ses disciples (en France). Une semblable tendance fondée sur la primauté foncière de l’affectivité devait naturellement trouver un terrain favorable à son épanouissement dans le domaine des beaux-arts et un écho plus particulièrement sensible dans le cœur des musiciens de cette époque.


Origines

Au sein même du classicisme finissant s’ébauchent les premiers symptômes du romantisme musical, déjà pressenti. Les littérateurs et les poètes l’annoncent en France à la veille de la Révolution, tandis que les philosophes et les dramaturges allemands lui fournissent un tremplin. La comédie larmoyante avec Nivelle de La Chaussée, les écrits de Jean-Jacques Rousseau, la naissance du drame bourgeois, qui détrône les héros mythologiques au profit de personnages plus humainement réels, les conflits moraux, familiaux et sociaux, dont la scène devient le témoin favori, révèlent un état d’esprit nouveau, où l’affectivité revendique ses droits, en même temps que s’instaure progressivement une conception nouvelle de la nature, promue au rôle de confidente suprême des états d’âme romantiques. Les opéras-comiques de cette époque et même les opéras de Gluck* en offrent maint exemple.

En Allemagne, le théâtre de Schiller* (Intrigue et Amour), ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, prônant le retour aux sources populaires, à la poésie naïve de l’enfance et à l’instinct de jeu, orientent tout naturellement le singspiel* vers les anciennes légendes, l’exotisme, le fantastique ou l’hallucinant. Le Faust de Goethe* nous dira que « deux âmes habitent en sa poitrine », affirmant ainsi l’existence d’un devenir immanent à l’être. La vie intérieure s’anime ; elle tend à sortir d’elle même, à s’extérioriser, à clamer sa présence dans un élan irrésistible qui va devenir le fondement et la finalité du lyrisme des compositeurs romantiques. Les événements politiques et sociaux, l’évolution des idées qu’ils engendrent (en particulier quant aux notions de liberté, d’autorité, d’ethnicité), l’influence des systèmes philosophiques qui, de Kant à Fichte, traitent le problème des rapports de l’intelligence et de la sensibilité autant qu’ils postulent l’affirmation du moi (cf. Fichte : « Le moi se pose en s’opposant ») accentueront encore les tendances précédentes en les acheminant vers un lyrisme intense et souvent (ce sera le cas pour Berlioz) exacerbé.