Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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romantisme (suite)

Quelques jeunes peintres allemands, qui s’étaient rencontrés à Vienne, partirent vivre à Rome pour retrouver un contact direct avec les artistes de la Renaissance. Franz Pforr (1788-1812), Johann Friedrich Overbeck (1789-1869), Peter Cornelius (1783-1867), Julius Schnorr von Carolsfeld (1794-1872) formèrent la Lukasbund (confrérie de Saint-Luc), qui vivait dans le travail et la prière. Goethe les nomma « nazaréens » dans une lettre polémique où il critiquait la profonde religiosité de leur œuvre. Leur style se caractérise par la rigueur du dessin et l’extrême précision de la touche. Ils donnèrent un nouvel élan à la peinture monumentale : tous travaillèrent à la décoration de la villa Massimo, y peignant à fresque des épisodes de Dante, de l’Arioste et du Tasse, traités avec une sobriété qui en fait la réussite.

L’inspiration littéraire, très sensible chez les peintres allemands de l’époque romantique, non seulement leur fournit une matière à la transposition plastique, mais oriente la forme de leur création dans une direction très moderne, qui laisse pressentir l’abstraction.


France

La brutalité des transformations que subit la société française explique que des courants très variés s’y soient succédé. Avant la Révolution, la mode est à la sensibilité. Mieux que Greuze*, qui recourt trop facilement à l’anecdote, Fragonard*, par la vivacité de sa palette, une touche fougueuse et tourbillonnante, se fait, à la fin de sa carrière, l’écho des aspirations passionnées de ses contemporains. Les tempêtes, les ciels zébrés d’éclairs, les vagues menaçantes des marines de Joseph Vernet* mettent l’horreur au service d’un sublime un peu mélodramatique. Chez Hubert Robert*, le sentiment de la nature est plus porté vers la mélancolie des ruines, le sens de la fuite du temps.

Les bras tendus des Horaces sont le symbole du raidissement révolutionnaire, une sorte de césure après cet élan préromantique. David*, chantre de la pureté républicaine, puis de la puissance impériale, traite de l’actualité avec un réalisme néo-classique (v. classicisme) qui suscite la réprobation de certains artistes et écrivains archaïsants, tel Nodier. Ces « primitifs » eurent une grande influence sur Ingres*, qui, pour éloigné qu’il fût des romantiques, n’en partageait pas moins certains de leurs goûts : les peintres italiens du quattrocento, Ossian, l’exotisme orientalisant. Un tableau comme Corinne au cap Misène de François Gérard (1770-1837) montre bien comment un sujet romantique (tiré de Mme de Staël) peut être traité dans un style qui est une caricature du néo-classicisme. Girodet-Trioson (Anne Louis Girodet de Roucy, 1767-1824) est plus convaincant lorsqu’il peint les Ombres des héros français reçues par Ossian..., ou les Funérailles d’Atala, œuvre qui révèle l’importance de Chateaubriand dans la vie artistique.

L’épopée napoléonienne suscita chez Gros* plusieurs créations magistrales : le Combat de Nazareth, les Pestiférés de Jaffa, Napoléon à Eylau. La solide organisation de surfaces mouvementées, la liberté chromatique, le réalisme des corps produisirent l’effet que l’on sait. Gros fut considéré comme un maître par les deux plus fortes personnalités de la peinture romantique française, Géricault* et Delacroix*.

Le premier, dans sa conception du sujet, doit bien plus à l’événement qu’à la littérature. Cependant, le départ entre l’exceptionnel et le quotidien est malaisé : l’horrible épisode du Radeau de la « Méduse » (1819) est aussi le symbole d’une « génération sans guide » ; la finesse de l’analyse, dans les portraits d’aliénés, montre combien la limite est irréelle entre le normal et l’anormal.

Esprit d’une curiosité universelle, Delacroix emprunta beaucoup au goût littéraire de son temps — Dante, Byron, Shakespeare et Walter Scott —, mais sans se laisser enfermer dans de faux dilemmes : ses Marocains et ses Romains se ressemblent ; il descend des grands baroques par la richesse du coloris, la sensualité, le rythme effréné. Pourtant, sa Mort de Sardanapale creusa dans l’opinion publique le fossé entre classiques et romantiques, ceux-ci y reconnaissant leur bien et le faisant entrer « bon gré mal gré dans la coterie romantique », comme il le dit lui-même. Ayant essayé tous les genres, Delacroix laissait une place modeste aux paysagistes sincères que furent Georges Michel (1763-1843) et Paul Huet (1803-1869). Mais des illustrateurs et des lithographes de talent eurent une part importante dans la définition du climat de l’époque : Achille Devéria (1800-1857), Grandville (J. I. I. Gérard, 1803-1847), Paul Gavarni (S. G. Chevalier, 1804-1866), Célestin Nanteuil (1813-1873), etc.

La sculpture ne se dégage qu’assez tardivement du goût néo-classique, malgré l’encouragement que constitue la découverte du passé médiéval grâce au musée des Monuments français (1790-1816). Et si la Tuerie (1834) d’Auguste Préault* est bien romantique d’intention, le Lion écrasant un serpent de Barye* — en dépit des remous qu’il provoque au Salon de 1833 — et la Marseillaise (1833-1835) de François Rude* tranchent plutôt avec la production académique par leur souci primordial de la vérité expressive. Dans un même climat, qui va être celui de l’éclectisme*, l’architecture européenne manifeste mieux encore la complexité de l’époque romantique.


L’architecture

Pendant un siècle environ (1760-1860) se sont succédé et se sont entremêlées les expériences les plus diverses : styles néo-classique et néo-gothique, exotisme — n’a-t-on pas construit en Angleterre du « gothique indien » ? —, emploi de techniques et de matériaux nouveaux... C’est dire que l’âge romantique ne possède pas un vocabulaire architectural qui lui soit propre, contrairement aux siècles précédents, qui virent s’enchaîner les avatars du classicisme.

Sans doute le néo-gothique est-il le style le plus fréquemment associé à l’idée de romantisme. Serait-ce son langage architectural privilégié ? Dès le milieu du xviiie s., l’Angleterre en donnait des exemples notoires, par exemple la villa d’Horace Walpole à Strawberry Hill, près de Twickenham. Mais il faut attendre le début du siècle suivant pour que le « gothic revival » prenne toute son ampleur, accentuant les caractères spécifiques du gothique anglais. Ainsi la serre à trois nefs de Carlton bouse, édifice de fer* datant de 1812, rappelle-t-elle la structure de l’église de Christ’s College à Cambridge. À partir de 1820 se propage une fièvre de construction religieuse, et l’on a dénombré 174 églises néo-gothiques élevées en moins de trente ans. Au Parlement de Londres, à partir de 1836, Charles Barry (1795-1860) interprète le gothique à travers la leçon palladienne.