Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

romancero (le) (suite)

Mais le problème est-il bien posé ? Le romance se nourrit de toute la littérature contemporaine vivante, celle qui survit depuis plusieurs siècles et celle qui vient de naître. On y trouve certes des morceaux intacts d’épopée ; mais, dans ce nouvel ensemble formel, si différent, ils ont une fonction différente ; et ils n’ont rien de commun avec leurs sources immédiates, hormis leur apparence. Le romance, avec ses matériaux empruntés, est porteur d’une signification que n’ont jamais eue les chansons de geste. Aussi bien, il n’y a pas entre le romance et la poésie lyrique contemporaine de filiation ou même de parallélisme. Le romance est un objet poétique fait de tout un peu, mais qui répond à ses propres conventions, obéit à ses propres lois, vise à des effets jusqu’alors ignorés.

Le vieux romancero fut une réussite à la mesure de l’Espagne de 1480-1550, qui fut elle-même une réussite. Et il est resté une réussite dans la mesure où il n’a cessé de nourrir la volonté et le sentiment de l’homme soucieux de surmonter sa condition sociale et de se dépasser lui-même.

C. V. A.

 Le Romancero, prés, par M. Pomès (Stock, 1947). / R. Menéndez Pidal, Romancero hispánico (hispanoportugués, americano y sefardi). Teoria y historia (Madrid, 1953 ; 2 vol.).

Romanov

Famille russe originaire de Lituanie, qui s’établit en Russie au xvie s. et régna sur ce pays de 1613 à 1917.


La fortune de cette famille commence en 1547, quand Anastasia Romanov († en 1560), fille d’un boyard, épouse le tsar Ivan IV le Terrible. Leur fils, Fédor Ier (1557-1598, tsar de 1584 à 1598), successeur d’Ivan IV, n’a aucune personnalité : de son père, il n’a hérité qu’une piété excessivement démonstrative. Avec cet « innocent » s’éteint la forte race des Danilovitch.

Le vrai maître de la Russie est alors Boris Godounov (1551-1605, tsar de 1598 à 1605) ; beau-frère de Fédor Ier, après s’être débarrassé du tsarévitch Dimitri (1591), autre fils d’Ivan le Terrible, Boris se fait couronner tsar en 1598. Ayant forcé l’ambitieux Nikita Romanov, oncle de Fédor, à entrer dans les ordres, il se débarrasse par le meurtre de la plupart des membres de la famille Romanov. Après la mort de Godounov (1605) et l’assassinat du premier faux Dimitri (1606), le meurtrier de ce dernier, le boyard Vassili Chouïski, se fait proclamer tsar. Quand, en 1610, il est acculé à l’abdication, trois candidats au trône sont en présence : le jeune Mikhaïl Fedorovitch Romanov, petit-neveu d’Ivan le Terrible, présenté par le prince Pojarski et le patriarche Hermogène, finit par triompher de Ladislas de Pologne ; le 21 février 1613, à l’unanimité, les députés des villes russes reconnaissent Mikhaïl (Michel), qui n’a que seize ans, comme souverain. L’indépendance nationale est sauve.

Michel (1596-1645, tsar de 1613 à 1645) à devant lui une immense tâche de pacification et de reconstruction. Pour l’aider, il peut compter sur son père, Fedor Nikititch Romanov, devenu le patriarche Philarète. Un cadastre général est commencé ; l’industrie est encouragée grâce à l’apport technique d’ingénieurs hollandais ; l’armée elle-même se régularise, son instruction étant confiée à des officiers occidentaux. En vue de moraliser la Sibérie, Philarète crée un évêché à Tobolsk. Voulant profiter d’un interrègne en Pologne, Michel assiège vainement Smolensk ; il s’ensuit une longue guerre dont la Moscovie* sort épuisée.

Fils et successeur de Michel, Alexis (1629-1676, tsar de 1645 à 1676) laissera le souvenir d’un homme pieux, charitable, affable, dont la formation s’inspire quelque peu des mœurs allemandes. Mais la plaie de l’État russe est d’ores et déjà l’état misérable des paysans, dont le sort se rapproche de celui des serfs domestiques. État d’oppression et de misère qui explique les nombreuses révoltes populaires qui jalonnent le xviie s. et qui, souvent, trouvent un appui chez les Cosaques* des grandes steppes du Sud et de l’Ukraine. La plus formidable de ces révoltes est menée par le Cosaque Stenka Razine (v. 1630-1671), qui, se rendant maître de tout l’est de la Russie (1668), promet à tous la liberté et l’égalité. Mais, en 1671, Stenka Razine est arrêté : il meurt écartelé sur la place principale de Moscou.

De son côté, l’élite du clergé prétend réformer les mœurs moscovites et répandre l’instruction, en s’inspirant notamment des travaux et des idées de l’Église grecque. L’autoritaire patriarche Nikon veut proscrire les usages de l’Église moscovite. Si bien qu’en 1666, sous la direction de l’archiprêtre Avvakoum, les tenants de la « vieille foi » font schisme (raskol) : les raskolniks prolongeront ainsi le divorce entre la haute société russe cultivée et le peuple.

Le règne de Fédor III (1661-1682, tsar de 1676 à 1682) est marqué par un gros effort de modernisation, auquel participe activement le conseiller du tsar, Vassili Vassilievitch Galitzine (1643-1714). La régence de Sophie Alekseïevna (1657-1704), pendant la minorité de ses deux frères Pierre Ier et Ivan V (1666-1696, tsar de 1682 à 1689), est troublée par les remous du raskolnisme et par les menées ambitieuses des streltsy qui exigent le règne simultané des deux tsars. Mais le jeune Pierre n’est pas homme à tolérer le partage du pouvoir. En septembre 1689, âgé de dix-sept ans, il réunit quelques régiments, arrête les conseillers de Sophie, confine celle-ci dans un couvent et neutralise Ivan.

Alors commence le règne de Pierre Ier* le Grand (tsar de 1682 à 1725), le véritable créateur de la Russie moderne, qui s’assure autorité à l’intérieur par la réforme des institutions et la fondation de Saint-Pétersbourg (v. Leningrad), et prestige à l’extérieur : l’expansion russe hors des frontières de la Moscovie devient l’objectif premier des Romanov, dont la dynastie est fortifiée par l’oukase de 1721, qui décide que seul le tsar régnant désignera son successeur.

Cependant, l’œuvre de Pierre le Grand manque de profondeur, car la masse paysanne n’est pas associée aux réformes du règne, et le fort courant raskolnik, ou vieux-croyant, s’oppose à l’occidentalisation voulue par un tsar que les vieux-russes comparent à l’Antéchrist.