Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rocheuses et cordillères pacifiques (suite)

Outre le traitement des minerais (quoique celui-ci ait lieu très souvent dans les régions industrielles de l’est ou de la côte pacifique), le travail du bois et la production d’énergie hydroélectrique (fleuves Colorado et Columbia), l’industrie est surtout représentée dans les foyers urbains périphériques, à l’est des Rocheuses (Edmonton, Calgary, Great Falls, Denver, Pueblo) et sur la côte de la Colombie britannique, du Washington, de l’Oregon et de la Californie. Il n’y a que trois grandes agglomérations dans les plateaux intramontains : Spokane (290 000 hab. ; électrométallurgie de l’aluminium, industrie du bois), Salt Lake City (270 000 hab. ; industries alimentaires, traitement des minerais) et Phoenix (762 000 hab. ; matériel aéronautique, électronique, mécanique, métallurgie, industries alimentaires). Phoenix est une des villes qui se sont le plus fortement accrues depuis la guerre ; elle a profité de la migration des techniciens et des industries de pointe vers le soleil (86 p. 100 de l’insolation annuelle possible, 93 et 94 p. 100 en mai et juin).

P. B.

➙ Alaska / Arizona / Californie / Colombie britannique / Colorado / Oregon / Washington [État].

rock and roll

Style musical à prédominance vocale, issu du mariage du jazz, du blues et d’éléments empruntés au folklore américain blanc (country and western) et qui fut très populaire de 1955 à 1965.



Les précurseurs

Dès le milieu des années 30, le verbe to rock (« balancer ») apparaît dans des textes de chansons de jazz (Ella Fitzgerald chantait Rock It for Me en 1937), soulignant l’importance du balancement rythmique avec un sous-entendu érotique.

Pendant les années 40, des musiciens noirs, notamment des bluesmen, qui jouent surtout pour la danse, exploitent ce filon en accentuant de manière quasi systématique le contretemps (ou « afterbeat », c’est-à-dire les 2e et 4e temps de la mesure) afin de donner au roulis rythmique, dérivé du boogie-woogie et du shuffle, le pas sur l’invention mélodique. Leur répertoire : des thèmes dont la simplicité harmonique (blues et anatoles [schéma type des phrases A. A. B. A. du thème de 32 mesures]) permet un abondant emploi du riff (phrases répétées plusieurs fois de suite) ; exalté par une instrumentation où dominent le saxophone « hurleur », l’orgue et la guitare, soutenus par une percussion brutale, ce matériau est la base de solos placés sous le signe de l’expressionnisme, de la violence incantatoire. Seront exemplaires de cette tendance : les solistes et chefs d’orchestre Louis Jordan, Big Jay McNeely, Budd Johnson, Earl Bostic, Sam « The Man » Taylor, Bill Doggett, Lionel Hampton (à l’occasion) ainsi que de nombreux vocalistes qui mêlent jazz-rock, ballades et blues — Joe Turner, Jimmy Rushing, Wynonie Harris, Eddie Vinson, Tiny Bradshaw, B. B. King, Ruth Brown, Dinah Washington...

La production de ces musiciens est regroupée par l’industrie phonographique sous la rubrique « rhythm and blues » (dénomination qui, après la Seconde Guerre mondiale, se substitue à l’étiquette ségrégationniste « race series »). On trouve également dans cette catégorie des enregistrements de gospel (negro spirituals) et des ballades interprétées par des groupes vocaux, le seul critère du « rhythm and blues » étant en fait « musique faite par et pour des Noirs ».


Mariage blanc-noir

L’expression rock and roll (balance et roule), qui en argot désigne aussi l’acte sexuel, apparaît vers 1955, au moment où le public des « teenagers » américains délaisse la ballade des crooners et, aussi, l’organisation scolaire, voire fonctionnarisée, des grands orchestres de jazz au profit de la violence rythmique et sonore. Refus du passé ? Révolte contre l’ordre familial et les contraintes sociales ? Quelles qu’en soient les motivations profondes, le style « rock and roll » sera surtout en vogue auprès du public de race blanche dans la mesure où ses vedettes (les plus célèbres étant d’ailleurs des jeunes chanteurs blancs) superposent aux découvertes du rock-jazz noir des éléments provenant du country and western (et notamment du folklore campagnard blanc hillbilly). Ce mariage des rythmes nègres (Joe Turner, Fats Domino) et des traditions de la chanson blanche (Hank Williams, Tennessee Ernie Ford) produit des formes bâtardes où couleur de peau, origine sociale, vêtements et accent des interprètes font oublier aux auditeurs que mélodiquement, et surtout rythmiquement, leurs « idoles » illustrent des formules empruntées au blues, à la musique afro-américaine. Ce qui était nécessaire pour réussir dans des milieux marqués par les principes ségrégationnistes. Aussi, des chanteurs comme Elvis Presley, Bill Haley, Buddy Holly, Eddie Cochran, les Everly Brothers, Ricky Nelson, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent s’imposèrent-ils rapidement — et commercialement — au tout premier plan de la chanson, en même temps que James Dean et Marlon Brando triomphaient au cinéma.

Se trémoussant frénétiquement sur scène, brandissant leur guitare comme une arme ou un sexe, entourés de petits groupes de quatre à six musiciens, utilisant surtout la guitare, le saxophone, l’harmonica, la basse et la batterie, ces vocalistes déchaînent la transe de leur auditoire, allant jusqu’à conclure en émeutes leurs « messes » sonores. L’Europe adopta le rock and roll avec quelque retard. À la fin des années 50, des adolescents se vouent à ce culte (Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Dick Rivers en France, Cliff Richard en Grande-Bretagne, Adriano Celentano en Italie). Mais la récupération par la chansonnette sucrée (rythmiquement plus puissante après cette greffe) s’opérera en France sous le nom de yé-yé.

En même temps, aux États-Unis, le rock and roll noir se développe dans la mesure où ses principaux représentants (Chuck Berry et Little Richard) fournissent une grande partie du répertoire des plus célèbres rockers blancs. Sans doute parce qu’ils restent plus proches du ghetto culturel nègre, leur réussite commerciale n’atteindra pas cependant celle de leurs imitateurs blancs. De plus, le rock noir, dont Chuck Berry est le représentant le plus typique, se trouve écartelé entre l’authenticité du blues, la tentation des ballades douces et la création de nouvelles danses (twist, madison, mashed potatoes, jerk). C’est à l’intérieur de ces genres que se situent les œuvres des vocalistes Lloyd Price, Lavern Baker, Brook Benton, Chuck Willis, Muddy Waters, B. B. King, Clyde McPhatter, Bo Diddley, Little Stevie Wonder, Sam Cooke, Chubby Checker, Ike et Tina Turner, James Brown et de groupes comme les Drifters, les Coasters, les Supremes et les Shirelles.