Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rochelle (La) (suite)

Au cours du conflit franco-anglais du début du xiiie s., la ville reste dans l’obédience de Jean sans Terre et c’est seulement sous Louis VIII qu’elle est rattachée à la France (1226). En 1360, au cours de la guerre de Cent Ans, le traité de Brétigny la redonne à Édouard III d’Angleterre. Les Rochelais résistent à leurs nouveaux conquérants et refusent de les aider de leur flotte. Après l’occupation du château de Vauclair, où est établie la garnison anglaise, les habitants ouvrent de nouveau leurs portes au roi de France, et Charles V confirme tous leurs privilèges. Les Anglais par la suite ne pourront reprendre la ville et se contenteront d’en décimer la flotte (1404).

Au Moyen Âge, La Rochelle est une des plus importantes places de commerce du royaume. C’est là en effet que les négociants de la Hanse et des Pays-Bas viennent s’approvisionner en sel (baie de Bourgneuf), indispensable à leurs pêcheries de harengs, et en vins (vignobles du Bordelais), qu’ils revendent jusqu’au fond de la mer Baltique. À la fin du xve s., Louis XI favorise encore le commerce rochelais.

À partir de 1534, les idées de Calvin se répandent en Aunis et sont adoptées par les habitants de La Rochelle, dont elles flattent l’esprit d’indépendance, et la ville devient un des plus puissants bastions de la Réforme. Après la Saint-Barthélemy, la cité, défendue par François de La Noue (1531-1591), est assiégée par le duc d’Anjou, le futur Henri III, qui ne peut s’en emparer. La paix de La Rochelle (1573) confirme au contraire les privilèges politiques et religieux des habitants.

Sous Louis XIII, la guerre civile s’étant rallumée, les Rochelais n’hésitent pas à s’allier aux Anglais de Buckingham, qui désirent s’emparer de l’île de Ré. Pour empêcher cette liaison, Richelieu*, dès août 1627, fait investir la ville. D’immenses travaux sont entrepris tant sur terre que sur mer pour isoler les rebelles. Une digue de conception hardie, élevée en six mois, ferme l’entrée du port. Les assiégés, abandonnés par les Anglais mais galvanisés par leur maire, Jean Guiton (1585-1654), refusent de livrer la place au roi, qui vient en personne en demander la reddition. La famine finit par avoir raison d’eux, et, le 28 octobre 1628, La Rochelle se rend. Sa population de 18 000 habitants est réduite à 5 000.

Le pouvoir royal se montre clément et exige seulement la destruction de toutes les fortifications et le rétablissement du culte catholique. La révocation de l’édit de Nantes* en 1685 fait perdre à La Rochelle près de 5 000 habitants ; le départ de ses artisans et de ses marchands ruine son économie, qui ne s’en relèvera pas.

Sous Napoléon Ier, les corsaires de La Rochelle font subir de lourdes pertes au commerce anglais ; l’Empereur fait de la ville le chef-lieu du département de la Charente-Inférieure (qui se trouvait auparavant à Saintes).

En 1944, les unités allemandes qui s’y étaient repliées sont investies par les troupes françaises, mais cette poche résistera jusqu’à l’armistice du 8 mai 1945.

P. P. et P. R.

L’art à La Rochelle

La Rochelle a longtemps été port de guerre ; ses remparts, ses tours, les restes de la digue dont Richelieu la fit cerner par Clément Métezeau lors du siège de 1627 (que grava Callot) témoignent de cette première affectation. L’accès du port est gardé par les célèbres tours de Saint-Nicolas (xive s.), de la Chaîne (xive s.), de la Lanterne (xve s.), dont le fût cylindrique est dominé par une flèche pyramidale flanquée de tourelles, enfin de la Grosse-Horloge, modifiée en 1672 et dotée en 1746 de l’horloge qui la désigne : paysage qui a inspiré, entre autres peintres, Corot, Signac, Marquet.

Aux vestiges des anciens remparts s’apparente l’enceinte de l’hôtel de ville. Ce dernier a été construit de 1595 à 1606 : spécimen caractéristique de l’architecture complexe de la Renaissance à son déclin, sa galerie basse à piliers trapus porte un étage aux larges baies séparées par des niches logeant des télamons. Le palais est accosté d’un charmant pavillon élevé vers 1544 par Léonard de La Réau ; à celui-ci est dû également l’hôtel dit « de Diane de Poitiers ». En fait, cet hôtel fut bâti vers 1555 pour Hugues de Pontard, seigneur de Champdenier ; ses deux pavillons inégaux, l’un très ajouré, l’autre massif, sont reliés par une galerie à deux étages et couverts de toits à pentes raides : transposition originale d’un modèle de la Renaissance classique. Au même esprit ressortissent les maisons de la rue des Merciers, aux longues fenêtres étroites sous d’élégantes lucarnes. Le musée archéologique de la ville a recueilli deux autres témoins de cette interprétation du formulaire classique : le portail de l’ancien collège et le plafond d’une maison.

Cette originalité distingue le remarquable hôtel du médecin Nicolas Venette, à l’étage éclairé par de hautes fenêtres que séparent des télamons, et ce qui reste du Palais de justice d’Henri IV (reconstruit sous Louis XVI). Le classicisme du xviiie s., lui-même, conserve une autonomie dans ses réalisations de La Rochelle. La Bourse, construite de 1760 à 1785 par Pierre Mathieu René Hue, est un chef-d’œuvre de noblesse élégante. L’hôtel Fleurian, l’hôtel Le Clerc, qui conserve ses boiseries délicatement décorées, l’hôtel de Crussol d’Uzès, aujourd’hui bibliothèque municipale, sont à divers titres caractérisés par un souci de rationalité qui se subordonne à l’élégance. La cathédrale Saint-Louis remonte au xviiie s. également.

G. J.

➙ Aunis, Saintonge et Angoumois / Charente-Maritime / Poitou-Charentes.

 A. Gelézeau, le Cinquième Siège de La Rochelle (Impr. rochelaise, La Rochelle, 1952). / J. R. Colle, Histoire de La Rochelle (Quartier latin, La Rochelle, 1964). / L. Pérouas, le Diocèse de La Rochelle de 1648 à 1724 (S. E. V. P. E. N., 1964).