Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Robespierre (Maximilien de) (suite)

Thermidor

Il croit, cependant, qu’il domine encore la Convention. Le 8 thermidor (26 juill.), il monte à la tribune, attaque le Comité de salut public et le Comité de sûreté générale, et surtout lance un long réquisitoire contre les « traîtres » et les « fripons »..., qu’il refuse de nommer. Imprudence fatale. Cette diatribe sème l’inquiétude dans les rangs et permet aux conjurés de rallier les indécis du Marais. Le lendemain, Saint-Just ne peut lire à la Convention le rapport qu’il a rédigé. En revanche, Billaud-Varenne et Tallien dénoncent la tyrannie de Robespierre, ce « nouveau Cromwell ». Celui-ci essaie, mais en vain, de se défendre : Collot d’Herbois et Jacques Thuriot (1753-1829), successivement présidents de l’Assemblée, l’empêchent de se faire entendre en agitant leur sonnette, et la Convention décide l’arrestation de Maximilien et de ses amis. Apprenant la nouvelle, la Commune essaie de réagir : elle se déclare en insurrection et fait délivrer les prisonniers. En réponse, l’Assemblée déclare hors-la-loi tout le groupe des robespierristes. Dans la nuit, les sections modérées, conduites par Barras, marchent sur l’Hôtel de Ville, où se sont réfugiés les proscrits. Robespierre ne cherche pas à se défendre : il attend son salut de la légalité et non de la violence. En voyant arriver les hommes en armes, il se tire un coup de pistolet et se brise la mâchoire (à moins qu’il n’ait été atteint par le coup de feu du gendarme Méda [ou Merda]). Transporté tout sanglant aux Tuileries et sommairement pansé, il demeurera pendant de longues heures couché sur une table avant d’être guillotiné avec ses fidèles, parmi lesquels son frère Augustin, Couthon, Le Bas, Saint-Just (10 thermidor [28 juill. 1794]). Le grand artisan de la Révolution française a été sacrifié : sa mort marque la fin de la Convention montagnarde.

A. M.-B.

➙ Constituante (Assemblée nationale) / Convention nationale / Danton / Girondins / Jacobins / Législative (Assemblée) / Révolution française / Saint-Just / Terreur.

 A. Mathiez, Études robespierristes (A. Colin, 1918 ; 2 vol.) ; Robespierre terroriste (Renaissance du livre, 1922) ; Autour de Robespierre (Payot, 1925) ; Girondins et Montagnards (Firmin-Didot, 1930) ; Études sur Robespierre (Éd. sociales, 1958). / J. Massin, Robespierre (Club fr. du livre, 1956). / Robespierre, Œuvres choisies (Éd. sociales, 1956-1958 ; 3 vol.). / M. Bouloiseau, Robespierre (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1957 ; 4e éd., 1971). / J. Ratinaud, Robespierre (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1960). / G. Walter, Robespierre (Gallimard, 1961 ; 2 vol.). / M. Gallo, Robespierre, histoire d’une solitude (Perrin, 1968). / J. Matrat, Robespierre ou la Tyrannie de la majorité (Hachette, 1971).

rocaille (art)

L’accord est encore loin de se faire sur la terminologie en histoire de l’art. Pour les uns, rocaille et rococo sont un même phénomène, et les deux mots (le second dérivant sans doute du premier) s’emploient indistinctement. Pour les autres, le rococo, phase ultime du baroque*, couvre une période plus étendue (allant même jusqu’à la fin du xviiie s. dans les pays germaniques), la rocaille étant plus précisément le style d’ornement qui s’est développé à la cour de France dans les dernières années du règne de Louis XIV, sous la Régence et pendant la première moitié du règne de Louis XV.


L’historien américain S. F. Kimball a montré la spécificité de cet art, dont les formes se diffuseront à travers l’Europe, spécialement en Allemagne, grâce aux recueils de gravure. Malheureusement, le livre de Kimball a été traduit sous le titre de Style Louis XV, ce qui introduit une nouvelle acception, abusive assurément. Le problème devient encore plus confus quand on fait intervenir les notions de style Régence ou de style Pompadour. En attendant une clarification, il faut réserver le terme rocaille à ce style avant tout décoratif en vogue dans les milieux artistiques qui gravitent autour de la monarchie française de 1710 à 1750 environ — style qui sera brocardé par Charles Nicolas Cochin le Fils (1715-1790) dans ses pamphlets et sera balayé par le néo-classicisme, passé à l’offensive dès avant le milieu du siècle, avec la complicité d’ailleurs de la marquise de Pompadour*.

Les origines de cet art rocaille sont beaucoup moins faciles à expliquer que sa déroute. Cochin et ses contemporains dénoncent la responsabilité de Borromini*, de ses émules italiens comme Guarini* et de quelques artistes venus travailler à la cour de France et dont le goût aurait été corrompu par ces Italiens. Cet art rocaille, en réaction contre les règles codifiées et imposées, laisse libre cours à la fantaisie de l’imagination dans des compositions où, sans souci de la symétrie, règnent des formes sinueuses et déchiquetées évoquant vaguement les dessins imprévus de la nature dans les paysages rocheux, les concrétions des grottes ou encore les coquillages et l’écume du bord de la mer.

La mode des « rocailles » — en tant que décor de cailloux et de coquillages — date du xvie s. ; on la voit alors pratiquée par les artistes maniéristes dans des grottes, des nymphées, donc surtout dans l’art des jardins. Les « grotesques » tirées par Raphaël* et son équipe de décors antiques retrouvés à Rome dans la « Maison dorée » entrent à la même époque dans le répertoire décoratif et connaissent une longue fortune grâce à la gravure. Ces éléments furent repris par des dessinateurs ornemanistes parisiens dès la fin du xviie s., en premier lieu par Jean Berain*, qui en tira des « arabesques », compositions pleines de fantaisie, aérées, utilisant volontiers des motifs d’allure exotique qui s’ajoutent au jeu subtil des « grotesques » et proposent ainsi aux artistes des modèles neufs, en accord avec le goût naissant pour davantage d’agrément et moins de solennité. Réserver à Berain et aux dessinateurs qui, au sein de l’agence de J. H.-Mansart* adoptèrent la même ligne — tels Pierre Lepautre*, François Antoine Vassé (1681-1736), Claude Audran* — l’exclusive paternité du style rocaille (comme l’a fait Kimball) est certes abusif et aujourd’hui contesté. Les deux principaux maîtres de la rocaille. Gilles Marie Oppenordt* (1672-1742) et Juste Aurèle Meissonnier (1695-1750), ont puisé à d’autres sources d’inspiration, tant par leurs origines (l’un Hollandais par son père, l’autre Piémontais) que par les étapes de leur formation, tous deux ayant accompli en Italie des séjours fructueux en contact avec l’art des maîtres baroques.