Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Robert le Sage (suite)

Le mariage, le 23 juin 1316, de son fils Charles avec Catherine d’Autriche, veuve d’Henri VII et sœur du nouveau roi des Romains Frédéric II (1314-1322), puis l’élection, en août, de son candidat Jacques Duèse à la papauté (Jean XXII) lui permettent d’isoler les Pisans et donc de leur imposer la paix le 12 août ; cette paix est le prélude à celle qui sera signée le 12 mai 1317 au palais de Naples entre les Communes gibelines et guelfes de Toscane, région dont la diplomatie restitue à Robert de Naples le contrôle que les armes lui avaient fait perdre.

Soucieux de mieux souder ses différentes possessions et zones d’influence (Provence, Piémont, Toscane et royaume de Naples), Robert tente alors la même opération en Italie du Nord. Maître de Gênes en juillet 1318, il bat à Sesto, le 5 février 1319, l’armée de Marco Visconti († 1329), qui se retire alors en Lombardie. Désireux de l’en chasser définitivement, il quitte Gênes le 29 avril. Établi en Provence et à Avignon de 1319 à 1324, il y sollicite en effet les concours nécessaires à la réalisation de son projet. Philippe de Valois en 1320, Henri d’Autriche en 1322 étant intervenus par la force en son nom, mais sans qu’il en tiré profit, il réussit une nouvelle fois par la diplomatie à obtenir l’abdication du tyran de Milan Matteo Visconti, d’ailleurs à la veille de la mort de ce dernier en juin 1322. Ses forces mettent le siège devant Milan le 13 juin 1323, mais sont vaincues au pont de Vaprio, sur l’Adda, le 17 février 1324 et perdent Monza le 10 décembre. Les Visconti restent donc maîtres de Milan et de la Lombardie aux côtés des Della Scala de Vérone et de la maison de Savoie. Ils soustraient l’Italie du Nord à l’influence de Robert de Naples.


Le défenseur de l’Italie face à la collusion de l’Empire et de la papauté

Robert perd le contrôle de Faenza, d’Imola et de Forli, qui chassent les vicaires angevins dès 1314-15, puis de Pistoia en mars 1324 ; il est privé, en outre, de la seigneurie de Florence, que la Commune ne lui renouvelle pas le 31 décembre 1321, et il laisse par ailleurs le roi Jacques II d’Aragon conquérir la Sardaigne entre mai 1323 et juillet 1324. En juin 1324, il doit regagner Naples pour défendre ses possessions italiennes. Il charge d’abord son fils Charles de Calabre de reconquérir la Sicile sur le roi Frédéric, qui s’est allié aux gibelins d’Italie centrale. Comme les expéditions qui l’ont précédée en 1314, en 1316 et en 1317, et comme celles qui vont la suivre en 1326, en 1327, en 1333, en 1335, en 1338, en 1339, en 1341 et en 1342, l’expédition angevine de 1325 (26 mai - 30 août) se solde par un échec. Les défaites infligées peu après à ses alliés florentins et bolonais, respectivement à Altopascio le 23 septembre 1325 par le tyran de Lueques Castruccio Castracani (1281-1328) et à Zappolino le 15 novembre par le seigneur de Mantoue Passerino Bonaccolsi († 1328), étendent la puissance gibeline du nord au centre de l’Italie. Pour faire face à cette menace, les Florentins confient alors le 23 décembre, pour dix ans, la seigneurie de leur ville au duc Charles de Calabre, qui se fait octroyer les pleins pouvoirs en août 1326, tandis que le légat pontifical Bertrand du Pouget (1280-1352) entreprend de son côté en 1326 la reconquête de la Romagne, où Bologne reconnaît sa seigneurie le 5 février 1327, en proclamant sa fidélité à la fois à la cause du roi et à celle du pape.

Concordantes jusque-là, les politiques de ces deux souverains vont pourtant bientôt diverger à la suite de la descente en Italie de Louis IV de Bavière, à qui Sciarra Colonna ouvre les portes de Rome après en avoir chassé les troupes angevines le 23 septembre 1327. Louis, qui est couronné empereur dans l’église Saint-Pierre le 17 janvier 1328, se heurte aussitôt à Robert de Naples. Celui-ci décrète le blocus de l’État romain et fait prêcher la croisade contre l’empereur. Louis fait alors déposer Jean XXII comme hérétique le 18 avril et lui substitue le 12 mai, comme antipape, un « spirituel » Nicolas V (1328-1330). Chef des guelfes, mais auteur d’un traité sur la pauvreté et protecteur, à ce titre, des spirituels franciscains, tel son beau-frère l’infant Philippe de Majorque, qu’il accueille à sa cour, l’Angevin se trouve dès lors dans une position délicate. Il doit pratiquer une politique de neutralité bienveillante envers le pape (1327-28) avant de rompre avec lui. Qu’il le veuille ou non, Jean XXII se trouve, en effet, engagé par son légat en Romagne et en Émilie, Bertrand du Pouget, lorsque celui-ci s’allie secrètement, à Castelfranco le 17 avril 1331, avec le fils d’Henri VII, le roi de Bohême Jean Ier de Luxembourg ; ce dernier était entré à Brescia le 31 décembre 1330 à l’appel de ses habitants, menacés par les ambitions d’Azzone Visconti.

Premier paradoxe : c’est en accord avec l’Église et avec l’appui des villes guelfes, désireuses de briser le joug des tyrans gibelins, que le fils de l’empereur se trouve amené à envisager la création, en haute Italie, d’un royaume vassal du Saint-Siège. Second paradoxe : c’est autour de Robert de Naples, dont la dynastie est pourtant d’origine française, que se regroupent les vieux partis italiens hostiles au projet pontifical d’instaurer un ordre étranger dans le nord de la péninsule, projet qui semble bien être confirmé lors des entretiens qu’ont à Avignon, en novembre 1332, Jean XXII et Jean de Bohême.

Robert de Naples soutient la ligue gibeline conclue à Castelfranco le 8 août 1331, puis la ligne guelfo-gibeline conclue à Ferrare le 16 septembre 1332. Il se dresse contre le pape lui-même lorsque ce dernier projette de remettre le royaume d’Arles au roi de France Philippe VI de Valois en échange de son appui à la candidature au trône impérial d’Henri de Bavière, gendre de Jean de Bohême et cousin de l’empereur schismatique Louis de Bavière, dont le pape espère le retrait volontaire. Menacé, en tant que comte de Provence, de passer dans la vassalité du roi de France, Robert de Naples s’oppose alors à l’achat de Lucques par ce dernier en octobre 1334 et songe à faire la paix avec l’empereur, lorsque Jean XXII meurt le 4 décembre 1334.