Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Ritsos (Ghiánnis) (suite)

De 1934 à 1936 paraissent des poèmes de forme traditionnelle (rimes, mètres rigoureux) qui témoignent de l’effort de Rítsos d’intégrer dans la poésie ses nouvelles aspirations et de dépasser par l’écriture une réalité, personnelle et sociale, contraignante : Tracteurs (1934), Pyramides (1935). Dans Epitáphios (1936), chant funèbre d’une mère devant le cadavre de son fils, ouvrier gréviste tué lors d’une manifestation, on est frappé par l’aisance avec laquelle sont exploités les formes et les thèmes de la tradition culturelle néo-hellénique, notamment populaire.

La période de 1937 à 1943 est marquée par une explosion lyrique : vers libre, mélange d’angoisse et d’émerveillement devant le miracle de la vie, découverte de l’amour, souvenirs d’une adolescence meurtrie. Ici, le plein air intervient, la nature envahit la poésie, avec des images audacieuses et pourtant discrètes, distanciées, comme aperçues dans un rêve : le Chant de ma sœur (1937), Symphonie du printemps (1938), la Marche de l’océan (1940), Vieille Mazurka au rythme de la pluie (1942), Épreuve (1943). Les deux derniers livres — et surtout la fin du second — marquent déjà la transition vers l’étape suivante, de même qu’un étrange poème de la même période, l’Enterrement du comte d’Orgaz (1942).

De 1941 à 1953 dominent des poèmes de combat où les préoccupations politiques vont de pair avec une prodigieuse création d’images multicolores ; l’Occupation, la Résistance, la guerre civile, l’univers des camps y tiennent la place principale. C’est pendant cette période que Rítsos sera considéré par ses compatriotes comme le poète du mouvement populaire par excellence, avec Grécité (1947), les Quartiers du monde (1951), Veille (1954), Cité indomptable (1953). Il rêve d’un monde nouveau, évoque les meurtrissures d’une défaite, le refus de la mort et son dépassement dans le combat et grâce à lui.

La période de 1956 à nos jours est celle de la maturité, de la Sonate du clair de lune (1956) au Sondeur (1973). La plupart des poèmes, souvent inspirés du mythe antique, appartiennent au cycle Quatrième Dimension. Cette période est aussi celle de la consécration mondiale : les livres de Rítsos paraissent en vingt-trois langues étrangères. Parallèlement à ces larges compositions, Rítsos écrit de nombreuses séries de très courts poèmes, comme Notes en marge du temps, Exercices, Témoignages, Pierres, Répétitions, Barreaux, le Mur dans le miroir, Gestes...

Le vers, à la fois suggestif et analytique, procède comme un geste quotidien, une discussion familière. Le lyrisme est ici souterrain, « narratif », et le cheminement poétique est plein de digressions et d’allusions souvent déroutantes. Dans cet éclairage intime, souvent dans des zones obscures se cache la vérité la plus profonde de cette œuvre. Ce souci de dissimulation explique en grande partie le détour antique, l’utilisation des procédés théâtraux, l’emploi systématique de la troisième personne, surtout dans les courts poèmes.

Dans ces textes incisifs, les choses quotidiennes, les objets banals prennent une coloration magique ; les objets s’humanisent et participent à notre drame. Parallèlement, dans les courts poèmes les plus récents, le subconscient, l’hallucination et le cauchemar sont « exploités » systématiquement, mais pour être dépassés par l’intervention poétique : « Ainsi, le tragique devient caricatural et paradoxal, c’est-à-dire objectivement distant », explique le poète.

Dans les grands poèmes de la maturité dominent : l’authenticité de la solitude et la nécessité de rejoindre le combat collectif (le Pont, 1960 ; Philoctète, 1965), de communiquer avec l’autre (Sonate du clair de lune, 1956) ; la dialectique mort/vie (Quand vient l’étranger, 1958) ; l’usure du temps, le sens de l’histoire, le vieillissement d’une civilisation (la Maison morte, 1962 ; Sous l’ombre de la montagne, 1962 ; Hélène, 1972) ; la grandeur et la servitude de l’action (Oreste, 1966) ; le déchirement de l’homme et la recherche d’un équilibre entre l’instinctif, l’affectif et l’intellectuel (Ismène, 1972) ; l’attachement indestructible à la liberté (le Massacre de Milo, 1971 ; Graganda, 1972). Tout cela et aussi la présence obsédante du paysage grec.

Ces poèmes sont de longs discours, au souffle large, avec au centre un personnage-sujet. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un monologue « théâtral » qui avance à l’aide de souvenirs historiques, de souvenirs personnels, d’associations d’idées, pour aboutir lentement à une prise de conscience, à la mise au jour d’une expérience unique et quasi incommunicable, à un acte décisif. Si le sujet est souvent tiré de la tragédie antique, des anachronismes et digressions de toutes sortes font éclater la parabole. Il ne s’agit justement pas de parabole. Cette poésie se développe sur plusieurs plans — à la fois social, psychologique, ontologique —, mêlant les bribes du passé et les sensations chaudes dans un temps morcelé, discontinu, historique aussi bien que subjectif ; de rupture en rupture, le poème vient rétablir une synthèse des contraires, une unité historique.

C. P.

 C. Papandreou, Yannis Ritsos (Seghers, 1968).

rivage

Bande qui, du côté émergé, longe la ligne de rivage, telle que la définit François Ottmann (1965), entre le domaine terrestre et le domaine marin.


La physionomie du rivage dépend, d’une part, de la morphologie côtière, elle-même tributaire de la structure géologique, et, d’autre part, du climat, lui-même tributaire de la latitude et tics vents dominants.

Les côtes rocheuses donnent, suivant l’orientation de leurs plissements et la dureté différentielle des matériaux qui les constituent, des rivages rectilignes ou découpés, mais, en tout cas, marqués de falaises plus ou moins abruptes.

Les côtes sableuses dessinent des rivages à grands rayons de courbure, festonnés de plages, de dunes et de cordons.

Les côtes vaseuses engendrent des rivages uniformément plats, généralement occupés par des marais semés d’étangs et de limans.

À part les cas où le désert atteint le littoral (Sahara espagnol, Hadramaout, frontière chilo-péruvienne) et où la forêt descend jusqu’à la mer (Colombie britannique, fonds de baies abritées), le rivage présente des types de végétation assez originaux.

• Tapis herbacés, landes ou buissons arasés sur plateaux dominant les falaises, avec, dans nos régions, abondance d’Ajoncs et de Bruyères. Les arbres, lorsqu’ils existent, sont rabougris et couchés par le vent (faciès vexillaire).