Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Riemann (Bernhard)

Mathématicien allemand (Breselenz, Hanovre, 1826 - Selasca, sur le lac Majeur, 1866).


Fils d’un pasteur chargé de famille, il fait ses études secondaires à Hanovre et à Lüneburg, puis s’inscrit en 1846 à l’université de Göttingen, où il suit les cours de Carl Friedrich Gauss*. Élève, à Berlin, de Carl Gustav Jacobi* et de Gustav Lejeune-Dirichlet (1805-1859), entre 1847 et 1849, il s’intéresse aux séries de Fourier et aux équations aux dérivées partielles. Revenu à Göttingen, il soutient sa thèse en 1851, avant d’enseigner comme professeur adjoint en 1857, puis comme successeur de Dirichlet dans la chaire de Gauss en 1859. En 1862, il se marie, mais, sans fortune, de santé délicate comme ses frères et sœurs, dont quatre meurent peu avant lui, il doit se soigner pendant les quelques années qui lui restent à vivre et est finalement emporté par la tuberculose.

Son œuvre, une des plus importantes dans le domaine de l’analyse*, s’ouvre magistralement en 1851 par la dissertation inaugurale intitulée Principes fondamentaux pour la théorie générale des fonctions d’une grandeur variable complexe. Riemann s’y inspire de la physique mathématique et ramène la théorie des fonctions de la variable complexe à celle du potentiel. Le plus célèbre des problèmes de cette dernière théorie est celui de Dirichlet : déterminer un potentiel à partir de ses valeurs sur un contour fermé. Pour le résoudre, Riemann considère la fonction qui rend minimale l’intégrale double du carré du module du gradient, et il montre que cette fonction est un potentiel. En 1869, Karl Weierstrass* élève une objection majeure en demandant si ce minimum peut être atteint. Cette critique est à l’origine de nombreux travaux, mais, en 1904, David Hilbert* montre que la démonstration de Riemann peut être rendue rigoureuse.

Le mémoire Sur la possibilité de représenter une fonction par une série trigonométrique (1854), remarquable à plus d’un titre, contient en particulier la définition des « intégrales de Riemann ». Le mémoire Sur le nombre des nombres premiers inférieurs à une-grandeur donnée (1859) fonde la recherche de la répartition asymptotique des nombres premiers sur les propriétés de la fonction analytique zêta, voie de recherche qui s’est révélée plus tard si féconde. D’autre part, la thèse Sur les hypothèses qui servent de base à la géométrie (1854) aborde l’étude d’espaces très généraux, à plusieurs dimensions, par la donnée du carré de leur élément linéaire. Cette conception, inspirée par les études de Gauss sur les surfaces, s’est révélée fondamentale en relativité générale.

Mais le caractère topologique des méthodes de Riemann se révèle nettement dans son mémoire de 1857, Théorie des fonctions abéliennes. C’est ici qu’apparaissent les « surfaces de Riemann » formées de feuillets plans superposés, en nombre égal au degré d’une équation algébrique, reliés par des lignes de passage qui joignent entre eux les points critiques. Cette méthode fonde la théorie des fonctions algébriques, dont les traits essentiels avaient échappé jusque-là aux chercheurs. Elle marque surtout la naissance de la topologie*, partie des mathématiques aujourd’hui en pleine expansion.

J. I.

➙ Analyse / Arithmétique / Fonction réelle / Géométrie / Intégrale définie / Topologie.

Riemenschneider (Tilman)

Sculpteur allemand (Osterode v. 1460 - Würzburg 1531).


Des attaches familiales le lient probablement à Würzburg, car il s’y installe définitivement en 1483, y acquiert en 1485 le droit de bourgeoisie et prend une part importante dans l’administration de la ville, dont il sera bourgmestre ; mais sa prise de position en faveur des paysans révoltés contre le prince-évêque entraîne la chute de sa fortune.

L’art de Riemenschneider doit peu à la tradition plastique de Würzburg, liée à celle des pays de l’Est, Thuringe, Saxe, Silésie, Pologne, où prédominent les recherches expressives et le goût des formes en mouvement (v. Stwosz [Wit]). Il semble plutôt se rattacher aux tendances de la sculpture souabe, caractérisée par une vigueur tranquille et un lyrisme apaisé. L’influence de Nikolaus Gerhaert (v. 1430-1473), si rayonnante non seulement dans les pays rhénans, mais aussi en Souabe, relie Riemenschneider à la filiation de Claus Sluter* et à l’influence néerlandaise. Remarquable praticien, Riemenschneider utilise avec autant de bonheur le bois et le grès fin de Franconie, et son goût de la matière, adaptée à toutes les subtilités des volumes, le conduit à renoncer presque complètement aux revêtements polychromes.

Après le retable de l’église de Münnerstadt (1490), dont les éléments sont aujourd’hui dispersés entre les musées de Munich (la Madeleine entourée d’anges) et de Berlin (les Évangélistes), les œuvres marquantes de la période de jeunesse sont, au musée de Würzburg, les deux statues d’Adam et d’Ève (1491), provenant du portail de la chapelle de la Vierge à Würzburg. Aboutissement d’un thème illustré deux siècles plus tôt à la cathédrale de Bamberg, ces statues, tout en restant typiquement gothiques, sont aussi des créations de beauté, et la vénusté des formes d’Ève, son élégante ingénuité traduisent la traditionnelle douceur souabe.

Dès la même période, Tilman Riemenschneider exprime ses dons d’observation dans le tombeau de l’évêque Rudolf von Scherenberg à la cathédrale de Würzburg (1496-1499). Le prélat repose sur un fastueux sarcophage de pierre encadré d’un baldaquin dont l’ampleur décorative est à la mesure de la puissance spirituelle du personnage, représenté avec un réalisme vigoureux, mais sans violence. Par la suite, Riemenschneider exécute d’autres tombeaux : ceux de Konrad von Schaumberg à la chapelle de la Vierge de Würzburg et d’Elisabeth Stibar à Buttenheim lui sont attribués, ainsi que celui de Lorenz von Bibra à la cathédrale de Würzburg. Mais le plus important est le monument de l’empereur Henri II et de l’impératrice Cunégonde à la cathédrale de Bamberg (1499-1513), où le sarcophage de calcaire fin supportant les gisants est décoré de cinq bas-reliefs illustrant la légende du couple impérial : récits directement intelligibles, traduits dans un style aimable, sans pittoresque déplacé, ces scènes illustrent des anecdotes miraculeuses plus qu’elles n’exaltent la puissance impériale.