Richelieu (Armand Emmanuel du Plessis, duc de) (suite)
Au début de 1818, les Alliés eux-mêmes se rendent compte qu’ils n’ont aucun intérêt à prolonger l’occupation militaire de la France ; en mai, ils annoncent l’intention de tenir à Aix-la-Chapelle un congrès chargé d’examiner les modalités d’une évacuation. Ce congrès s’ouvre le 30 septembre ; Richelieu y représente la France. Son autorité morale lui permet d’obtenir enfin ce qu’il souhaite depuis 1816 : le territoire sera libéré avant le 30 novembre ; la somme que la France s’engage à payer immédiatement, au titre de l’indemnité de guerre, est fixée à 265 millions au lieu de 286. En outre, la France est admise dans la Quintuple-Alliance.
À son retour, Richelieu trouve Paris en pleine crise, alors que Decazes multiplie les intrigues et que des élections partielles révèlent une nette poussée de la gauche. Considérant sa tâche comme terminée avec la libération du territoire, Richelieu démissionne à la fin de décembre. La Chambre, reconnaissante, lui vote une dotation viagère de 50 000 francs de rente, que le noble duc se hâte de verser aux hospices de Bordeaux.
Le second ministère
L’expérience de centre gauche menée par Dessolles et par Decazes ayant échoué et l’assassinat du duc de Berry (13 févr. 1820) ayant réveillé la réaction antilibérale, le comte d’Artois obtient de Richelieu qu’il revienne à la tête du gouvernement (20 févr.). Le duc, toujours modéré, prétend alors gouverner sans la droite, mais avec l’appui de ses voix, pour faire une politique statique de centre droit avec un ministère issu du centre gauche.
Jusqu’en septembre 1820, la droite tolère cette politique ambiguë, à laquelle s’oppose le chef des ultras, Villèle*, ministre sans portefeuille. Mais Richelieu ne peut empêcher le vote — à une faible majorité, il est vrai — des lois d’exception de mars 1820 (loi de sûreté générale, loi restreignant la liberté de presse) ; la loi électorale du 12 juin 1820 — loi dite « du double vote » — renforce les positions de la droite et anéantit l’espoir de la gauche d’accéder au pouvoir par le jeu légal des institutions. L’opposition se jettera donc dans l’action insurrectionnelle : en août 1820, un grand complot libéral (dont La Fayette est le moteur) est éventé par la police. Le 29 septembre, la naissance du duc de Bordeaux — considérée comme quasi miraculeuse — emplit de joie les royalistes.
Si bien que les élections de novembre 1820 sont nettement favorables à la droite. Richelieu voit se dresser alors contre sa position modérée la « faction des impatients », menée par François Régis de La Bourdonnais (1767-1839). Lors de l’ouverture de la session parlementaire de 1821, le ministère Richelieu se trouve pris entre deux feux : la droite lui reproche de rester trop éloigné de la Quintuple-Alliance ; la gauche l’accuse, au contraire, d’avoir laisser écraser par Metternich les patriotes italiens (congrès de Troppau-Laybach). Richelieu n’ose pas dissoudre la Chambre ; physiquement affaibli, voyant son influence auprès de Louis XVIII remplacée par celle de Mme du Cayla, il donne, le 12 décembre 1821, sa démission, que le roi accepte avec indifférence. Les ultras — avec Villèle — le remplaceront au gouvernement.
Richelieu meurt à Paris le 17 mai 1822, ne laissant aucun héritier direct. Une ordonnance royale transférera le titre de duc de Richelieu, ainsi que la pairie, à son neveu Odet de Jumilhac.
P. P.
➙ Decazes / Louis XVIII / Restauration.
J. Fouques-Duparc, le Troisième Richelieu (Lardanchet, 1952). / G. de Bertier de Sauvigny, la Restauration (Flammarion, 1955 ; nouv. éd., 1975).